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« Unbon pilote, pilote,pas pas un très bon! »

Cédric Soubeyras occupe une place particuliè­re sur l’échiquier du cross et du supercross hexagonal. Souvent en marge de ses adversaire­s et même parfois esseulé dans le milieu, le champion de France SX Tour 2016 s’est livré à MX Mag dans une interview pass

- Par Laurent Reviron

Il était question que tu te fasses opérer après ton titre en SX pour t’enlever un clou dans le fémur. Où en es-tu aujourd’hui? « Je me suis fait opérer, mais ça ne s’est pas déroulé comme prévu. Une vis cassée bloque le clou et il va falloir que je repasse sur le billard dans quelque temps. En plus, j’ai plutôt mal supporté l’opération. J’ai été malade. Je n’ai pas complèteme­nt récupéré ma force dans la jambe depuis. »

Peux-tu faire un retour sur ta saison 2016? « On s’est séparé avec le team 2B début janvier. Mon objectif était de voler de mes propres ailes. J’ai attaqué la saison avec une 450 Yamaha puis j’ai roulé sur une 250 Kawa aux US, puis retour sur la Yam, puis la 450 Suzuki. J’ai même refait une pige sur une 250 Yam en cours de saison. J’ai fait plein de choses et plus de cinquante courses. Faire ce que je veux, c’est vraiment ce que je préfère. Changer sans arrêt de moto me plaît. Ça me donne un nouvel objectif à chaque fois. Mais cette année a été un peu extrême à ce niveau et ça m’a quand même un peu fatigué. Je fais pour le moment l’arenacross en Angleterre avec le team RFX sur des Suzuki mais ensuite, je vais être à 100 % dans le team JPM. Ça va être plus stable et c’est ce que je recherchai­s. Je reste néanmoins libre de faire ce que je veux à côté tant que je reste Suzuki JPM en France. »

Malgré l’expérience compliquée que tu as connue l’année dernière en Arenacross britanniqu­e, tu as rempilé. Que représente ce championna­t pour toi? « Participer à l’arenacross est déjà une bonne chose pour préparer la saison suivante. Plutôt que de chercher des terrains praticable­s les week-ends en janvier, on fait des départs, des courses et l’on garde le rythme. Les doses de roulage ne sont pas excessives mais je pense qu’à la fin de la saison d’arena, on est plus prêt pour l’élite qu’après un entraîneme­nt hivernal classique. »

Il y a aussi un intérêt financier à rouler en Angleterre… « Il y a un aspect financier mais également un esprit de revanche. Je n’étais vraiment pas loin de gagner pour ma première participat­ion. »

Tu n’as pas toujours entretenu de bons rapports avec tes adversaire­s. Te considères-tu comme un dirty rider? « L’année dernière, j’étais un peu isolé. Je n’étais pas dans une passe de ma vie où ça se déroulait bien. J’ai fait une grosse erreur dès la deuxième épreuve de l’arena en faisant un intérieur un peu musclé à Thomas Ramette. Les clans se sont formés à partir de là et je me suis retrouvé seul. Et puis, les duels mettaient beaucoup de pression. Ça comptait pour le classement général et aussi financière­ment. C’est devenu aujourd’hui le repêchage. Donc à moins de ne pas me qualifier via les demi-finales, normalemen­t, je ne passerai plus par cette course. Et si ça arrive, il y a très peu de chance qu’il y ait des gars avec qui ça ne s’est pas très bien passé l’année dernière comme Coulon et Ramette. Les pendules ont désormais été remises à zéro. Et si l’on n’est pas les meilleurs amis du monde, il y a désormais du respect entre nous. On devrait arrêter de s’accrocher. »

Cette expérience a changé quelque chose dans ta personnali­té et ton approche de la course? « J’ai beaucoup changé. L’année dernière, j’arrivais sur les courses avec la haine. Ça m’énervait de manger seul quand les autres Français étaient à la table d’à côté. Je faisais tout de mon côté. J’avais l’impression d’être la tête de turc. Du coup, je n’étais pas à 100 % dans ma tête. Ça me faisait faire des conneries en piste. Au final, j’ai loupé le titre, mais ce n’est que partie remise. »

Ta Suzuki pour l’arenacross du team anglais est identique à celle que tu utilisais dans le team JPM en France? « Ma Suzuki JPM était d’origine. Il y avait juste un boîtier Vortex, des suspension­s Reptil et un pot HGS. J’ai envoyé mes suspension­s en Angleterre et mis un pot HGS… À 99 % ma moto pour l’arena est identique à celle que j’avais en France. »

« Je gagne plus qu’un pilote du top 10/12 en GP. »

Comment te décrirais-tu dans le paysage du motocross français? « Je ne sais pas comment qualifier ma carrière mais elle est atypique, c’est sûr. Faire dans la même année un top 10 aux US, une finale à Las Vegas, gagner une course de ligue, rouler sur une Charity Race, décrocher le titre en SX Tour, c’est particulie­r. Je suis un “touche-àtout”, j’essaie de rouler le plus possible même quand j’ai des petites douleurs. Je n’ai pas envie de me dire à 45 ans que j’aurais pu rouler plus. Mon but est vraiment de prendre du plaisir. Et si à une époque, j’allais où on me disait d’aller, aujourd’hui, quand je n’ai pas envie, je n’y vais pas. »

Tu as choisi ce type de carrière particuliè­re ou ça s’est fait par la force des choses parce que ça n’a pas marché comme tu le voulais en GP ? « En 2012, quand je suis allé en GP avec le team HDI, mon choix était de me préparer à bloc en laissant un peu de côté le SX. Mes meilleurs résultats ont été une dixième ou une douzième place… J’ai fait des moitiés de manche dans le top 5. J’avais un bon rythme. Mais l’année suivante, le team HDI a arrêté les GP et je n’ai pas eu de propositio­n convenable pour continuer. C’est là que je me suis rabattu sur cette carrière en France et en Europe. Il n’y a pas eu de déclic en GP. Je suis un bon pilote et je n’ai jamais été très bon. C’est ce qui m’a manqué. Je n’ai pas la petite étincelle de Marvin Musquin et je ne suis pas un forcené de travail comme Eli Tomac. J’aime beaucoup ma vie, j’aime profiter. Je n’ai jamais eu envie de tout mettre de côté et de m’envoyer des milliers d’heures de moto pour y arriver. »

C’est quoi un très bon pilote ? « C’est Marvin Musquin, c’est Roczen… Tomac et Dungey ne sont que des bons pilotes qui ont passé des heures et des heures au guidon d’une moto. Moi, je n’ai pas été assez bosseur pour espérer une carrière à la Marvin. Mais je n’ai pas non plus été épargné par les blessures. »

Il n’y a donc pas de frustratio­n… « Les GP m’ont attiré un temps puis ça m’a vite repoussé. Pour vivre des GP, il faut au moins être dans le top 10. Si aujourd’hui on me donnait ce que je gagne en SX pour les GP, je le ferais en me préparant à 200 %. Quand, je me fixe un objectif, je travaille en conséquenc­e. » Tu parles souvent du Touquet. C’est un truc que tu envisages de faire à court terme? « Je ne suis pas un spécialist­e du sable mais quand je m’y mets, ça vient assez vite. Lors de ma dernière participat­ion, j’étais quatrième après cinquante minutes de course mais mon moteur s’est arrêté. Sans ce problème, je pense que je n’aurais pas été loin du podium ou au moins du top 5. Pour en arriver là, je n’avais roulé que neuf jours à Loon-plage. J’ai vraiment envie de monter un jour sur le podium du Touquet. Je sais que j’en suis capable. J’aimerais refaire cette course en guise de mise en jambe pour reprendre contact avec l’épreuve et me faire plaisir sans pression d’objectif tout en faisant ma saison de SX. Puis en faire un second avec un objectif et là, stopper le SX et bosser à bloc le sable. C’est une discipline qui permet à un pilote de continuer à rouler et de gagner sa vie après 35 ans. Le top serait d’avoir la même carrière que Coulon en SX après 35 ans et la même que Moussé dans le sable passé 40. »

Tu dis avoir réalisé ta saison US à tes frais. Ça représente quel budget? « J’ai dépensé aux US tout ce que j’avais gagné en Arenacross juste avant, c’est-à-dire 25000 euros. Ça comprend les frais d’un mécano (et encore heureuseme­nt que c’était un pote), une location de maison, des

loc’ de voitures, des billets d’avion, la bouffe, l’essence… Je ne sais pas si je le referais dans ces conditions. »

On sait que tu rêves depuis tout jeune de saisons en SX aux US. Tu as expériment­é l’année dernière sans concrétise­r au point de te faire remarquer pour y rester. C’est un regret? « Il y a une légère frustratio­n de ne pas avoir eu l’occasion d’évoluer aux US dans un team où je n’aurais eu à m’occuper que de rouler. Mais si j’avais eu à 20 ans le rythme que j’ai aujourd’hui, les choses auraient été différente­s. Je ne pense pas que quelqu’un puisse miser gros sur un pilote de 27 ans pour rouler en Lites. Il faut avoir la tête sur les épaules. Je suis “bankable” en France et en Europe mais aux US, je n’intéresse personne, j’en suis conscient. »

« Aux US, je n’intéresse personne, j’en suis conscient. »

Tu as écrit les plus grosses lignes de ton palmarès en SX. Pourtant tu déclares souvent aimer aussi énormément le motocross? « J’ai peut-être plus de capacités en SX qu’en MX, mais il y a aussi la notion de travail qui entre en ligne de compte. En motocross, les manches sont plus longues. Je sais que l’élite cette année ne va pas être une partie de plaisir pour moi. Ça fait longtemps que je n’ai pas fait de championna­t en cross et je serais étonné d’arriver à être sur le podium. Je n’ai pas eu beaucoup de titres en MX mais si l’on me donne 10 points à ajouter où je veux dans les championna­ts auxquels j’ai participé, je pourrais avoir un titre Élite en MX1 et deux en ADAC. »

Comment te remotives-tu d’une saison à l’autre à ton âge? « J’ai envie de me faire plaisir tous les jours et c’est ce qu’il se passe à chaque fois que je monte sur une moto. Pour moi, c’est toujours les vacances. La passion me porte plus que tout, je n’ai pas perdu l’envie. Et puis l’échec me motive aussi. Ma saison de SX outdoor en dents de scie ne m’a pas plu et j’ai bossé à fond pour l’indoor et dans ma tête, ce titre était pour moi, il n’y avait pas de doute. J’espère que j’arriverai à faire la même chose en cross cette année. »

Il y a eu une époque où tu gagnais plutôt bien ta vie avec tes programmes. Est-ce toujours le cas? « Oui. Je gagne plus qu’un pilote du top 10/12 en GP qui va signer un contrat à 40/50000 euros en début de saison. En même temps, lui va devoir déduire ses frais et il n’aura que seize GP pour faire des résultats et avoir des bonus. Ce n’est pas très difficile de gagner plus. Il faut avoir un sacré mental pour continuer à faire des places de 10/12 en GP en étant payé au lance-pierres. »

L’importance de ta copine à tes côtés revient assez souvent dans tes commentair­es. Peux-tu nous décrire son rôle? « On m’a souvent parlé de l’importance d’avoir une copine qui tient la route à ses côtés dans une carrière. C’est un truc que j’avais du mal à comprendre. Ça fait un an que je suis avec Sofia. Elle est allemande. Elle a tout quitté pour me suivre en France. On bosse tous les deux dans la même direction. Elle vient faire du sport avec moi avec son vélo électrique. Sur les courses, elle est là pour l’aspect mental, pour filmer… Elle est débrouilla­rde, elle connaît la moto, elle peut même me faire parfois la mécanique. »

Et l’enduro, c’est un truc qui pourrait t’intéresser plus tard? « L’idée me traverse la tête pour aller faire un tour avec Mathias Bellino. Mais ce n’est vraiment pas ce que je ferais toute l’année. Je ne vois pas comment on peut prendre du plaisir à marcher du mercredi au jeudi pour reconnaîtr­e les spéciales, et s’envoyer deux fois huit heures de moto dans le week-end… »

Quels sont tes priorités et tes objectifs pour la saison prochaine? « Je veux rester concentré, ne pas me blesser, donner le meilleur de moi-même sur les courses mais aussi à l’entraîneme­nt. Je serais super content d’accrocher un podium en Élite et de me battre devant en SX. Et puis, j’aimerais vraiment monter enfin sur ce podium du SX de Lille. »

Comment imaginerai­s-tu tes cinq prochaines années dans l’idéal? « J’aimerais faire encore 2/3 ans l’elite et le SX à bloc et me diriger vers le sable ensuite. »

 ??  ?? Cédric est également en « deal » avec Giant. Le VTT est une autre passion. Il participe notamment depuis deux ans au Roc d’azur où il se classe dans le top 50.
Cédric est également en « deal » avec Giant. Le VTT est une autre passion. Il participe notamment depuis deux ans au Roc d’azur où il se classe dans le top 50.
 ??  ?? À 27 ans, plus question pour Cédric Soubeyras d’espérer participer dans une situation « confortabl­e » au championna­t US comme il en rêvait.
À 27 ans, plus question pour Cédric Soubeyras d’espérer participer dans une situation « confortabl­e » au championna­t US comme il en rêvait.
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 ??  ?? On a vu un Soub’ brillant au SX de Lille, le Frenchie le plus affûté après Marvin Musquin auquel il reconnaît un indéniable talent…
On a vu un Soub’ brillant au SX de Lille, le Frenchie le plus affûté après Marvin Musquin auquel il reconnaît un indéniable talent…

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