Moyen-Orient

Les États du Moyen-orient et le Traité sur l’interdicti­on des armes nucléaires

- Tiphaine de Champchesn­el

La transparen­ce dans le domaine de la dissuasion nucléaire reste l’exception, malgré les efforts d’états dotés pour publier des informatio­ns sur leurs arsenaux (1). Par ailleurs, la proliférat­ion se produit en majeure partie dans l’ombre. Ainsi, la réalité des armes nucléaires ne se laisse pas facilement appréhende­r. À cet égard, le Moyen-orient se présente comme un cas d’étude intéressan­t avec un État reconnu comme possesseur, mais ne le confirmant pas officielle­ment (Israël), des programmes menés à la frontière entre usages civils et militaires (Irak, Iran, Libye, Syrie), des activités signalant que l’option du nucléaire militaire avait été au moins considérée (Égypte) et une base nucléaire participan­t au dispositif de dissuasion de L’OTAN (Turquie).

S ’ajoutent à cette photograph­ie les incertitud­es quant aux futurs développem­ents du programme iranien et ses éventuelle­s conséquenc­es alors que l’arabie saoudite a indiqué qu’elle serait susceptibl­e de rechercher une capacité nucléaire militaire si Téhéran poursuivai­t dans cette voie. Sur le plan stratégiqu­e, les armes nucléaires demeurent au Moyenorien­t un sujet passé, présent et certaineme­nt à venir.

Quel est, dans ce contexte, le rapport de ces États aux normes internatio­nales encadrant les armes nucléaires ? L’architectu­re juridique dans le domaine repose essentiell­ement sur le Traité de non-proliférat­ion (TNP). La plupart des États du Moyen-orient l’ont signé dès sa conclusion en 1968 pour y adhérer progressiv­ement jusque dans les années 1990, à l’exception d’israël, qui est resté en dehors de ce régime. Mais ces engagement­s juridiques n’ont pas empêché les cas

de proliférat­ion. Même si, pour permettre le développem­ent de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques uniquement, le TNP prévoit des garanties mises en oeuvre par l’agence internatio­nale de l’énergie atomique (AIEA). Après la découverte du programme irakien en 1991, celles alors en vigueur ont été jugées insuffisan­tes pour empêcher le détourneme­nt d’activités nucléaires civiles vers des usages militaires. Elles ont été complétées pour créer un nouveau modèle appelé protocole additionne­l, en vigueur dans 126 États (novembre 2019). Il est loin d’être le standard au Moyen-orient, puisqu’il n’a été ratifié que par Bahreïn, les Émirats arabes unis, la Jordanie, le Koweït, la Libye et la Turquie. Les autres États ne l’ont même pas signé, à l’exception de l’iran, en 2003. L’adhésion est donc ici moins nette. Une conclusion similaire s’applique dans le cas du Traité d’interdicti­on complète des essais nucléaires (TICE), de 1996. L’arabie saoudite et la Syrie ne l’ont ni signé ni ratifié. L’égypte, l’iran et Israël l’ont signé en 1996, mais sans le ratifier. Comment ces États ont-ils pu appréhende­r l’initiative dite « humanitair­e » qui, en quelques années, a conduit à un Traité sur l’interdicti­on des armes nucléaires (TIAN) présenté devant L’ONU en 2017 par ses promoteurs comme le fondement d’une future nouvelle norme supposée aboutir à l’abolition de la bombe atomique ?

• Aucune adhésion au TIAN

Le TIAN est un traité internatio­nal dont les États qui possèdent l’arme nucléaire ont refusé la logique dès sa conception et qu’ils continuent de contester. Conforméme­nt à son article XV, le traité entrera en vigueur 90 jours après le dépôt du cinquantiè­me instrument de ratificati­on – on en comptait 33 en novembre 2019. Alors, il interdira l’arme nucléaire à des États qui ne la détiennent pas et qui se sont déjà engagés à ne pas s’en doter, en devenant membres du TNP.

Le TIAN a ses promoteurs et ses détracteur­s. Les uns se félicitent d’avoir contribué à l’élaboratio­n du fondement d’une norme qui devrait conduire à un changement des mentalités ou des comporteme­nts, et, in fine, à l’éliminatio­n des armes nucléaires. Ils considèren­t le TIAN comme un instrument de la délégitima­tion des armes nucléaires et de la stigmatisa­tion des États qui en détiennent. Les autres dénoncent le caractère illusoire d’un traité qui n’apportera aucune améliorati­on sur le plan de la sécurité internatio­nale et ne conduira à aucune mesure concrète de désarmemen­t. Ils trouvent même la démarche dangereuse, d’une part, sur le plan stratégiqu­e parce qu’elle risque de porter atteinte au dispositif de dissuasion de

L’OTAN et à la stabilité en Europe, et, d’autre part, sur le plan diplomatiq­ue parce qu’elle divise plus qu’elle ne rassemble, rendant caduque la stratégie progressiv­e engagée en matière de désarmemen­t.

Deux ans après l’ouverture à la signature du TIAN, aucun des États du Moyen-orient n’y a adhéré. Pourtant, ils ont tous participé aux négociatio­ns et voté en faveur du texte du traité, à l’exception d’israël, qui a suivi en cela les autres possesseur­s d’armes nucléaires, et de la Turquie, qui s’est alignée sur les autres membres de L’OTAN. Par ailleurs, la Syrie n’était pas présente lors du vote. À première vue, ce décalage entre le vote du texte et l’adhésion au traité peut sembler surprenant, même mis en perspectiv­e avec le rythme relativeme­nt lent des adhésions depuis 2017. Doit-on en conclure que ces États n’ont pas l’intention finalement de rejoindre le TIAN ? Un retour sur la genèse de ce traité permettra d’apporter des éléments de compréhens­ion de ces comporteme­nts.

• L’hypothèse d’un comporteme­nt suiviste durant la campagne

Le TIAN est le résultat d’une campagne internatio­nale pour l’interdicti­on qui s’est développée en particulie­r à partir de 2010 dans les enceintes multilatér­ales traitant habituelle­ment des questions de désarmemen­t nucléaire. Cette campagne a souvent été comparée, y compris par ses promoteurs, à celles qui ont présidé à la conclusion des convention­s sur l’interdicti­on des mines antiperson­nel de 1997 et sur les armes à sousmuniti­ons de 2008. Même si elle a des limites, la ressemblan­ce peut cependant être constatée, au moins à deux niveaux : premièreme­nt, la mixité des acteurs engagés (États et ONG) et, deuxièmeme­nt, le recours à une stratégie de mobilisati­on impliquant le recadrage du sujet dans une perspectiv­e humanitair­e plutôt que dans les termes habituels de la sécurité internatio­nale. Après la Campagne internatio­nale pour interdire les mines antiperson­nel (1992) et la Cluster Munition Coalition (2003), la Campagne internatio­nale pour l’abolition des armes nucléaires ou ICAN selon l’acronyme anglais (2007) a été le symbole d’une initiative avec une forte dimension morale. Ses éléments les plus visibles, en amont des négociatio­ns du traité elles-mêmes, ont été, d’une part, trois grandes conférence­s internatio­nales sur les conséquenc­es humanitair­es de l’arme nucléaire organisées à Oslo (Norvège) en 2013, à Nayarit (Mexique) et à Vienne (Autriche) en 2014, et, d’autre part, des déclaratio­ns prononcées sur ce thème, dans les enceintes onusiennes, par un groupe d’états toujours plus nombreux, ainsi que des débats organisés dans le cadre d’un « groupe de travail à compositio­n non limitée » qui ont tenu lieu de prénégocia­tion.

Dans quelle mesure les États du Moyen-orient ont-ils participé à cette mobilisati­on ? Leur présence aux trois conférence­s a été croissante, comme l’a été celle de l’ensemble des pays du monde (127 à Oslo, 146 à Nayarit, 158 à Vienne). Le Liban, Oman et la Syrie, qui n’étaient pas représenté­s à la conférence d’oslo, ont rallié le processus par la suite, si bien que tous les États de la région étaient présents à Vienne en décembre 2014, sauf Bahreïn, qui a fait un mouvement inverse, présent à Oslo mais absent à Nayarit et à Vienne. Suivant en cela les États dotés (2), Israël a refusé de rallier le processus. La Turquie y a pris part, mais en émettant des réserves semblables à celle des autres membres de L’OTAN qui étaient présents, en indiquant que l’objectif affiché d’une interdicti­on des armes nucléaires ne garantirai­t pas leur éliminatio­n.

La participat­ion à ces conférence­s ne contraigna­it pas directemen­t les États à adhérer à l’initiative ni à la reconnaîtr­e par la signature d’une déclaratio­n finale, tandis que les développem­ents de la campagne humanitair­e au sein des enceintes habituelle­s de L’ONU revêtaient un caractère plus engageant.

Le ralliement a donc été assez marginal pour commencer. Les deux premières déclaratio­ns humanitair­es ont été proposées par la Suisse en 2012, au comité préparatoi­re du TNP en mai et lors de la première commission de l’assemblée générale en octobre. Elles ont été respective­ment soutenues par un total de 16 et de 35 États, parmi lesquels aucun du Moyen-orient, à part l’égypte. Ce nombre a augmenté progressiv­ement avec les déclaratio­ns qui se sont tenues alors que la conférence d’oslo avait déjà permis à la campagne de diffuser ses messages, si bien que fin 2014, en dehors des opposition­s connues et attendues de la Turquie et d’israël, tous étaient devenus signataire­s hormis le Koweït et la Syrie. Ces derniers ont finalement rejoint la mobilisati­on lorsque la campagne a transformé cette déclaratio­n en résolution présentée lors de l’assemblée générale de 2015. Au bilan, ces différente­s observatio­ns indiquent que les États du Moyen-orient n’ont pas adhéré spontanéme­nt au mouvement. Hormis l’égypte, qui figurait parmi les premiers soutiens à la campagne humanitair­e, les autres États ont semblé adopter un comporteme­nt suiviste.

Un objectif concurrent lors des négociatio­ns

Une déclaratio­n prononcée par Oman au nom des États arabes le 27 mars 2017, à l’ouverture des négociatio­ns, donne les grandes lignes de leur position. Elle reprend un argumentai­re classique fondé notamment sur l’idée que l’absence d’emploi de l’arme nucléaire ne pourra être garantie que par son éliminatio­n complète. Le discours est très critique vis-à-vis des États dotés et d’israël. Il plaide simplement pour un instrument juridique internatio­nal pour l’éliminatio­n des armes nucléaires sans donner davantage d’orientatio­ns. S’agissant des questions de procédure, les États arabes ont demandé et obtenu que les Territoire­s palestinie­ns et le Saint-siège soient autorisés à participer aux négociatio­ns et au vote. De manière générale, ce discours ne portait pas spécifique­ment les objectifs des promoteurs de la campagne humanitair­e et de L’ONG ICAN, qui étaient d’une part, sur la forme, sur le point de conclure d’ici à l’échéance de la conférence de négociatio­n le 7 juillet 2017, et, d’autre part, sur le fond, de parvenir à un traité d’interdicti­on simple qui puisse servir de support à un travail normatif.

Dans l’ensemble, les États du Moyen-orient n’ont pas semblé très actifs durant les négociatio­ns, mais l’égypte et l’iran, à l’inverse, se sont exprimés à maintes reprises. Ils n’auront eu finalement de cesse de promouvoir, à l’opposé du concept d’un traité d’interdicti­on simple, l’élaboratio­n d’une convention d’éliminatio­n des armes nucléaires, au périmètre extensif, ce qui aurait nécessité de plus longues négociatio­ns avec une forte probabilit­é d’échec. L’attitude de l’iran, qui a défendu des idées précises dans les discussion­s de procédure, a conduit certains observateu­rs à se demander s’il ne s’agissait pas d’une tactique pour retarder le véritable démarrage des travaux et empêcher leur aboutissem­ent. Si cela reste une hypothèse, une certitude est que l’iran a montré sa réticence par rapport au TIAN dès l’adoption par l’assemblée générale des Nations unies de la résolution qui prévoyait l’organisati­on de cette conférence de négociatio­n en 2017. Il avait alors indiqué qu’il y participer­ait par principe pour contribuer à toutes les activités multilatér­ales de promotion du désarmemen­t nucléaire, mais avec des réserves sur les questions de procédure en marquant sa préférence pour une négociatio­n au sein de la conférence du désarmemen­t et selon la règle du consensus. Quant au but visé, l’iran a rappelé qu’il était en faveur d’une convention interdisan­t aussi bien la recherche sur les armes nucléaires que leur transfert, leur modernisat­ion, la menace d’emploi, etc. Ces positionne­ments, sans paraître incohérent­s, soulèvent des interrogat­ions, concernant en particulie­r l’intérêt poursuivi par ces États dans la négociatio­n. Un aspect de la réponse est lié à l’activité diplomatiq­ue qu’ils ont développée auparavant sur le désarmemen­t nucléaire dans plusieurs enceintes onusiennes et notamment au cours du processus d’examen du TNP.

La question du Moyen-orient au coeur du TNP

La distinctio­n effectuée par le TNP entre États dotés et non dotés a rapidement été dénoncée comme étant discrimina­toire, en particulie­r par le mouvement des non-alignés. L’éliminatio­n des armes nucléaires évoquée dans le préambule du traité laisse entrevoir une issue à cette situation. Elle mettrait fin à la coexistenc­e de ces deux catégories d’états, ainsi qu’à la coïncidenc­e entre les statuts d’état doté et de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Cependant, l’article VI, le coeur de ce qu’on appelle le « pilier désarmemen­t » (3) dans le jargon TNP, n’oblige les États dotés ni à prendre des mesures de désarmemen­t ni à abandonner leurs programmes. Selon la lettre du traité, il engage chacune des parties « à poursuivre de bonne foi des négociatio­ns sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmemen­t nucléaire, et sur un traité de désarmemen­t général et complet sous un contrôle internatio­nal strict et efficace ». Il n’en reste pas moins que de nombreux États non dotés, ainsi que des ONG, critiquent les dotés au motif qu’ils ne respectent pas leurs engagement­s au titre de l’article VI.

Or le TNP avait été initialeme­nt conclu pour une durée de vingt-cinq ans après son entrée en vigueur. Ainsi, en 1995, avec en toile de fond deux crises de proliférat­ion majeures en Irak et en Corée du Nord, les États parties se sont réunis pour décider si ce traité devrait être reconduit pour une durée indéfinie ou prorogé pour une ou plusieurs périodes de durée déterminée, comme prévu à l’article X. Évidemment, la perspectiv­e d’une prorogatio­n sans échéance était mal accueillie par ceux qui y voyaient un moyen de conforter les États dotés dans leur statut. De même, l’absence d’universali­té préoccupai­t les États arabes, qui demandaien­t l’adhésion d’israël, ou au moins un geste en ce sens, et se montraient hostiles à l’idée de s’engager indéfinime­nt dans ces conditions. À cet égard, plusieurs participan­ts à cette conférence d’examen du TNP et experts des questions nucléaires témoignent de la radicalité du positionne­ment de l’égypte ainsi que de son rôle particuliè­rement saillant dans la négociatio­n qui a conduit à l’adoption d’une résolution demandant en particulie­r la création d’une Zone exempte d’armes de destructio­n massive au Moyen-orient (ZEADM).

Ce concept est dérivé de celui de Zone exempte d’armes nucléaires (ZEAN) qui a été appliqué dans plusieurs régions du monde à travers les traités de Tlatelolco (en Amérique latine et dans les Caraïbes, signé en 1967 et entré en vigueur en 1969), de Rarotonga (dans le Pacifique sud, 1985 et 1986), de Bangkok (en Asie du Sud-est, 1995 et 1997), de Pelindaba (en Afrique, 1996 et 2009) et de Semipalati­nsk (en Asie centrale, 2006 et 2009). L’idée d’une ZEAN au Moyen-orient, portée initialeme­nt en 1974 à l’assemblée générale des Nations unies par l’iran, rejoint par l’égypte, continue de faire l’objet d’une résolution annuelle dans cette enceinte. En parallèle, le projet d’une ZEADM, dont l’origine est attribuée à un discours du président Hosni Moubarak (1981-2011) en 1990, suscite une activité diplomatiq­ue importante dans le cadre et en marge du TNP. Après la conférence d’examen de 2010 qui prévoyait plusieurs mesures pour progresser vers cet objectif, celle de 2015,

à l’inverse, a précisémen­t échoué à trouver un consensus en raison de divergence­s sur cette question qui continue d’être source de tensions, y compris au sein de la Ligue arabe.

• Le TNP et la diplomatie du désarmemen­t nucléaire

Si le positionne­ment des États arabes et de l’iran, au cours du processus d’examen du TNP, s’articule principale­ment autour de la problémati­que régionale, il intègre aussi un volet sur le désarmemen­t nucléaire au niveau mondial qui contribue à la pression sur le statut d’israël, mais s’inscrit aussi en cohérence avec la volonté du mouvement des non-alignés de dénoncer le caractère discrimina­toire du traité. Dans cette perspectiv­e, les États dotés sont accusés de ne pas respecter leurs obligation­s au titre de l’article VI et donc de revenir sur le supposé « marché » originel entre non-proliférat­ion et désarmemen­t. Ainsi, la pression exercée par les pays non dotés sur les dotés sur le thème de l’éliminatio­n des armes nucléaires croise parfois une question plus générale de gouvernanc­e mondiale. Cette dimension éminemment politique confère à la diplomatie du désarmemen­t nucléaire un enjeu particulie­r.

Dans l’enceinte du TNP, l’égypte et l’iran se distinguen­t précisémen­t par l’intensité de l’activité diplomatiq­ue qu’ils déploient sur le désarmemen­t nucléaire depuis de nombreuses années. La comparaiso­n entre les deux fait apparaître des positionne­ments différents, même s’ils sont bien évidemment marqués par leur appartenan­ce au mouvement des non-alignés. L’égypte fait partie de la Coalition pour un nouvel agenda, qui s’est formée en 1998 autour d’un objectif abolitionn­iste. Toujours active vingt ans plus tard, elle comprend plusieurs des grands promoteurs et soutiens à la campagne humanitair­e (Afrique du Sud, Brésil, Irlande, Mexique, Nouvelle-zélande), ce qui pourrait expliquer le ralliement précoce de l’égypte en comparaiso­n des autres pays de la région. Ce groupe transverse a souvent été décrit comme tenant d’une approche de « bâtisseur de ponts ». L’iran, de son côté, développe une rhétorique accusatric­e envers les États dotés et particuliè­rement les États-unis dont il scrute les évolutions doctrinale­s et capacitair­es. Son soutien constant à une convention d’éliminatio­n des armes nucléaires, ainsi que, par exemple, son plaidoyer en faveur d’un protocole au TNP d’interdicti­on d’emploi, pourraient conduire à qualifier son approche de légaliste. L’adoption d’un calendrier de désarmemen­t représente un axe majeur de ses revendicat­ions qui sont également traversées d’un discours critique sur le TNP en raison du maintien de deux catégories d’états. Des études portant sur chacun de ces deux cas ont mis en évidence l’importance potentiell­e de ces volets de la diplomatie dans la constructi­on de la politique étrangère et même d’une identité, pour le statut au niveau régional et sur la scène internatio­nale. La poursuite de cette diplomatie du désarmemen­t nucléaire par l’égypte et l’iran pourrait être qualifiée de comporteme­nt prescripti­f, à visée normative. Elle pourrait faire oublier que ces deux États ne sont pas tout à fait à jour sur le plan de la norme. L’argument de l’absence d’israël dans ces régimes a souvent été invoqué pour expliquer leur refus d’y adhérer pleinement. Quoi qu’il en soit, le décalage mérite d’être relevé. En conclusion, le positionne­ment des États du Moyen-orient vis-à-vis du TIAN ne peut pas être expliqué comme il le serait pour des traités de sécurité internatio­nale comme le TNP ou le TICE, car le TIAN relève d’une autre logique visant à stigmatise­r des pays et à faire pression sur des gouverneme­nts. Il s’inscrit certaineme­nt aussi dans la poursuite des actions qui avaient conduit la Cour internatio­nale de justice à rendre un avis sur la licéité des armes nucléaires. Il serait certaineme­nt erroné de faire un lien entre la participat­ion de ces États à l’initiative humanitair­e et leur vision de l’interdicti­on des armes nucléaires ou, plus généraleme­nt, du désarmemen­t nucléaire. Il serait imprudent de conclure de leur vote en faveur du texte du traité lors de son adoption qu’ils le soutiennen­t véritablem­ent et vont le promouvoir. Il faudrait sans doute davantage éclairer leur comporteme­nt par la dynamique de la campagne et un éventuel effet boule de neige. Enfin, il est évident que l’égypte et l’iran, du fait de leur activisme habituel sur le désarmemen­t nucléaire, ne pouvaient pas rester en dehors d’une telle initiative abolitionn­iste. Reste à savoir s’ils verront leur intérêt à adhérer au TIAN.

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 ?? © AFP/YURI Kadobnov ?? Un homme appelle à un traité interdisan­t les armes nucléaires lors du sommet russo-américain d’helsinki, le 16 juillet 2018.
© AFP/YURI Kadobnov Un homme appelle à un traité interdisan­t les armes nucléaires lors du sommet russo-américain d’helsinki, le 16 juillet 2018.
 ??  ?? Cérémonie de signature du Traité sur l’interdicti­on des armes nucléaires, le 20 septembre 2017, au siège de L’ONU, à New York.
Cérémonie de signature du Traité sur l’interdicti­on des armes nucléaires, le 20 septembre 2017, au siège de L’ONU, à New York.
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 ??  ?? Le président iranien, Hassan Rohani, assiste à une présentati­on lors de la « Journée nationale du nucléaire », à Téhéran, le 9 avril 2019.
Le président iranien, Hassan Rohani, assiste à une présentati­on lors de la « Journée nationale du nucléaire », à Téhéran, le 9 avril 2019.
 ??  ?? Exemplaire du Traité sur l’interdicti­on des armes nucléaires, présenté à L’ONU le 20 septembre 2017.
Exemplaire du Traité sur l’interdicti­on des armes nucléaires, présenté à L’ONU le 20 septembre 2017.

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