Le Monde du Multicoque

MangeNuage au septième ciel

- Texte et photos Soizic Séon.

Aboutissem­ent d’une longue restaurati­on et d’un projet artistique insolite, le catamaran de la trapéziste Anne Pribat a enfin été mis à l’eau sur l’étang de Thau. Attention les yeux…

En cette jolie matinée de septembre, l’étang de Thau s’apprête à recevoir en ses flots un nouvel habitant. C’est le jour de la mise à l’eau d’un bateau pas comme les autres : MangeNuage. Anne Pribat, la propriétai­re, est surexcitée. Combien de fois a-t-elle pensé à ce jour durant ses cinq ans de chantier ? Tout est prêt : l’antifoulin­g est fraîchemen­t posé (même sous les cales), les jupes relevables se lèvent et se bloquent (ça n’était pas le cas jusqu’à hier), les batteries sont reliées aux moteurs hors bord (qui démarrent), les drisses sont en place… Même les voiles sont à poste ! Pas de doute, c’est le grand jour. Ça se passe chez l’architecte naval Denis Kergomard (Alibi Architectu­re), à Balaruc-les-Bains. Quand la grue commence à soulever le catamaran, il y a du monde pour le spectacle. Ça n’est que le début pour MangeNuage. Il va falloir qu’il se fasse à l’idée d’être sous les projecteur­s. Ce voilier a été créé pour servir de scène flottante et de structure de trapèze ballant. Anne n’est cependant pas partie de zéro. A la recherche d’un catamaran qui puisse lui servir d’agrès et de scène, elle a été aiguillée par Denis vers deux coques de Formule 40 laissées à l’abandon sur un chantier de l’étang. L’idée a pris forme : à partir de ces coques, créer de toutes pièces la plateforme et la scène, inventer un gréement qui puisse servir à la fois à naviguer et à faire du spectacle. L’architecte n’en est pas à son premier défi et apprécie les projets originaux et osés. Anne est une battante, a envie d’apprendre et sent son rêve prendre forme lorsqu’elle voit les dessins de Denis. Lui étudie la faisabilit­é du projet, calcule et invente, dessine, hésite et conseille. Il lui donne accès à ce lieu incroyable qu’est son ancien atelier. Elle ? Elle fait le reste : strate, découpe, enduits, ponçage, soudure, mécanique, collage, montage, recollage, re-ponçage, peinture, mécanique, etc. Le tout en continuant à jouer dans ses différents spectacles (Cie Transe Express et Gratte-ciel). L’apprentiss­age est énorme, et grâce aux conseils et aux coups de main, Anne se forme et construit elle-même son bateau. Le bémol ? Ni lui ni elle n’avaient pensé que ça prendrait si longtemps. Cinq ans de chantier, on le sait, il faut avoir un moral d’acier pour tenir bon. C’est pour cela que ce 30 septembre est si spécial. Le cata prend son envol, 3 tonnes au bout d’une grue, des applaudiss­ements, des rires, des journalist­es, et beaucoup d’émotion à voir l’aboutissem­ent de tout ce travail. Chacun sait que ça n’a pas été une mince affaire. Les deux compères sont là, heureux. Ils l’ont fait, ils n’ont rien lâché, et voilà que ça flotte.

Nous montons à bord pour le premier test sur l’étang. Ce gréement si particulie­r attise la curiosité de tous. Ça n’était pas la première fois que Denis mettait en place ce type de voilure sur un catamaran. Les quatre voiles avant sur rail auto-vireur ne demandent pas trop au barreur qui peut même s’installer en haut de la scène pour diriger le voilier. A bord, pas de gadget ou de superflu. Tout est pensé au plus léger, au plus simple, efficace. Denis est une source intarissab­le d’idées géniales, et même si le Formule 40 se reconverti­t en bête de cirque, il n’a pas pu s’empêcher de penser à sa performanc­e. MangeNuage n’a plus d’excuse pour arriver en retard à une représenta­tion.

« Quel est le programme ? » vous demandez-vous, car c’est justement le jour de la mise à l’eau que tout commence, ça n’est pas

Dimensions : 12,50 x 7,70 m – 1 m de tirant d’eau – 3 tonnes.

Histoire : catamaran de course de 1987, ce

Formule 40 (architecte Nigel Irens) a été skippé par Pierre Le Maout et Yves Parlier sous le nom de

Il est ensuite vendu et utilisé différemme­nt. Après avoir pris la foudre, il est mis de côté et démonté à Sète en 2010. Depuis 2015, Anne travaille sur pour en faire un voilier-spectacle en collaborat­ion étroite avec l’architecte

Denis Kergomard. En 2020, le chantier prend fin et les nouvelles aventures commencent : celles de la scène et de la tournée par la force du vent. Discipline­s artistique­s : trapèze ballant, aériens (tissus, mât pendulaire, corde lisse).

Equipage : 4 personnes : Anne Pribat (créatrice du projet, trapéziste, capitaine), artistes invités.

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Anne Pribat travaille sur ce projet depuis 5 ans. Un rêve devenu réalité.
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