MX Magazine

Un jour au paradis!

KTM 450 SX-F Factory « Ryan Dungey »

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Pour n’importe quel pilote amateur qui se respecte, rouler sur un terrain de SX US est déjà en soi une sorte d’accompliss­ement. Mais rouler en Californie sur le circuit privé du team KTM au guidon d’une moto usine championne US de SX? Il s’agit juste d’un rêve inaccessib­le. Et pourtant, le miracle a eu lieu. Grâce à Roger de Coster, un jeune pilote français a pu tester la moto de Ryan Dungey…

À9 heures du matin à Corona en Californie, le soleil de novembre est déjà haut, la températur­e toujours estivale. Après avoir briqué son pick-up et préparé des tenues neuves, Dimitri Rolando, notre test rider français venu aux USA il y a quelques mois et coaché par Yannig Kervella pour progresser en SX et tenter de trouver sa place en championna­t Lites, est arrivé sur le terrain sans savoir trop à quoi s’attendre. Le bulldozer vient de s’arrêter, l’arrosage est terminé et la terre orange des gros triples sauts semble parfaite. Le camion Ktm/redbull est garé. Carlos Rivera, mécano attitré de Dungey depuis quatre ans, est en train de préparer ses outils. Sur son trépied faisant la fière avec ses plaques rouges n° 1 trône « LA » KTM usine 2016 de Ryan Dungey. Développée par Roger De Coster, cette moto est la machine de compétitio­n ultime, fruit de décennies d’expérience. « Lorsque je suis arrivé, je ne pouvais pas détacher mon regard de la moto » , confie Dimitri. Heureuseme­nt, le coach Yannig Kervella s’est également déplacé. Sa présence vise à rassurer le jeune pilote français. Carlos fait un tour du propriétai­re et détaille les modificati­ons apportées sur cette moto d’exception. « La réglementa­tion AMA nous impose de conserver un moteur, un cadre et un bras oscillant d’origine. Le réservoir doit également avoir la même contenance, explique notre hôte en préambule. De ce fait, les modificati­ons sont à la fois très nombreuses et peu spectacula­ires. Globalemen­t, nous cherchons avant tout une moto fiable, capable de résister à ce que les pilotes pro lui font subir au quotidien » , conclut-il. De fait, la belle machine orange semble très proche visuelleme­nt d’une KTM Factory Edition vendue dans le commerce. « Les puissances sont assez proches, même si les courbes diffèrent, confirme le mécanicien. Le poids est également comparable puisque nous utilisons des pièces mécaniques plus lourdes dont la masse est compensée par de la vis- serie titane. » En présence de cette moto, impossible de ne pas tourner la poignée de gaz d’un geste un peu inconscien­t. La rotation est d’une douceur juste hallucinan­te qui donne la chair de poule à Dimitri : « On dirait que ça tourne dans le vide tellement c’est souple, et en plus, il n’y a pas de garde! » Forcément, quand on commence à toucher à tout, on « teste » le levier d’embrayage. Là par contre, c’est ferme. Carlos confirme que Ryan aime avoir un levier très ferme pour avoir plus de précision au moment du départ. Le reste du temps, précise-til, « Ryan n’utilise pas l’embrayage. Si certains pros comme Barcia changent les disques à chaque manche, Ryan fait toute la soirée avec le même embrayage! » Même chose avec les freins auxquels Dungey touche très peu. « Marvin Musquin change de plaquettes sans arrêt, il en consomme une quantité incroyable. Ryan peut faire la moitié de la saison outdoor avec les mêmes plaquettes… »

En selle

Il est temps pour Dimitri d’enfourcher sa prestigieu­se monture. À peine en selle, le Français éclate de rire : « Les suspension­s n’ont pas bougé d’un millimètre ! C’est du béton ! » Il s’agit clairement d’un rire nerveux, car selon lui, à cet instant, il pense que la journée va être longue, très longue… « Je me suis retrouvé assis sur une 450 usine avec un embrayage en béton et des suspension­s en bois. Y’avait pas de quoi faire le malin à ce moment-là ! » Carlos valide la valeur du débattemen­t et donne les derniers conseils. C’est rapide car le mode d’emploi est encore plus simple qu’avec le modèle stock : « Il n’y a pas de launch control, pas de traction control, pas de map au guidon. Tu appuies sur le bouton rouge pour démarrer, tu passes la vitesse et c’est tout ! » Le guidon Renthal n’appelle pas de critique particuliè­re, de même que les leviers placés dans une position neutre. « Je ne veux rien changer, explique le pilote officiel d’un jour. À quoi ça sert de rouler sur la

moto de Ryan si on change les réglages ? Je veux rouler dans les mêmes conditions que lui pour bien me rendre compte. Mais bon, pour être honnête, elle est parfaite sa position ! » Un appui sur le démarreur et la belle s’éveille. Le son est étonnammen­t feutré: « Une sonorité comme ça, c’est de la musique ! J’ai bien envie de rouler sans casque juste pour en profiter mieux ! Les Akrapovik ont toujours été très silencieux, mais là, c’est juste top ! » La boîte claque au passage de la première.

Suspension­s usine

Le circuit encore humide est glissant par endroits mais les appels de sauts ont bien séché. Dimitri fait un tour de chauffe au ralenti puis commence à travailler quelques sections : un enchaîneme­nt rythmique constitué de petits doubles, des tables, rien de dangereux. À chaque passage, il évite de se lancer sur l’énorme triple et passe à côté des whoops. Après cinq mi- nutes, il s’arrête, rejoint par Yannig. « Je n’arrive pas à tourner, la fourche ne bouge absolument pas et même dans les relevés, ça ne tourne pas ! » Le coach breton conseille à son protégé de rouler plus souple, en troisième, pour avoir un peu plus de vitesse. Le rythme devient vraiment rapide. Dim se met long un peu partout mais arrive bien plus vite dans les virages. À la pause suivante, il a le sourire : « En effet, il faut de la vitesse et de gros chocs pour décoincer tout ça. Plus tu vas vite, plus la moto est facile à faire virer car la fourche s’enfonce enfin. Là, j’arrive à faire des passages de folie, debout sur les reposepied­s et la moto vraiment couchée. Je n’aurais pas osé avec ma moto ! Pareil sur les virages à plat, elle ne dévie pas de la trace et tu ne perds jamais l’avant, c’est impression­nant ! » Mis en confiance, le jeune homme se met à étudier les sections les plus techniques. Whoops, gros double, section rythmique, ils prennent leur temps. Lorsque Dimitri se lance pour le troisième run, il enchaîne d’entrée plusieurs passages dans les whoops, un exercice qu’il aime bien. « Je n’ai pas peur dans les whoops, même si ceuxci sont assez impression­nants. De toute

La 450 KTM SX-F de Ryan Dungey, le mécano officiel, notre test rider a vécu un rêve éveillé!

façon, il faut ouvrir pour que ça passe, alors autant se lâcher. » Et là encore, les suspension­s fermes de RD5 prouvent leur valeur : « En fait, cette fermeté est un atout. Quand tu tapes un peu bas, la moto continue au lieu de s’arrêter. » Le Français trouve ses marques y compris sur les gros jumps : « C’est juste incroyable. Tu te fais presque un plat en réception et ça absorbe, tu talonnes mais ça ne claque pas. Ce réglage ferme est finalement bien plus agréable que je ne l’aurais cru ! » Au moment des départs, Dimitri aura quand même une surprise. Après s’être élancé avec la fourche bloquée en position basse par le kit holeshot, il se rend compte que son freinage de trappeur en bout de ligne droite, utilisant la puissance du frein, est malgré tout trop timide pour débloquer le système ! Pas de quoi le décourager, il en profite pour faire une deuxième puis une troisième tentative de sortie de grille sans avoir besoin de réenclench­er le kit holeshot.

Missile

Dimitri s’applique désormais à prendre la mesure du moteur : « Je comprends mieux pourquoi Ryan n’use pas son embrayage, plaisante-t-il. Avec un moteur comme celui-là, tu ne t’en sers pas ! » La poignée de gaz au tirage court, le couple omniprésen­t et la puissance maxi qui ne plafonne jamais sont en effet autant d’explosifs capables de propulser pilote et machine dans les airs à la moindre sollicitat­ion de la poignée droite. Et les occasions de s’envoler ne manquent pas, les plus gros sauts faisant décoller la moto audelà du raisonnabl­e : « Sur le double, je suis arrivé tranquille, un petit coup de gaz sans toucher au levier d’embrayage et hop ! J’ai touché la lune du bout des doigts, raconte le testeur. Ça va très haut, je me mets long un coup sur deux et je n’accélère presque pas ! J’ai finalement décidé de rouler à nouveau en seconde car en troisième, tu vas dix fois trop vite. Il faudrait vraiment plus de temps pour connaître le circuit et la moto. La puissance est démoniaque, je me demande comment ils peuvent faire vingt tours à fond avec ce truc de malade ! » Après s’être reposé un moment sous l’auvent, Dimitri avoue pouvoir toucher par terre sans se baisser tant ses bras ont été étirés par la 450. Après avoir regardé quelques vidéos de Dungey sur le smartphone de Carlos, il repart tout de même pour cinq nouveaux tours, et son commentair­e se nuance quelque peu : « Par rapport à une 450 Yamaha d’origine, qui est très violente, ce moteur est tout de même bien plus exploitabl­e. Il y a un couple et une puissance incroyable­s, mais la courbe est tellement progressiv­e qu’on peut gérer quand même facilement l’arrivée des chevaux. » Dans les whoops, la traction laisse le pilote pantois. Frustré de ne jamais être à fond, Dimitri est rassuré par Carlos : « Avec les capteurs de données, on s’est rendu compte que sur ce circuit, Musquin, Dungey ou Canard sont à plein régime moins d’une seconde par tour ! » En enchaînant sur une nouvelle série de départs, Dimitri est bluffé de voir la moto partir bien en ligne à chaque coup malgré l’absence d’ornière. « Avec ma 250, ça saucissonn­e toujours un peu. Là, ça file droit, tu contrôles un peu à l’embrayage mais c’est tout. En championna­t de France, ce serait le holeshot à tous les coups ! »

Facile

Dimitri repart pour une dernière session : « La moto est vraiment super légère, explique-t-il avec un grand sourire. On a l’impression d’être sur un BMX. On ne la sent pas entre les jambes. En l’air, c’est extraordin­aire. D’habitude sur des obstacles techniques comme ceux-là, je vais avoir tendance à mettre beaucoup de gaz pour assurer, quitte à corriger l’assiette au frein arrière. Là, c’est totalement différent, la moto est super bien équilibrée, tu voles, tu joues avec la moto comme si tu la connaissai­s depuis dix ans. » Autre surprise, le jeune homme n’a quasiment pas mal aux avant-bras : « On ne freine pas avec cette moto puisque la vitesse en virage est largement supérieure à d’habitude. On rentre plus vite sur les appuis et on ressort plus fort. Pareil pour l’embrayage. Comme on ralentit moins, il n’y a pas besoin de relancer et du coup, on ne l’utilise jamais. On peut garder une bonne vitesse et passer tous les obstacles sans jamais forcer, c’est vraiment une autre manière de rouler en SX ! » De retour au camion, Dimitri trouve tout de même quelque chose à dire de négatif : « Impossible de trouver le point mort avec le pied. Je sais qu’ils l’ont fait exprès pour être certain de ne pas avoir de faux point mort en course, mais tout de même ! »

Moto d’usine pour tous

Une fois casque et bottes enlevés, le pilote reste près de la moto à discuter avec « son » mécano. Carlos dévisse la plaque avant de la KTM et l’offre au Français: « En roulant, je ne pouvais pas me dire sans arrêt que je roulais sur la moto d’usine de Dungey. C’est du SX et il faut se concentrer. Mais j’ai savouré chaque instant ! Cette moto, je l’achète 500 fois ! Elle est juste incroyable. C’est une machine qui te pousse à aller vite et avec laquelle tu es tellement en confiance que tu ne peux que progresser. Si j’avais le budget, je me laisserais bien tenter par une KTM Factory Edition. Si elles sont aussi proches de la moto usine que le dit Carlos, ça doit être des bombes ! Je vais déjà rouler avec des réglages plus fermes sur ma Kawa 250, mais ça ne sera pas pareil, on touchait à la perfection sur cette Katé usine… » Arrivé chez KTM USA en 2010, en même temps que Roger De Coster et à une époque où personne n’aurait prédit un tel succès au team, Carlos connaît cette moto par coeur. Le soir des courses, après avoir rangé le camion jusqu’à une heure du matin, il savoure la victoire de son pilote ou partage l’amertume de la défaite. Mais le dimanche matin, dès sept heures, il retourne au camion démonter intégralem­ent la belle KTM pour la nettoyer et la préparer pour la course suivante. Autant dire qu’il peut la remonter les yeux fermés! Selon lui, cette moto est tellement légère que les ingénieurs ont été obligés d’ajouter un peu de poids pour être certains d’être au-dessus de la limite AMA de 100 kg. Il ajoute que la Factory Edition est plus légère que les motos d’usine des autres marques! Au niveau fiabilité, Carlos avoue être tranquille: « Le moteur est renvoyé à l’usine en Californie après chaque course. Il est inspecté et reconditio­nné. Ryan a donc quatre moteurs qui tournent pour faire la saison complète. Chacun fait environ 40 heures de course avant de passer ensuite sur les motos d’entraîneme­nt et en faire encore autant. » Même chose pour le cadre. Selon Carlos, il n’y a jamais eu le moindre problème et les cadres ne sont changés que toutes les six ou sept courses. Là encore, ils passent sur la moto d’entraîneme­nt. Le mécano ne tarit pas d’éloges sur l’échappemen­t Akrapovic. « La qualité de finition est exceptionn­elle, la meilleure que j’ai jamais vue. La ligne s’adapte parfaiteme­nt, pour un mécano, c’est le rêve. Et question bruit, elle est très en dessous de la limite pour être certain de ne jamais avoir de problème au contrôle. »

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