Le Moyen-orient en 2019
En mars 2019, la bataille de Baghouz, en Syrie, mettait fin aux ambitions territoriales de l’organisation de l’état islamique (EI ou Daech), déjà affaiblie après avoir été chassée de Raqqa, sa « capitale », et de Mossoul (Irak) en juin et juillet 2017. Cela signifie-t-il sa disparition ? Les attentats au Sri Lanka en avril 2019, puis la diffusion d’une vidéo d’abou Bakr al-baghdadi rappellent sa capacité de nuisance.
Quand le « califat » fut proclamé, en juin 2014, L’EI s’étendait sur environ 135 000 kilomètres carrés entre la Syrie et l’irak, et avait été rejoint par quelque 40 000 combattants étrangers venus de 80 pays. Cinq ans plus tard, la force de frappe de la coalition et des armées locales a mené à une défaite militaire de Daech.
Toutefois, déclarer victoire serait prématuré. L’engagement idéologique de ses combattants reste entier : l’organisation compterait entre 14 000 et 18 000 combattants, dont 3 000 étrangers, et disposerait de réserves financières allant de 50 millions à 300 millions de dollars, selon un rapport du Conseil de sécurité de L’ONU paru en février 2019.
• Vers une réorganisation transnationale version Al-qaïda ?
L’affaiblissement ressenti reflète une phase de réorganisation. Si le retour à un contrôle territorial d’envergure est peu probable, L’EI revient à une logique transnationale, clandestine et insurrectionnelle sur le modèle d’autres groupes djihadistes, telle Al-qaïda. Selon L’ONU, Daech est présent dans 13 pays, et ses modes d’action sont multiformes : raids et centres d’entraînement en Libye, affiliation d’anciens groupes comme Ansar Beit al-maqdis dans le Sinaï égyptien, constitution de cellules dormantes en Irak, en Syrie et en Afghanistan. La menace de l’organisation est d’autant plus importante qu’elle conserve un accès à des financements et à des réseaux d’armement importants (1). La porosité des frontières ajoutée à la fragilité politique de certains États renforce également ses capacités de réorganisation.
Depuis la chute du « califat », seuls 20 % des combattants étrangers seraient revenus dans leur pays d’origine ou seraient en voie de rapatriement, dont 4 % de femmes et 17 % d’enfants (2). Face à l’injonction américaine de rapatrier et de condamner leurs djihadistes, les États européens tentent de gagner du temps. Pour certains, comme la France, pays d’origine du plus grand nombre de départs depuis l’europe (1 900 ressortissants), les combattants doivent être jugés en Irak ou en Syrie. D’autres, comme le Royaume-uni ou le Danemark, privilégient la voie de la déchéance de nationalité. Ces politiques se heurtent à la question du sort réservé aux femmes et aux enfants, suspectés d’être les gardiens de l’idéologie du groupe et placés dans des camps, comme à Al-hol (Syrie).
• Comment accueillir les djihadistes ?
L’europe n’est pas la seule concernée : au Maghreb, plus de 3 000 combattants seraient retournés chez eux depuis 2012 (3). En renforçant ses services de sécurité et en développant des programmes de déradicalisation en prison, le Maroc prend la menace au sérieux. Fin 2017, sur 1 664 Marocains
partis combattre (dont 929 dans les rangs de L’EI), 213 seraient revenus. À l’inverse, ni la Tunisie, qui a été le pays à l’origine du plus grand nombre de départs depuis l’afrique du Nord (entre 6 000 et 7 000 départs en 2015), ni l’égypte n’ont mis en place de mesures spécifiques pour faire face au retour de leurs ressortissants. Pour de nombreux spécialistes, accueillir ces anciens combattants est certes un risque, mais constitue une source d’informations importantes sur le fonctionnement de Daech, sachant que l’empreinte faite de violence que l’organisation a laissée là où elle a « gouverné », notamment chez les plus jeunes, reste dans les esprits.