TOUR DU MONDE Au-delà de l’horizon
Le projet familial est culotté : un tour du monde à la voile sur quatre années. Sur le pont, en rangs serrés, Nicolas, skipper professionnel, Pauline et leurs trois jeunes mousses, Louise, Martin et Valentine, s’apprêtent à vivre leur première navigation transocéanique, du Cap-Vert vers la Guyane.
L’aventure est-elle à risques ? En tout cas, elle peut être belle et c’est pour lever cette incertitude que nous nous devions d’oser. Nous sommes le 8 décembre 2019, la sauvage Tarrafal, CapVert, érige à la poupe d’Octopus Five, notre Nautitech 47, un mur de roche et de verdure. Le panorama est idyllique, pourtant à bord c’est la déconvenue. La veille, notre équipière de transat nous a annoncé qu’elle ne traverserait pas l’océan avec nous. Faut-il se résoudre à attendre une nouvelle fenêtre météo afin d’embarquer un(e) équipier(e), ou hisser haut la grand-voile et sillonner l’océan à cinq ? L’idée d’une navigation en famille précore sente, en apparence, moins de confort et de sécurité, mais n’était-ce pas là l’essence même de notre projet ? D’autant qu’aujourd’hui, avec les avancées technologiques que constituent les liaisons satellites, les radars, l’AIS, cette traversée pour rejoindre le continent américain n’a en soi rien de farouchement insolite !
Une transatlantique en famille, cap sur la Guyane
Pour notre équipage novice, il s’agit quand même de quitter la douillette sécurité des eaux côtières pour les eaux mystérieuses de l’Atlantique. Allez, qu’importe le nombre, c’est la qualité qui compte et c’est en famille que nous traverserons l’Atlantique ! Notre liberté à ce goût incroyable de défi à relever, d’échecs à surmonter, de victoires à apprécier. Les quinze prochains jours seront sous le signe de la vigilance et de l’ingéniosité face aux aléas de la navigation. Car, en mer, il y a toujours des aléas : bons ou moins bons ! La nuit est tombée. Un vent nord-est de 15 noeuds sonne le départ et nous pousse à laisser derrière nous les habitations de briques colorées cap-verdiennes où le vert pomme côtoie le rouge incendiaire. Nous quittons à regret cet archipel enchanteur où résonne enà chaque coin de rue le chant de Césaria, où rien ne semble pouvoir troubler la concentration des joueurs de cartes installés à l’ombre d’un arbre, pas même l’agitation des enfants escaladant les rochers en quête de menu fretin armés d’un simple fil, d’un hameçon et d’une persévérance à toute épreuve. Ce départ en transat est un mélange de sentiments contradictoire. A l’excitation d’une nouvelle aventure se mêle la douceur de nos souvenirs à terre, mais aussi et inévitablement les sourdes angoisses d’un saut vers l’inconnu. Si l’action chasse les doutes, certaines craintes ont la dent dure. Nicolas sait nous faire voguer sur des angles cléments. Mais malgré ses efforts pour éviter que la navigation soit trop rude, la houle étant déjà de la partie, il a suffi que le vent arrière commence à perdre de sa stabilité pour rendre ce début de transatlantique un tantinet pénible. Les repères physiques sont bousculés. Les tentatives du corps et de l’esprit pour trouver un rééquilibrage sont vaines et les peurs souterraines s’en donnent à coeur joie ! L’esprit embrumé par les mouvements incessants et irréguliers du bateau, il n’y a plus de place pour les faux-semblants et les artifices. Les attirails pour vous dissimuler prennent trop d’énergie, alors les langues se délient, quand d’autres se paralysent, le corps accepte, se re