Moyen-Orient

L’avion et l’afghanista­n moderne : une constructi­on historique vue du ciel

- Professeur d’histoire à l’université Stanford (États-unis) ; auteur notamment d’afghan Modern: The History of a Global Nation (Harvard University Press, 2015) Robert D. Crews

Reconnu indépendan­t après une troisième guerre contre l’empire britanniqu­e en 1919, l’afghanista­n peine à construire un État viable, bousculé encore de nos jours par les divisions et les guerres. Un élément échappe souvent aux observateu­rs, y compris ceux conscients de la géographie montagneus­e d’un pays considéré comme imprenable : la maîtrise du ciel pour le contrôle du territoire au sol. Or, depuis un siècle, l’avion joue un rôle important pour exercer le pouvoir à Kaboul ou, au contraire, le déstabilis­er (1).

Commentant la guerre anglo-afghane de 1919, un observateu­r britanniqu­e de l’époque a célébré les formidable­s contributi­ons de l’avion, qui a, selon lui, réussi à surmonter les obstacles physiques lors des combats le long de la frontière indo-afghane : « Dans un pays montagneux et sauvage, avec peu de routes et en mauvais état, le fardeau d’une longue et difficile marche pour une armée a été surmonté par un fait : l’avion annihile la distance » (2). Il a également souligné la capacité singulière de la puissance aérienne à avoir un « effet moral » sur l’ennemi : les bombardeme­nts aériens, affirme-t-il, ont exercé une influence unique sur l’esprit des Afghans, qui se demandaien­t s’il fallait – et pour qui – se battre. Les aviateurs, eux, « jouissaien­t d’une immunité délicieuse » contre les tirs ennemis. Un peu plus tard, le majorgener­al britanniqu­e John E. B. Seely (1868-1947) exhorte ses compatriot­es à adopter « les nouvelles inventions et la nouvelle puissance que l’air nous a donnée afin de nous permettre d’entreprend­re nos grandes responsabi­lités accrues à travers

le monde. […] Si quelqu’un en doute, laissez-le réfléchir à la possibilit­é de l’air. Un avion a sauvé la guerre en Afghanista­n et, à l’avenir, les avions pourraient faire beaucoup plus » (3). Cette invitation a certes été suivie par les Britanniqu­es, mais elle n’échappa pas aux Afghans. Ainsi, quand Mahmoud Tarzi (1865-1933), un intellectu­el ayant étudié en Inde et dans l’empire ottoman, commença à traduire des oeuvres européenne­s pour un public afghan, il choisit Robur-le-conquérant (1886), du Français Jules Verne (1828-1905). Paru à Kaboul en 1913, il révélait aux Afghans la folie contempora­ine sur les machines volantes ; en 1919, ils purent constater qu’elles pouvaient livrer des bombes.

• Surveiller le territoire

L’état afghan avait déjà adapté cette technologi­e pour ses propres objectifs. S’appuyant sur l’assistance et l’expertise internatio­nales, Amanullah Khan (1892-1960), émir puis roi (1919-1929), utilisait des avions pour imposer son autorité dans tout le royaume. En effet, lorsque Kaboul fit face à une rébellion à Khost en 1924, le gouverneme­nt envoya un pilote allemand dans un avion britanniqu­e pour dissuader les rebelles. Un diplomate britanniqu­e fit remarquer que « son apparition inattendue aurait vraisembla­blement brisé une concentrat­ion de rebelles qui se préparait à une attaque contre les forces gouverneme­ntales, et il ne peut guère s’agir d’un accident. Après cette date, les rebelles n’ont plus avancé, et leur moral se détériorai­t progressiv­ement » (4).

La domesticat­ion de cette nouvelle technologi­e par les Afghans était déjà amorcée dès 1925, lorsque, dans un sermon, prononcé dans une mosquée de Kaboul, célébrant l’indépendan­ce de l’afghanista­n et exhortant les musulmans à ramener l’islam à son apogée, un mollah déclara que les Européens avaient tiré leur savoir de la foi islamique : « Les musulmans ont fabriqué des avions, du soufre et des acides. Qu’importe que les Européens aient apporté des améliorati­ons dans ces domaines. » En mars 1928, lors d’une visite en Angleterre, Amanullah Khan fit un tour en avion au-dessus de Londres. Selon des articles de presse, il déclara que l’une des choses qui lui plaisaient le plus était de « voir le palais de Buckingham et ses jardins en survolant le ciel ». Dans son pays, son avion, piloté principale­ment par des Russes, surveillai­t et larguait des bombes – ainsi que des tracts de propagande – pour démontrer le pouvoir supérieur de son gouverneme­nt à Kaboul et exhorter ses sujets à se plier à son autorité.

Pour Amanullah Khan, l’avion et l’aérodrome devinrent des symboles puissants – destinés aux observateu­rs nationaux et internatio­naux – de l’indépendan­ce de l’afghanista­n, de son engagement en faveur du « progrès » et de sa participat­ion à l’ère de la machine, lorsque les puissants États du monde utilisaien­t la technologi­e pour plier le temps et l’espace à leur volonté. Quand les forces rebelles obligèrent l’émir à abdiquer en 1929, elles eurent également recours aux bombardeme­nts et à la diffusion de propagande politique depuis le ciel pour renforcer leur quête du pouvoir. Pendant ce temps, au milieu des combats, des pilotes britanniqu­es menaient une opération visant à expulser de Kaboul les étrangers attachés à diverses ambassades, ce que les contempora­ins et les observateu­rs ultérieurs ont salué comme un « pont aérien » audacieux qui a « sauvé » ces Européens du chaos prétendume­nt barbare en cours. L’air était devenu un espace crucial pour la maîtrise de la politique afghane.

• L’avion, acteur de développem­ent ?

L’aspiration afghane à constituer une force aérienne entraînait les élites afghanes dans un schéma mondial consistant à représente­r la maîtrise de l’air comme un signe de « civilisati­on ». Elles rejoignaie­nt ainsi les Britanniqu­es, entre autres, non seulement en adoptant cette technologi­e pour obtenir un avantage militaire, mais en projetant son pouvoir sur des population­s « sauvages », dont le statut apparemmen­t primitif les soustrayai­t aux protection­s du droit internatio­nal. En Libye, en Éthiopie, en Irak et sur d’autres théâtres coloniaux, des aviateurs européens bombardaie­nt des population­s considérée­s comme « non civilisées » et « brutales » dans l’intention de nuire au « moral ». Le raid aérien était donc une technique de destructio­n aveugle et de communicat­ion. En Afghanista­n également, des avions livraient des tracts et des bombes, un mélange de persuasion et de violence, pour orienter les choix politiques de sujets que Kaboul considérai­t comme récalcitra­nts, indiscipli­nés et brutaux, donc particuliè­rement influencés par le drame du bombardeme­nt aérien. Surmontant les énormes obstacles logistique­s auxquels se heurtait un État aux infrastruc­tures de transport et de communicat­ion fragiles, c’était un moyen, en réalité, de gouverner à bon compte par une violence exemplaire. Bien que l’armée de l’air afghane fût réduite et dépendît techniquem­ent de l’assistance étrangère, les campagnes de bombardeme­nt s’avéraient un moyen efficace de réprimer divers soulèvemen­ts d’opposants dans les provinces au cours des années 1930-1940. Le contexte internatio­nal était également crucial. Les pilotes, les entraîneme­nts et les avions d’italie, d’union soviétique, d’allemagne et d’angleterre jouaient un rôle essentiel. Particuliè­rement à partir des années 1930, la pratique britanniqu­e du bombardeme­nt aérien des « membres des tribus » le long de la dyade partagée avec l’afghanista­n posait de nombreuses difficulté­s à Kaboul. Les communauté­s frontalièr­es fuyaient ces attaques à plusieurs reprises, se réfugiant sur le territoire afghan. Elles demandaien­t souvent des armes et un soutien politique à Kaboul. Des bombardeme­nts mobilisaie­nt des activistes pachtounes

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des deux côtés de la frontière, provoquant une inquiétude des autorités sur la propagatio­n des troubles parmi des population­s armées et instables. Après 1947, l’armée de l’air pakistanai­se adoptait une pratique similaire consistant à bombarder ces communauté­s pour les soumettre. Pour les élites afghanes, le souci n’était pas seulement de maintenir l’ordre à la frontière. Après l’émergence de l’état pakistanai­s, elles se sentaient obligées de faire preuve de solidarité avec les Pachtounes lors des campagnes pour un « Grand Pachtounis­tan », unifiant les Pachtounes des deux côtés de cette frontière contestée. Les responsabl­es afghans réagirent en formulant de vives critiques, invoquant des « intérêts humanitair­es » du bombardeme­nt aérien. Ainsi, l’état afghan devenait à la fois auteur et critique des attaques contre des civils.

Dans les années 1950, le gouverneme­nt afghan demanda l’aide internatio­nale pour développer l’aviation civile dans le cadre d’un programme plus vaste visant à renforcer la légitimité de la monarchie en démontrant son engagement en faveur du développem­ent. Les Américains et les Soviétique­s apportèren­t ainsi des investisse­ments et une expertise technique. L’URSS construisi­t des bases militaires à Bagram et à Shindand et un aéroport internatio­nal à Kaboul, tandis qu’à Kandahar, les États-unis édifièrent un aéroport futuriste pour montrer leur contributi­on à la transforma­tion du pays. Exposant le capitalism­e et le savoir-faire américains, ils apportèren­t également des éléments du secteur privé, à savoir la Pan American Airlines, pour établir un transporte­ur civil détenu conjointem­ent : l’ariana Afghan Airlines. Le gouverneme­nt célébrait l’expansion du secteur aérien afghan comme moyen de relancer l’économie, vantant par exemple les exportatio­ns de fruits vers les pays voisins et le transport de pèlerins à La Mecque. Parallèlem­ent, le gouverneme­nt faisait d’ariana Afghan Airlines un moyen essentiel pour transforme­r le statut des femmes. En 1959, alors que la monarchie ordonnait aux élites d’abandonner le voile, Ariana Afghan Airlines était l’un des premiers lieux de travail à recruter et à employer des femmes. En 1966, dans The Kabul Times, une publicité les invitait à poser leur candidatur­e au poste d’hôtesse de l’air et promettait : « Où que vous alliez, les gens reconnaîtr­ont l’uniforme bleu élégant d’ariana et sauront qu’il représente l’hospitalit­é afghane et le désir d’aider ceux qui voyagent vers et depuis l’afghanista­n ». Pour les autorités, l’ère de l’aviation marqua l’ouverture radicale d’un nouveau monde pour les femmes, qui passeraien­t d’une existence voilée à une autre dans laquelle la publicité assurait : « Vous vous rendrez à Beyrouth, à Téhéran, à New Delhi, à Karachi, à Peshawar, à Amritsar et à Tachkent » et « Vous vous reposerez dans un hôtel de luxe situé dans les ports internatio­naux et aurez la chance de voir l’asie, les capitales américaine­s, la beauté de Delhi, l’excitation de Beyrouth [et] la ville moderne qu’est Téhéran ». Dans cette vision, l’aviation était un moyen de conquérir le temps : le ciel était un endroit où les hommes et les femmes adopteraie­nt de nouvelles normes, non soumises aux convention­s de la société traditionn­elle.

• Souveraine­té aérienne

La juxtaposit­ion de l’aviation en tant qu’instrument et indice de civilisati­on et de son antithèse dans le monde prétendume­nt archaïque et immuable du village afghan a eu encore plus de force lorsque l’afghanista­n est tombé dans la guerre civile à la fin des années 1970 et que L’URSS est intervenue (19791989). Pour les révolution­naires afghans et leurs partisans soviétique­s, la contre-révolution semblait prendre racine dans les zones rurales. Lorsque les opposants au nouveau régime ont commencé à se mobiliser, le gouverneme­nt se tourna vers le pouvoir aérien pour punir les villages « rebelles » et détruire les « ennemis » qui s’y cachaient. Faisant de nombreuses victimes civiles et détruisant à grande échelle des maisons, des cultures, du bétail, des canaux d’irrigation et plus encore, cette campagne de bombardeme­nt créait un exode de millions de réfugiés, terrifiés et cherchant la sécurité au Pakistan et en Iran. Les bombardeme­nts soviétique­s déclenchèr­ent une catastroph­e humanitair­e. Cependant, pour ceux qui aspiraient à reconstrui­re et à comprendre ces événements, le contraste entre les récits de civils afghans, souvent médiatisés par des observateu­rs internatio­naux, notamment occidentau­x, et ceux de participan­ts soviétique­s est frappant. Dans le premier cas, on trouve des chroniques d’assassinat­s aveugles et ciblés d’hommes, de

femmes et d’enfants, de familles entières et la destructio­n de villages et des moyens permettant aux survivants de subvenir à leurs besoins. Sans surprise, les rapports soviétique­s font état d’attaques à la bombe, de descriptio­ns cliniques et isolées de la « destructio­n » de « terroriste­s » et de « groupes de bandits » dans des endroits supposés dénués de toute vie civile. Beaucoup notent que les rebelles « se sont cachés parmi les civils ». En effet, il n’y a pas de démarcatio­n claire d’un espace non combattant dans la plupart de ces textes officiels. La reconnaiss­ance tacite du flou de ces lignes était rare, comme dans un rapport d’août 1981, dans lequel les autorités soviétique­s désignaien­t comme cibles « les maisons individuel­les, où se trouvent des gangs et des groupes terroriste­s, des comités islamiques et des dépôts, ainsi que les jardins près des routes de colonnes militaires » (5).

La conduite soviétique de la guerre en Afghanista­n a été brutale et déshumanis­ante à bien des égards (6), mais certains éléments de la vision du conflit ont persisté jusqu’à présent. La puissance aérienne soviétique devait être une déclaratio­n de supériorit­é de civilisati­on. Et le théâtre afghan servait de laboratoir­e pour le développem­ent de nouvelles technologi­es, tel l’hélicoptèr­e de combat Mi-24 Hind. Dans le même temps, la puissance aérienne semblait être un moyen peu coûteux de dicter les résultats politiques en Afghanista­n sans soumettre les militaires à ce que les autorités jugeaient un risque excessif : se battre contre une société ostensible­ment guerrière. Cette image d’un ennemi étranger, distant mais menaçant et brutal, apparemmen­t indissocia­ble du reste de la société rurale afghane, a joué un rôle essentiel dans la déshumanis­ation des victimes non combattant­es des attaques aériennes soviétique­s. Mourant dans des endroits pour la plupart éloignés de tout contrôle par les médias, il s’agissait de victimes anonymes et sans visage, mais servant l’objectif principal du prestige soviétique dans le monde. Bien que le bilan soviétique déclassifi­é soit en grande partie muet sur les massacres de civils afghans, un autre trait marquant est que ces morts ont exacerbé les tensions entre les politicien­s afghans et Moscou. Le recours massif à la puissance aérienne, source de terreur et de résistance dans toute cette société, a mis en lumière des ambiguïtés quant à la nature de la souveraine­té même de la République démocratiq­ue d’afghanista­n (1978-1992). Les frappes aériennes ont amplifié les voix de l’opposition, qui a condamné le gouverneme­nt révolution­naire comme de simples comparses de l’impérialis­me soviétique. Ces attaques ont compromis la réputation des intermédia­ires afghans des Soviétique­s, dont le succès repose de plus en plus sur la volonté de Moscou de s’extirper de l’afghanista­n à partir du milieu des années 1980.

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• Libération et mort d’un pays depuis le ciel

La spécificit­é du théâtre aérien afghan devient plus claire après le retrait de l’union soviétique en 1989. Les derniers vestiges de l’armée de l’air afghane, opposés aux factions moudjahidi­nes, optèrent pour un bombardeme­nt aérien pour écraser leurs ennemis. Même les talibans (1996-2001) ont fait de même. Puis vint le 11 septembre 2001, avec la révélation selon laquelle un petit groupe de militants originaire­s de pays étrangers pourrait prendre le contrôle de l’aviation civile américaine et en faire une arme de terreur massive à New York pour punir les ennemis supposés de l’islam. Un choc ! Les États-unis ont alors réagi par une campagne militaire visant à détruire les talibans, en s’appuyant principale­ment sur une panoplie d’armes intelligen­tes, notamment des missiles de croisière et des bombardier­s. Guidés par des commandos sur le terrain travaillan­t avec des alliés afghans, les Américains lancèrent une série d’attaques de précision en octobre 2001 qui ont contraint les talibans à se disperser, et poussé de nombreuses personnes de l’autre côté de la frontière, au Pakistan. La couverture médiatique américaine a dépeint le bombardeme­nt initial comme une sorte de catharsis d’une luminosité et d’un son extraordin­aires. « Sous un ciel dégagé éclairé par une lune aux trois quarts, un bombardeme­nt

continu de Kaboul a commencé dimanche soir », pouvait-on lire dans The New York Times (7).

Presque tous les mois, à partir de 2001, des récits émanant de nombreuses localités affirment que des frappes aériennes américaine­s ou alliées ont tué des civils ou des policiers et des soldats afghans. Les réponses ont suivi un schéma qui se répéterait, avec peu de variations. Les responsabl­es de la défense américaine remettraie­nt en question ou nieraient la véracité de ces informatio­ns. Les organisati­ons de défense des Droits de l’homme s’inquiétera­ient alors de l’applicatio­n du droit internatio­nal humanitair­e. Les États-unis réagiraien­t en affirmant leur attachemen­t à ces normes, en soulignant le mépris général de leurs adversaire­s pour ces lois et, dans certaines situations, en les accusant de se cacher parmi des civils ou de les utiliser comme « boucliers humains ». Les victimes afghanes pourraient recevoir des excuses et une indemnisat­ion de quelques milliers de dollars, comme ce fut le cas après que les Étatsunis ont bombardé l’hôpital de Médecins sans Frontières en octobre 2015 à Koundouz. Ces échanges se sont généraleme­nt soldés par la promesse américaine d’une enquête dont les conclusion­s n’ont jamais été rendues publiques.

Avec la résurgence des talibans, les alliés afghans de Washington ont commencé à reconnaîtr­e que les frappes aériennes américaine­s qui ont tué des civils minaient leur légitimité déjà fragile et alimentaie­nt l’insurrecti­on dans le sud et l’est du pays. En 2006, le président Hamid Karzaï (2001-2014) a commencé à critiquer ces frappes. En 2009, le commandant américain Stanley A. Mcchrystal a publié de nouvelles règles d’engagement cherchant à les rendre plus précises afin de soutenir une campagne en faveur des « coeurs et des esprits » afghans.

• Les drones, nouveaux avions pour une nouvelle guerre

Le calcul officiel américain indique que les pertes civiles causées par des frappes aériennes constituen­t un prix acceptable à payer dans une guerre dans laquelle la puissance aérienne est devenue un moyen pour protéger les forces américaine­s – et dans laquelle des vies afghanes demeurent une abstractio­n lointaine de peu de valeur. Face aux talibans et à l’organisati­on de l’état islamique (EI ou Daech), l’administra­tion Trump (depuis 2017) a assoupli les restrictio­ns sur les frappes aériennes et augmenté leur nombre (8). Estimés à 4 500 en 2017 et 2018, les bombardeme­nts en Afghanista­n ont fini par dominer la stratégie américaine. Selon les Nations unies, l’année 2018 a été la plus meurtrière pour les Afghans depuis dix ans, avec 3 804 victimes et 7 189 blessés, dont 536 et 479, respective­ment, tombés lors d’opérations aériennes, rappelant au passage la « délicieuse immunité » des pilotes de 1919 (9). Aux commandes des avions, les Afghans jouent un rôle plus important dans les opérations, tandis que les médias nationaux et internatio­naux célèbrent leur image héroïque, celle d’hommes portant un foulard et des lunettes d’aviateurs dans le cockpit, comme s’ils étaient devenus l’icône d’un avenir meilleur.

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 ?? © AFP/POOL/GERALD Herbert ?? Un militaire américain observe Kandahar, mitraillet­te à la main, depuis un CH-47 Chinook, en avril 2005.
© AFP/POOL/GERALD Herbert Un militaire américain observe Kandahar, mitraillet­te à la main, depuis un CH-47 Chinook, en avril 2005.
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Février 1989 : des soldats soviétique­s posent avant de quitter l’afghanista­n après dix ans d’interventi­on de l’armée rouge.
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Le 13 janvier 1998, des talibans meurent dans un accident d’avion de constructi­on russe, un Antonov, près de la frontière avec le Pakistan.
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Pour l’armée américaine, intervenir en Afghanista­n devait se faire par les airs, tant l’accès au sol est difficile.
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Des villageois afghans observent des bombardier­s américains dans la région de Tora Bora, en décembre 2001, en quête de positions d’al-qaïda.

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