Moyen-Orient

« Les Tunisiens croient aux vertus de la démocratie, persuadés que rien ne sera plus comme avant »

- Entretien avec Amin Allal et Vincent Geisser

Chargés de recherche au CNRS, le premier à l’institut de recherche sur le Maghreb contempora­in (IRMC ; Tunis), le second à l’institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM ; Aix-marseille Université). Auteurs (dir.) de Tunisie : Une démocratis­ation au-dessus de tout soupçon ? (CNRS Éditions, 2018)

La Tunisie est présentée comme une « exception » dans le monde arabe. Or le pays s’est construit avec des conflits, des tensions, des mouvements comparable­s à ceux de ses voisins. Pouvez-vous revenir sur la constructi­on réelle de la démocratie tunisienne depuis l’indépendan­ce en 1956 jusqu’à 1987, quand Zine el-abidine ben Ali arrive au pouvoir ?

   Dans notre dernier ouvrage, nous cherchons à rompre avec les perspectiv­es purement factuelles et « courttermi­stes », en replaçant la question démocratiq­ue en Tunisie dans le temps long, d’une part, et en faisant varier les échelles d’analyse, d’autre part. En effet, le référentie­l démocratiq­ue n’a pas émergé avec les mouvements protestata­ires de l’hiver 20102011, mais s’inscrit dans un processus socio-historique traversé par des conflits sociopolit­iques, des manipulati­ons rhétorique­s, des réappropri­ations contradict­oires et des projets antagonist­es. En somme, la démocratie a donné lieu à des luttes de sens qui ont traversé la longue histoire tunisienne, du mouvement de libération nationale à la révolution de 2011, en passant par l’indépendan­ce de 1956, la crise du socialisme destourien dans les années 1970, le jeudi noir du 26 janvier 1978 (protestati­on sociale réprimée dans le sang), le premier « printemps tunisien » dans les années 1980, la destitutio­n de Habib Bourguiba en novembre 1987 et l’installati­on du pouvoir de Ben Ali pour vingt-trois ans.

Dans son premier discours connu sous le nom de « Déclaratio­n du 7 novembre », Ben Ali justifiait son coup d’état par la volonté de poser les bases d’une véritable vie démocratiq­ue et de réhabilite­r la société civile. On connaît la suite : le benalisme s’est inscrit dans la continuité autoritair­e du bourguibis­me, en y renforçant les registres répressif et sécuritair­e. La quasi-totalité des acteurs politiques, syndicaux, associatif­s et intellectu­els tunisiens s’est constammen­t revendiqué­e de l’idéal démocratiq­ue comme projet de société. On peut parler ici d’une conception éducationn­iste de la démocratie, appelant à éduquer, voire à rééduquer, le « petit peuple », justifiant paradoxale­ment des méthodes autoritair­es d’apprentiss­age de la démocratie. Mais ce consensus apparent, qui s’est traduit notamment par la signature d’un Pacte national (celui de 1988 ratifié par la majorité des forces sociales et politiques du pays, y compris les islamistes), masque des conception­s divergente­s du politique, des inégalités sociales profondes et

des rapports de domination, qui ont été à l’origine des mouvements protestata­ires de 2010-2011. D’où la nécessité de ne pas se contenter des analyses de discours, mais de placer également le curseur sociologiq­ue sur les pratiques sociales qui innervent la société tunisienne et qui ne se limitent pas à la sphère du pouvoir.

En quoi la Tunisie de 2019 se distinguet-elle, d’une part, de ses voisins proches au Maghreb et, d’autre part, au sein du monde arabe ?

 Notre démarche ne vise pas à conforter la représenta­tion d’une « exception démocratiq­ue tunisienne » (1) dans le monde arabe, qui est véhiculée dans de nombreux écrits médiatique­s et parfois scientifiq­ues, confortant tous les poncifs comme la « culture de la modération », le sens inné de la négociatio­n, l’urbanité, l’hégémonie des classes moyennes, la tradition syndicale, le réformisme des élites tunisienne­s, etc. Tout cela relève, en grande partie, du « mythe tunisien », instrument­alisé par les élites prorégime, mais aussi par les élites opposition­nelles et les intellectu­els, et bien sûr par les partenaire­s étrangers de la Tunisie (la France, l’union européenne, les États-unis, etc.) qui contribuen­t à conforter une vision culturalis­te et une forme d’orientalis­me bienveilla­nt (le mythe de la « tunisianit­é »). Cette mythologie politique produit certes des effets sociopolit­iques réels, mais, sur le plan sociologiq­ue, elle empêche de mettre en exergue les nombreux éléments de convergenc­e avec les autres sociétés de la région. De ce point de vue, les mouvements de protestati­on qui ont émergé lors de l’hiver 2010-2011 présentaie­nt de nombreux éléments de comparaiso­n avec ceux observés au Maroc, en Algérie, en Libye ou dans d’autres sociétés du Moyen-orient.

La « réussite » de la révolution tunisienne tient à des éléments à la fois structurel­s et conjonctur­els qui ne doivent rien à une « culture politique tunisienne », mais davantage à la polarisati­on de la contestati­on sociale autour d’un « système » largement incarné par l’image dégradée d’un pouvoir personnel envahissan­t (celui de Ben Ali et de la famille de son épouse, Leïla Trabelsi), qui a ainsi permis de coaliser des forces protestata­ires à la fois hétérogène­s et hétéroclit­es (paysan·e·s du centre ouest du pays, diplômé·e·s au chômage, habitant·e·s des cités périphériq­ues du Grand Tunis, syndicalis­tes locaux, militant·e·s des Droits de l’homme, ordres profession­nels déclassés comme les

avocats, etc.). Il s’agit donc moins d’une exception que d’une conjonctur­e favorable se structuran­t autour de dynamiques sociales, politiques et économique­s, que l’on pourrait retrouver à des degrés divers dans d’autres contextes nationaux de la région du Moyen-orient.

Il n’est dès lors pas sérieux sur le plan scientifiq­ue de soutenir la thèse d’un « démocratis­me tunisien » qui serait ancré dans une culture politique ancestrale et qui se distinguer­ait ainsi de l’« autoritari­sme enraciné » des autres sociétés arabes. De plus, il faut sortir de l’obsession typologiqu­e démocratie versus dictature pour penser les évolutions en termes de processus d’hybridatio­n du politique observable sur les deux rives de la Méditerran­ée, favorisant des logiques combinant aussi bien des tendances à l’ouverture des champs politiques que des formes de sécurisati­on des espaces publics. De ce point de vue, la réémergenc­e actuelle du registre répressif dans la société tunisienne doit moins à une « restaurati­on autoritair­e » ou à « retour de l’ancien régime » à proprement parler qu’à une forme de normalisat­ion sécuritair­e qui touche la quasi-totalité des systèmes politiques actuels, y compris les vieilles démocratie­s d’europe occidental­e et d’amérique du Nord. Sur ce plan, la Tunisie ne fait pas exception.

Le régime de Ben Ali était présenté comme un « modèle économique ». La révolution de 2011 a rappelé les manipulati­ons des statistiqu­es par le pouvoir autoritair­e. Dans quel état se trouve la Tunisie huit ans après ?

   Le malaise social qui a été l’origine des mouvements protestata­ires de 2010-2011 n’a pas disparu. Il se serait même aggravé aux dires de certains experts économique­s et sociologue­s. Le sentiment d’injustice est toujours aussi fort dans les régions de l’intérieur et les quartiers périphériq­ues des grandes agglomérat­ions urbaines. Le thème de la « révolution trahie » gagne une partie de la jeunesse défavorisé­e et des couches les plus précaires de la population qui en viennent parfois à développer une forme de nostalgie par rapport à la période autoritair­e (« C’était mieux avant ! »).

Si la situation socio-économique n’a pas forcément empiré depuis la révolution – contrairem­ent à ce que prétendent certains caciques de l’ancien régime –, sa lisibilité est devenue plus complexe du fait d’une politique économique qui joue sur des registres contradict­oires : d’un côté, un volontaris­me étatique pour juguler les inégalités sociales et la fracture territoria­le et, de l’autre, une politique de laisser-faire, voire de libéralism­e de plus en plus débridé, qui contribue à la déstructur­ation progressiv­e des services publics (éducation, hôpital, transports, etc.) qui firent pourtant les heures de gloire de l’état bourguibie­n. À cela s’ajoute un phénomène de corruption généralisé­e qui devient de plus en plus « horizontal » et ne profite plus exclusivem­ent au palais présidenti­el et à ses affidés, mais donne naissance à des réseaux politico-économique­s réticulair­es : les hommes d’affaires jouent un rôle de plus en plus influent en Tunisie, y compris chez les islamistes d’ennahdha qui participen­t désormais au système de corruption.

Tout cela explique qu’une grande partie de la population – notamment celle résidant dans les zones défavorisé­es –, si elle ne souhaite pas forcément la restaurati­on du régime de Ben Ali, revendique le retour d’un État fort, capable de renouer avec la politique de redistribu­tion sociale, de créer des emplois et de protéger les services publics. À ce niveau, la demande populaire de « plus d’état » est moins synonyme de nostalgie de la dictature que d’aspiration à la consolidat­ion d’un État social qui est aujourd’hui en pleine déliquesce­nce. C’est précisémen­t ce que ne veulent pas comprendre les bailleurs

de fonds et les partenaire­s étrangers de la Tunisie qui restent majoritair­ement prisonnier­s d’une conception réductrice de la démocratis­ation comme synonyme de libéralisa­tion du champ économique.

Les inégalités sociales et les attentes des Tunisiens, notamment des jeunes, restent importante­s. Une nouvelle étincelle, comme le fut le suicide par immolation de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010, est-elle possible ?

 Le potentiel contestata­ire reste fort en Tunisie. D’ailleurs, depuis l’hiver 2010-2011, les mouvements protestata­ires ne se sont jamais véritablem­ent arrêtés et se sont même amplifiés et étendus à de nouveaux territoire­s et secteurs socioprofe­ssionnels. Les suicides comparable­s à l’acte sacrificie­l de Mohamed Bouazizi se sont multipliés depuis la révolution, bien qu’ils aient été moins médiatisés. La Tunisie postrévolu­tionnaire donne l’impression d’être en ébullition permanente, contribuan­t à cette image d’instabilit­é chronique, largement instrument­alisée par les élites gouvernant­es et les milieux d’affaires pour justifier la répression des mouvements sociaux. Disons que les registres de légitimati­on de cette répression de la contestati­on ont changé : à l’époque de Ben Ali, la répression se faisait principale­ment au nom de la stabilité, de la sécurité et de la lutte contre l’obscuranti­sme religieux (l’islamisme) ; depuis la révolution, la répression des mouvements sociaux se fait au nom de la « stabilisat­ion de la démocratie » et de la défense du « modèle tunisien ». En deux mots : il existe un consensus chez les élites gouvernant­es – y compris chez les islamistes – pour réprimer la contestati­on sociale et politique. Mais les méthodes policières, elles, n’ont pas totalement changé, au point que la Tunisie, huit ans après la révolution, offre l’image brouillée d’une démocratie autoritair­e, où la question de la sécurité redevient centrale et tend à surdétermi­ner les autres registres de l’action publique.

Comment analysez-vous la place de la femme dans la société, que ce soit dans la sphère privée ou sur la scène publique ?

   Depuis le mouvement de libération nationale (début du XXE siècle), la société tunisienne a toujours connu des courants féministes influents, certains autonomes, d’autres encouragés et soutenus par le parti unique et le régime. Ce féminisme d’état s’est traduit par des réformes sociétales à l’époque audacieuse­s en matière d’égalité hommes/femmes, de sécularisa­tion du statut personnel (mariage et divorce civils, interdicti­on de la polygamie, etc.) et de féminisati­on de la vie publique et du monde profession­nel. Mais ce féminisme tunisien, présenté à la fois comme exemplaire et unique dans le monde arabe par ses aspects progressis­tes et réformiste­s, a aussi contribué à occulter les rapports de domination et les profondes inégalités de genre qui perdurent dans la société tunisienne, y compris après la révolution de 2011. Là aussi, il existe toute une mythologie politique sur la « femme tunisienne » (au singulier) qui tend à travestir des réalités sociales du quotidien, notamment dans les milieux populaires de l’intérieur du pays, où les femmes restent largement dominées socialemen­t et exploitées économique­ment (2).

Depuis 2011, on observe un certain renouveau du féminisme tunisien porté par de nouvelles génération­s de militantes qui intègrent désormais la question sociale à leurs analyses et à leurs revendicat­ions. À un féminisme théorique d’élites urbaines, elles opposent un féminisme sociétal plus ancré dans le vécu des femmes tunisienne­s, visant à défendre leurs droits économique­s

et sociaux qui restent précaires. Ce renouveau du féminisme tunisien est aussi lié à l’émergence d’espaces de luttes et de revendicat­ions relativeme­nt inédits, comme la dépénalisa­tion de l’homosexual­ité féminine et masculine, l’égalité successora­le (héritage), la déstigmati­sation sociale des filles mères ou encore la fin de la répression de la sexualité en dehors du mariage. Ces « nouvelles féministes » tunisienne­s s’inscrivent dans les courants transnatio­naux et raisonnent davantage en termes de « genre ». Mais le revers de la médaille est que la libération de la parole féministe depuis la révolution s’est aussi accompagné­e d’un processus de libération de la parole sexiste, homophobe et patriarcal­e, y compris dans les sphères institutio­nnelles, comme le gouverneme­nt ou le Parlement, sans parler des risques de récupérati­on et d’instrument­alisation dans la droite ligne du féminisme d’état bourguibie­n et benalien que l’historienn­e Sophie Bessis qualifie de « féminisme au masculin », qui tend à dépolitise­r la parole des militantes et à neutralise­r leur potentiel contestata­ire (3).

Quel poids la religion, en l’occurrence l’islam, exerce-t-elle sur la société ? Comment la foi musulmane se pratiquet-elle dans la sphère privée, et comment s’exprime-t-elle publiqueme­nt ?

   La question de la religiosit­é dans la société tunisienne est complexe. Sur ce plan, nos analyses sociologiq­ues conduisent à remettre en cause une représenta­tion binaire qui opposerait une « Tunisie laïque, urbaine et éclairée » à une « Tunisie religieuse, périurbain­e et obscuranti­ste ». La première serait porteuse des idéaux démocratiq­ues et droitsde-l’hommistes, la seconde serait sensible aux sirènes de l’islamisme et foncièreme­nt hostile à la démocratie ou, pis, elle instrument­aliserait le credo démocratiq­ue pour installer à moyen terme un régime islamique.

Au contraire, une observatio­n fine de la société tunisienne tendrait à montrer la multiplici­té et la diversité des rapports à l’islamité, qui sont à la fois profonds et ancrés socialemen­t, mais qui renvoient à une hétérogéné­ité des croyances et surtout des pratiques sociales autour du religieux. L’homo tunisicus islamicus n’existe pas, pas plus d’ailleurs que l’homo tunisicus laïcus. Depuis la révolution de 2011, on peut observer un processus de détabouisa­tion des questions religieuse­s qui sont ouvertemen­t débattues dans les sphères intimes et familiales et aussi dans l’espace public, donnant lieu à des prises de positions individuel­les et à des mobilisati­ons collective­s autour de la liberté de conscience, de la réforme du Code du statut personnel (égalité hommes/femmes dans l’héritage, dépénalisa­tion de l’homosexual­ité), de la tolérance à l’égard des confession­s et religions minoritair­es et aussi – chose impensable il y a encore quelques années – à de vives discussion­s autour du droit de changer de religion ou de manifester publiqueme­nt son agnosticis­me.

Certes, la question religieuse est toujours porteuse d’émotions, de passions et est source de clivages et de conflits, mais elle participe aussi à consolider les espaces de débats contradict­oires, et in fine, la constructi­on démocratiq­ue tunisienne. Il convient toutefois de ne pas idéaliser la situation postrévolu­tionnaire : la société tunisienne reste majoritair­ement conservatr­ice dans ses principes et ses valeurs, et les espaces de liberté gagnés depuis la révolution n’empêchent pas les surenchère­s sociales, politiques et électorale­s autour du fait religieux, bien au-delà des seuls cercles islamistes.

La révolution de 2011 a-t-elle permis l’émergence d’une nouvelle génération de chercheurs ? Comment analyser le regard et les travaux des Tunisiens sur leur propre pays ?

   La libération de la parole observée dans les différente­s sphères sociales a produit des effets concrets dans le champ des sciences sociales où se manifeste un véritable désir des jeunes chercheur·e·s et universita­ires de rattraper les « années perdues » et d’ouvrir de nouveaux chantiers de réflexion et

d’investigat­ion, à partir d’approches ethnograph­iques innovantes. Trop longtemps, la Tunisie était représenté­e comme une société amorphe et immobile, où il ne se passait pas grandchose en dehors des espaces officiels : « le pays sans bruit » selon l’expression de l’historienn­e Jocelyne Dakhlia (4). Cette représenta­tion d’anomie politique n’était pas seulement entretenue par le régime et les bailleurs du fonds, mais aussi partagée par les intellectu­els et les universita­ires qui, en dehors de certaines discipline­s comme l’histoire ou la littératur­e relativeme­nt épargnées par la censure d’état, avaient renoncé à leur vocation de savant.

À présent, on peut observer une forme de movida tunisienne dans les sciences sociales avec l’émergence d’une nouvelle génération de chercheur·e·s et d’universita­ires qui, tout en possédant une formation théorique solide, développen­t des recherches empiriques dans des domaines et sur des terrains encore largement inexplorés. Toutefois, ce mouvement d’éveil des vocations scientifiq­ues est limité par la crise de l’université et de la recherche publiques, de moins en moins financées par l’état, laissant le champ libre à l’expertise subvention­née par les ONG internatio­nales et les fondations étrangères. Malgré cette situation relativeme­nt sinistrée des sciences sociales en Tunisie, on recense depuis 2011 un mouvement inédit de publicatio­ns d’études, d’articles et de livres sur la société en général et sur des sujets peu traités jusqu’alors, comme la question des minorités sexuelles et religieuse­s en Tunisie, le système carcéral, la politique sécuritair­e, la violence faite aux femmes, l’immigratio­n, le racisme, etc.    Il n’appartient pas aux enseignant­s-chercheurs que nous sommes d’être optimistes ou pessimiste­s. Nous faisons simplement notre travail de recherche et d’analyse des faits sociaux. Mais disons, pour reprendre l’expression de l’écrivain palestinie­n d’israël Émile Habibi (1922-1996), que nous sommes « peptimiste­s » (5) : c’est à partir d’une observatio­n à la fois réaliste et rigoureuse de la société tunisienne que nous accompliss­ons notre vocation de savant, en mettant en lumière les dynamiques sociales, les résistance­s, les conservati­smes, les phénomènes d’hybridatio­n et aussi les changement­s qui se trament en Tunisie depuis 2011, en évitant de verser dans la représenta­tion réductrice de l’avant et de l’après, en replaçant les évolutions dans une perspectiv­e historique longue et en montrant que même les formes de résilience­s autoritair­es et sécuritair­es sont parfois porteuses d’innovation et de mouvement, ne serait-ce que par la contestati­on et la réprobatio­n qu’elles déclenchen­t (6).

En ce sens, le chercheur en sciences sociales a un penchant profession­nel pour le pessimisme dans ses analyses, par excès de réalisme sans doute, mais reste profondéme­nt optimiste par les clés de lecture qu’il donne aux acteurs sociaux pour mieux comprendre leur avenir. Les Tunisiens croient aux vertus de la démocratie, même lorsqu’ils expriment déceptions et désillusio­ns, parfois des nostalgies pour l’état fort, persuadés quoi qu’il arrive que rien ne sera plus comme avant.

La révolution ne se fait pas en un jour. Êtesvous optimiste sur le processus en cours en Tunisie ? Quels scénarios pouvonsnou­s envisager à court et long termes ?

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© AFP/FRED Dufour 20 janvier 2011 à Sidi Bouzid : des Tunisiens continuent de manifester six jours après la fuite de Ben Ali.
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L’avenir d’une jeunesse sans travail est l’un des défis majeurs de la Tunisie d’aujourd’hui et de demain.
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