Suzuki quitte les GP !
C’est un véritable coup de tonnerre qui vient de s’abattre sur le Mondial MX2/MXGP. L’usine Suzuki a annoncé il y a peu qu’elle stoppait purement et simplement tout investissement sportif en championnat du monde. Le team de Stefan Everts a donc vécu sa dernière course à Villars. Notre enquête du mois revient sur cette mauvaise nouvelle.
Pour la deuxième fois dans l’histoire des Grands Prix de motocross, Suzuki se retire de tout engagement dans la discipline et laisse un team en plein désarroi au moment où Stefan Everts avait remis l’équipe sur la voie du succès…
C’est un vrai coup de massue qu’a reçu Stefan Everts en ce début d’automne, alors même qu’il s’apprêtait à franchir une nouvelle étape en alignant la saison prochaine en MXGP deux pilotes formés à son école. Que ce soit Arminas Jasikonis qu’il est allé chercher au milieu de nulle part l’an passé pour l’amener cet été sur son premier podium de GP, ou Jeremy Seewer qui est monté cette saison sur pas moins de treize podiums MX2 et passe en MXGP avec un titre de vice-champion du monde, Stefan avait façonné ses pilotes comme il le souhaitait, et comme il n’avait pas toujours pu le faire chez KTM. Après avoir réorganisé à sa façon le team racheté à Sylvain Geboers, après lui avoir donné une nouvelle image et travaillé comme un malade pour ramener le team au top niveau, voir ses efforts anéantis apparaît particulièrement injuste et dévastateur…
Le pionnier Japonais
Jusqu’à la fin des années 60, on ne trouvait en tout- terrain que des constructeurs européens basés en Grande-bretagne (Greeves, BSA) dans les Pays de l’est ( Jawa, CZ, Maico, MZ, ESO) ou nordiques (Husqvarna, Lito). Quand le Japonais Matsuhisa Kojima débarque en Europe début 67, peu de monde s’inté-
Everts a reçu un coup de massue en apprenant le retrait de Suzuki…
resse à cette Suzuki qui jouera pourtant les trouble-fête deux ans plus tard aux mains du Suédois Olle Pettersson. Décrochant un premier podium en Yougoslavie, puis récidivant aux Pays-bas, en France, en Suède et en Finlande, Pettersson place finalement une moto japonaise dans le top trois du Mondial 250 en 1969. Si elle est bien esseulée au milieu d’une grille exclusivement composée de machines européennes, la Japonaise va rapidement séduire Joël Robert et Sylvain Geboers qui domineront le millésime 70, battant Roger De Coster et sa CZ. La saison suivante, Roger est lui aussi sur une Suzuki, mais en catégorie 500 cette fois. S’imposant dès le premier GP de la saison en Italie, Roger sera sacré quelques mois plus tard devant les officiels Maico (Jonssson, Weil), Husqvarna (Aberg, Hammargren) et CZ ( Friedrichs). L’histoire est en marche! Titré en 250 puis en 500, la véritable
catégorie reine de l’époque, Suzuki domine ses rivaux dans les années 70 avec, il faut bien le dire, un sacré trio de pilotes : Joël Robert, Sylvain Geboers, Roger De Coster. Et quand la FIM donne un statut mondial à ce qui n’était encore qu’un championnat d’europe 125, c’est encore Suzuki qui
s’investit avec Gaston Rahier qui offrira trois titres de rang aux jaunes. Akira Watanabe ( un titre), Harry Everts (trois titres) et Eric Geboers (deux titres) prendront la suite de Gaston, passé entre temps chez Yamaha, avec le même succès puisque Suzuki empochera dix titres consécutifs chez les quarts de litre. Suzuki a été le pionnier des constructeurs japonais et Yamaha (à partir de 1972 avec Håkan Andersson), Kawasaki (à partir de 1972 avec Olle Pettersson transfuge de… Suzuki) puis Honda (à partir de 1974 avec Marty Smith) vont à leur tour s’impliquer dans les championnats du monde de motocross qui prendront une nouvelle dimension avec cette arrivée des Japonais qui vont peu à peu dominer la discipline. Entre 1970 et 1983, Suzuki va remporter la bagatelle de vingt titres mondiaux, dans toutes les catégories, ce qui ne va pas les empêcher de quitter brutalement la scène. Titrée en 125 comme en 250 en 1983, la firme d’hamamatsu va en effet prendre tout le monde de court en se retirant des GP, laissant ses pilotes sur la touche. Informés avant l’heure, Eric Geboers et André Vromans s’empresseront de signer chez Honda, alors que Georges Jobé, Harry Everts et Jean-jacques Bruno galéreront pour retrouver un guidon. Vice-champion du monde 125, Michele Rinaldi optera lui pour une
solution inédite : Suzuki lui laisse le matériel, charge à lui de trouver le financement pour disputer le prochain Mondial 125.
L’avènement des teams privés
Avec le soutien de quelques partenaires comme les pâtes Barilla et Elf, Michele Rinaldi va réussir son pari en décrochant le titre mondial 125 en 1984. Passé en 250 l’année suivante, il ne parviendra pas à se battre pour le titre (4e en 85, 2e en 86, 4e en 87) et finira par raccrocher fin 87. Michele entame alors une brillante reconversion de team manager avec l’appui du cigarettier Chesterfield qui va lui permettre d’enrôler Rodney Smith (88 et 89). Les Suzuki sont passées du jaune au blanc (les couleurs Chesterfield) et vont renouer avec le titre
mondial 250 grâce à Alessandro Puzar en 1990. Parallèlement, un autre team Suzuki a vu le jour en Mondial 125, financé par Giuseppe Luongo (l’actuel patron de Youthstream) qui avec l’aide de partenaires italiens (les jeans El Charro et les casques Bieffe) enrôle un team manager (Sylvain Geboers) et un trio de jeunes pilotes (Dave Strijbos, Pedro Tragter et le jeune Stefan Everts). Sacré champion du monde en 1990 avec Donny Schmit puis en 1991 avec Stefan Everts, le team deviendra ensuite propriété de Sylvain Geboers et passera en 250 après que Michele Rinaldi se soit allié avec Yamaha. Greg Albertyn (1994), Mickaël Pichon (2001 et 2002) et enfin Steve Ramon (2007) apporteront au team Suzuki Geboers quatre titres mondiaux. Recruté en 2010, Clément Desalle offrira à l’équipe quatre podiums mondiaux (2e en 2010, 2012 et 2013, 3e en 2011) et dix-sept succès en GP, un score insuffisant pour que le team puisse conserver son partenaire Rockstar à ses côtés. Privé à la fois de sponsor titre et de leader fin 2015 avec le départ de Clément chez Kawasaki, le team Suzuki ne jouera mal- heureusement plus les premiers rôles malgré les efforts de Stefan Everts arrivé à la barre début 2016. Ce retrait d’un constructeur qui joue par ailleurs les seconds rôles en Motogp depuis son retour officiel dans la catégorie soulève obligatoirement bien des questions, et notamment chez ses concurrents. Au moment même où Kawasaki et Honda cessent leur implication officielle en MX2, se contentant d’apporter un soutien technique à des teams privés, le départ d’une usine est une très mauvaise nouvelle pour la discipline et il faut espérer que cela ne donne pas des idées à leurs concurrents. Avec aujourd’hui dix-neuf ou vingt GP au calendrier, dont un certain nombre sur d’autres continents (cinq en 2017, trois en 2018 mais cinq à six en 2019) peu de teams arrivent à suivre le rythme que ce soit en MXGP ou en MX2. Car contrairement au Motogp où les équipes bénéficient d’une aide conséquente du promoteur découlant de lucratifs droits télévisés, cette aide est des plus restreintes en motocross et l’on ne voit pas comment la situation pourrait évoluer alors même que de nouvelles destinations (Turquie dès la saison prochaine, Chine en 2019) ont été annoncées lors du dernier MX des Nations. Espérons que ce retrait ne fera pas tâche d’huile…
Espérons que ce retrait ne fera pas tâche d’huile.