Le marronnier des Nations
En journalisme, on appelle « marronnier » un sujet revenant de façon prévisible et inéluctable mais qui demeure incontournable (le début des soldes, les départs en vacances, Noël… le JT de TF1 en somme). Notre marronnier de l’été à nous, ce sont les Nations. Typiquement, un marronnier n’offre que peu ou pas d’intérêt journalistique et l’on m’objectera qu’à l’évidence, ce n’est pas le cas de la doyenne des compétitions motocross (1947!). Certes et les deux dernières éditions du MXDN – pour ne citer que celles-ci – figurent d’ailleurs au Panthéon des plus belles épreuves auxquelles on ait pu assister! Ce qui est bel et bien « prévisible et inéluctable », en revanche, sont les débats (sans fin) lancés par les Nations. D’abord, en vertu du principe voulant que derrière tout fan se cache un sé- lectionneur, chacun, selon son humeur ou ses préférences, sera prompt à discuter/critiquer/étriller la composition « officielle » de son équipe de coeur. Les nations historiquement « de pointe » – type France, USA, Belgique – seules à disposer d’une profondeur de talent susceptible de mettre le ou les décideurs face à des choix cornéliens, sont évidemment concernées. Et pour cette édition, la France est en plein dedans! En 450, Musquin vient de claquer deux doublés retentissants (d’affilée) à la barbe des Ricains. Paulin et Febvre sont « podiumisa- bles » chaque week-end. Idem pour Paturel en MX2 et Ferrandis en Outdoor 250. Tous ont déjà remporté les Nations, l’expérience ne sera donc même pas un critère objectif. Dans chaque catégorie, il faudra pourtant bien éliminer un de ces candidats aux états de service irréprochables. La France a des soucis de riche ! Les Américains ne peuvent franchement pas en dire autant. Entre ceux qui doivent passer sur le billard (Baggett, Anderson) et celui qui choisit de s’abstenir (Tomac), leur sélection 450 « A » est décimée ! À l’heure où j’écris ces lignes (avant la traditionnelle annonce d’unadilla), on se demande bien quel trio Roger Decoster va sortir de sa manche. Sachant qu’il peut compter sur un Osborne au top et archi-motivé en 250, il va devoir soit piocher plus bas dans la hiérarchie 450 – Webb, Seely ou Peick, Barcia n’ayant pas de guidon 2018 pour l’instant – soit « faire monter » un ou des pilotes 250 en 450 (frères Martin, voire Plessinger). Dans chaque cas de figure et pour la première fois depuis longtemps, les Américains se présenteront avec un team « B », voire « C ». Pour le coup, face à cette situation peu encourageante, la Mx-sphère locale nage en plein débat marronnierNations. Il y a évidemment ceux qui assimilent le choix de Tomac à un pur et simple manque de « patriotisme ». Mais cela ne colle guère avec le profil du clan familial (frère engagé dans la Navy, père champion du monde VTT). Par ailleurs, Eli a déjà participé à deux MXDN. Et puis il y a les tenants d’une approche « business » hardcore. Aux yeux de ceux-là, l’absence d’obligation contractuelle de participer, de prime (digne de ce nom) et le risque de blessure justifient pleinement qu’un pilote payé plusieurs millions de dollars pour un programme tout autre s’abstienne, quasiment par principe. Sans aller aussi loin, la réalité est que l’élite des pilotes évoluant en Amé- rique doit composer avec de telles contraintes professionnelles (le calendrier infernal, les sollicitations multiples, la gestion des blessures, des temps de repos, la reprise de l’entraînement et du testing SX, la Monster Cup devenue incontournable, etc.) que les raisons de ne pas participer finissent par supplanter la perspective d’ajouter la cerise des Nations sur le gâteau d’une saison victorieuse. Avant Tomac, d’autres champions ont zappé ce rendezvous, sous des prétextes divers: Carmichael et Roczen (changement de marque), Villopoto (« nettoyage » d’un genou qui aurait pu attendre un mois) et Dungey (retour de blessure pour la SMX… juste après le MXDN). Eli s’est contenté d’invoquer le calendrier. C’est ainsi : pour ceux qui disputent la gagne sur deux championnats, de janvier à septembre, rester d’attaque un mois de plus, physiquement et moralement, est devenu un sacrifice que ni eux, ni leurs teams (pour lesquels le MXDN est une opération logistique lourde), ni leurs entraîneurs (influents) ne considèrent plus comme sacré, drapeau ou pas. On est passé du « oui systématique » à une gestion « au coup par coup », avec prévalence de l’investissement sur la saison US sur toute autre considération… Il sera évidemment impossible de concilier ceux toujours prêts à hurler à la « victoire du fric sur le sport » et ceux plus enclins à comprendre le rapport risque/bénéfice qui gouverne désormais, par la force des choses, le sport professionnel (MX compris)… Au-delà de cette évolution de fond, il existe cependant une réalité plus conjoncturelle (et moins avouable) que tous peuvent constater: après sept victoires d’affilée (2005/2011), le Team USA reste sur cinq défaites consécutives. Et plus les USA perdent, plus les Nations ont de défauts à leurs yeux! Certains en sont à réclamer au nom de l’amérique un changement de date du MXDN (alors que c’est le calendrier MX US qui a évolué), des conditions financières particulières (au prétexte que le Team USA est la « star du show »), quand ils ne préconisent pas d’annuler leur participation cette année « puisqu’on n’a pas le team pour gagner »… Ces Ricains-là osent tout et c’est d’ailleurs à cela qu’on les reconnaît.
« Certains Américains en sont à réclamer au nom de l’amérique un changement de date du MXDN… »