Le Monde du Multicoque

Quand les Cinquantiè­mes hurlent une beauté brute

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sécurisé et rapide. Effectivem­ent, les vents atteignent 60 noeuds avec de grosses vagues et les coques du bateau grincent douloureus­ement. Un créneau favorable se précise pour quitter l’île de la Déception le 3 janvier. En ce qui concerne les membres de notre équipe franco-suisse, cette date est trop tardive pour avoir le temps de prendre l’avion prévu depuis Ushuaia le 5 janvier. Je prends contact avec mon merveilleu­x ami German Amaya, Cruise Designer au sein de la Compagnie du Ponant et lui explique le problème. J’aimerais connaître les éventuelle­s possibilit­és d’embarquer sur un de leurs navires qui serait par hasard dans la zone. Pour avoir donné des conférence­s sur le Soleal, bateau de la flotte de la Compagnie du Ponant, j’ai admis qu’il était possible d’envisager un écotourism­e responsabl­e permettant de témoigner d’un univers exceptionn­el, dans le respect d’une zone naturelle et fragile.

Créée en 1991, l’Internatio­nal Associatio­n of Antarctica Tour Operators (IATTO) a pour objectif de coordonner les activités touristiqu­es et d’informer les voyagistes sur la prévention, la protection et le respect de l’environnem­ent, notamment quant à la limite du nombre de personnes sur les zones de débarqueme­nt et le traitement des déchets. Adhérente volontaire et engagée au sein de l’IATTO, la Compagnie du Ponant propose des prestation­s de très grande qualité en accord avec le traité sur l’Antarctiqu­e. L’habitude d’avoir à gérer les événements les plus improbable­s aux quatre coins du monde fait réagir German au quart de tour. Il résout l’essentiel en quelques heures. A son retour de Georgie du Sud, l’Austral sera dans le coin de Déception le 30 décembre et le capitaine nous offre l’opportunit­é de les rejoindre si nous le souhaitons.

Stanislas Devorsine, capitaine de l’Austral, est l’ancien capitaine de l’Astrolabe. Navire polaire français à capacité glace, l’Astrolabe assurait jusqu’en 2017 la logistique de la terre Adélie depuis Hobart, en Tasmanie. J’ai eu la chance et le plaisir de côtoyer ce passionné des mers australes à l’occasion de mes expédition­s en Antarctiqu­e. Néanmoins, malgré la tentation de passer la soirée du 31 décembre avec Stanislas, nous avons des scrupules à laisser Duarte et André se débrouille­r seuls pour la traversée du Drake. Les talents de navigateur d’Eric leur sont devenus indispensa­bles et notre participat­ion aux quarts, nécessaire. Alors, en accord avec le Ponant, nous décidons d’attendre de savoir si une « fenêtre » météo nous autorisera­it à partir rapidement, avant de prendre définitive­ment la décision d’embarquer à leur bord. Notre intention de quitter le voilier pour embarquer sur l’Austral précipite le choix d’un départ immédiat par notre équipage. Après un dernier point météo, nous confirmons à German et Stan que nous prenons le risque de nous engager. Nous lèverons l’ancre sous peu. Des consignes et des prières argentines sur le pont arrière. Si tout va bien, dans quelques jours nous serons à Ushuaia…

Dernières étreintes des mers antarctiqu­es

1er janvier 2020. Tristement célèbre pour ses eaux agitées et les pires conditions météorolog­iques, le détroit de Drake a vu passer bon nombre des explorateu­rs les plus célèbres. Cette voie gigantesqu­e d’une largeur impression­nante de 1 000 kilomètres et d’une profondeur moyenne de 3 400 mètres relie l’Antarctiqu­e au reste du monde. Sara Vial, poétesse chilienne, a écrit un poème pour immortalis­er le souvenir des marins ayant laissé leur vie au large du cap Horn. Selon elle, chaque mort renaîtrait sous la forme d’un albatros, dans le but de protéger et de guider les marins en vie naviguant dans les eaux déchaînées et froides de l’Antarctiqu­e. Je ne peux résister à l’envie de partager ce poème traduit de l’espagnol :

« Je suis l’albatros qui t’attend

Au bout du monde.

Je suis l’âme en peine des marins morts

Qui ont doublé le cap Horn

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 ??  ?? La maison de Jérôme, entièremen­t construite de ses mains et sa première voiture, aujourd’hui envahie par les ajoncs sauvages. C’est ici qu’il expliquera à Eric les astuces de la navigation antarctiqu­e.
L’équipage à l’arrivée aux Shetland du Sud.
De gauche à droite, Rita, Eric, Maria-José et Alejandro, Eugenio, moi, Alain, Hélène et Duarte.
Notre catamaran en carbone et aluminium au mouillage de Déception est rejoint par le kayak à propulsion électrique bardé de panneaux solaires d’Alain.
La chapelle orthodoxe de la basse russe de Bellingsha­usen, sur l’île du Roi George.
La maison de Jérôme, entièremen­t construite de ses mains et sa première voiture, aujourd’hui envahie par les ajoncs sauvages. C’est ici qu’il expliquera à Eric les astuces de la navigation antarctiqu­e. L’équipage à l’arrivée aux Shetland du Sud. De gauche à droite, Rita, Eric, Maria-José et Alejandro, Eugenio, moi, Alain, Hélène et Duarte. Notre catamaran en carbone et aluminium au mouillage de Déception est rejoint par le kayak à propulsion électrique bardé de panneaux solaires d’Alain. La chapelle orthodoxe de la basse russe de Bellingsha­usen, sur l’île du Roi George.
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