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Interview Marvin Musquin

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Troisième du championna­t SX, vice-champion outdoor 450, Marvin Musquin s’est offert une saison 2017 exceptionn­elle. De retour en piste après quelques semaines de break pour préparer 2018 et les nouveaux défis qui l’attendent, l’officiel KTM Red Bull s’est offert le million de dollars de la Monster Cup. Au sommet de son art, MM25 se confie dans MX Mag!

Troisième du championna­t SX et second du championna­t MX, Marvin Musquin a terminé sa transition en 450 et vise désormais clairement les deux titres. Après sa prestation incroyable à la Monster Cup qui lui a valu de faire sauter la banque, il pourrait devenir le nouveau roi du cross US…

Tout le monde a vu ces images de Marvin Musquin soulevant à bout de bras une mallette contenant un million de dollars. Une image symbolique du succès que Marvin est allé chercher aux US. À force de persévéran­ce, il atteint aujourd’hui les plus hauts sommets de son sport et son nom est gravé dans le marbre des tablettes de L’AMA. Après avoir fait sauter le casino de Vegas, le Français pourrait bien asseoir une domination méritée sur le cross US, au point que les fans américains commencent déjà à se faire à l’idée de voir MM25 couronné champion SX et MX. Pour autant, Marvin reste fidèle à lui-même, à la fois lucide, humble et concentré sur ses objectifs. À l’écouter, une chose est sûre : sa passion est intacte, son potentiel au plus haut. On y croit !

Marvin, commençons par cette victoire à la Monster Cup. Une soirée magique pour toi, l’avais-tu rêvée ? « Non, pas du tout. En arrivant à la Monster Cup, tu n’as pas beaucoup de roulage en SX puisque l’entraîneme­nt vient de reprendre. Tu viens pour faire plaisir aux sponsors, pour tester de nouvelles pièces, te jauger par rapport à tes adversaire­s. Le million, ça n’entre pas trop en ligne de compte parce que gagner trois finales, c’est presque impossible. Ce n’est qu’en remportant la première manche que tu réalises que, ma foi, il se pourrait bien que tu le fasses. Dans

la deuxième, j’ai subi la pression de Jason Anderson et il a fallu rouler propre sur un circuit pas si facile. À la limite, gagner les deux manches dans un jour normal, ça aurait déjà été énorme ! »

Le départ de la troisième manche, ça a dû être quelque chose… « Oui, parce que là tu sais que tu dois absolument gagner cette manche. Tu as fait le plus dur, reste à confirmer. Mais tu te souviens aussi que les années précédente­s, ceux qui étaient en position de gagner ont tous craqué sous la pression. On se souvient de Trey Canard par exemple. Tu essayes donc de rester calme. J’ai pris un très bon départ et dès le premier virage, j’ai vu que ça allait être possible. Ensuite, il a fallu gérer la pression de Jason, encore une fois. »

À l’arrivée, que s’est-il passé ? « C’est l’euphorie ! Tu as envie de sauter sur place, ça semble dingue ! Il y a déjà le fait de remporter trois manches de SX, ce qui n’est pas si courant, mais aussi cette prime un peu délirante. C’est comme vivre un rêve éveillé. Après, tu réalises et tu es heureux. Mais sur le plan sportif, ce n’est pas aussi fort que lorsque j’ai gagné mon premier SX à Dallas. C’est plus une confirmati­on de mon travail qu’une vraie surprise. »

Ce million, tu vas en faire quoi? « Il va servir à aider ma famille. Je ne veux pas dire que je suis déjà riche et qu’un million ne change rien à ma vie, mais ce n’est pas comme ces gens qui gagnent au loto et remportent 200 millions. C’est une somme importante, mais il faut penser à ma famille, à mon frère, à ma femme Mathilde qui travaille très dur pour m’aider, à mon mécano. On n’achète pas tout dans la vie mais cet argent peut aider à rendre ces gens heureux ou à faciliter leur vie. Ça va nous aider à continuer à vivre de notre passion. »

Revenons sur ta saison MX 2017. Ta blessure au genou aurait pu te bloquer mais tu es revenu encore plus fort. Comment est-ce possible ? « Ma saison avait plutôt bien commencé. C’est vrai que j’étais mieux sur la fin mais c’est surtout dû aux réglages de la moto qui m’ont donné de la confiance. Il faut comprendre qu’on travaille tout au long de la saison. J’ai gagné ma première course à Glen Helen, un circuit où j’ai connu de bonnes journées comme de mauvaises. Ça prouve que quand tu es bien sur la moto ça marche, mais que si tu n’es pas bien, ça ne marche pas. Ce gros coup au genou à l’entraîneme­nt m’a arrêté. Je pensais que c’était foutu. Mais j’ai vite appris que ça irait sans opération. Suite à ce gros impact, il a fallu trois semaines pour retravaill­er les muscles, reprendre confiance en cette articulati­on, surtout dans les virages à gauche. Le moindre impact étant douloureux, on doit adapter son pilotage. Du coup, on a modifié les réglages ce qui m’a aidé sur la fin. »

Tu y as cru jusqu’au bout? « J’y allais sans y penser car je n’avais rien à perdre. Je voulais marquer des points sans penser vraiment au championna­t. Ceci dit, j’ai remporté six manches d’affilée et quand j’y repense, je sais qu’on est passé près de l’exploit. C’est marrant d’ailleurs parce que ce n’est jamais les jours où tu gagnes où c’est difficile physiqueme­nt. Ça explique que j’y sois arrivé malgré le genou. Après, c’est vrai que Tomac avait peut-être commencé à gérer son championna­t et en gardait sous le coude. Mais il y a eu des conférence­s de presse, comme à Washougal, où il a clairement dit que j’étais plus rapide que lui. C’est bien de sa part de l’avouer. »

Mérite-t-il son titre compte tenu de ta blessure, de celles d’anderson et Bagget? « S’il a gagné, c’est qu’il le mérite. Quand tu es à Hangtown, qu’il gagne les deux manches en me passant à la régulière sans que je puisse lutter, tu t’attends à le voir dominer. Ça n’a pas été le cas, il n’a pas refait comme en 2015. Il a eu des hauts et des bas, mais il a été le plus régulier au final. On a tous eu de petites blessures mais on n’avait qu’à pas se blesser. Il le mérite sans discussion. »

As-tu été surpris des performanc­es de Baggett? « Non, car il était monté en puissance déjà en SX. On voyait

« Je pense être au top de ma forme physique maintenant… »

qu’il s’adaptait bien à la KTM. Il a montré une super vitesse dès le début du championna­t. Il avait une moto bien réglée et il est plus à l’aise en MX qu’en SX. Sa blessure au pouce n’a pas semblé l’inquiéter trop. On l’a vu faire des choses exceptionn­elles malgré cette main amochée, comme de grosses réceptions à plat ou de grandes descentes défoncées comme à Milville où il descendait plus vite que moi… Je ne sais pas comment il a géré la douleur mais il a bien assuré. C’est un peu comme moi, j’ai fait des courses catastroph­iques à cause de mon genou mais je suis revenu dans la course ensuite. On n’est pas dans le corps des autres et on ne peut pas savoir, mais il a fait une belle saison. »

En parlant de surprise, comment as-tu vécu l’arrivée d’herlings à la finale ? « Ça ne m’a rien fait sur le coup, j’étais focalisé sur mon duel avec Tomac. Herlings voulait venir pour gagner, pourquoi pas ? Il ne m’a pas fait perdre le championna­t, l’écart n’était pas d’un ou deux points, donc ça ne changeait rien. Par contre, j’étais content de pouvoir me mesurer à lui. J’ai fait un meilleur chrono dans la première manche, mais sans pouvoir le battre. En seconde manche, j’étais bien, je faisais ma course devant. J’ai fait une erreur et il a gagné alors qu’il revenait du fond après sa chute. C’est ça qui m’a mis les nerfs, d’avoir laissé passer ma chance de le battre. »

Herlings, Roczen, toi, peut-on parler de domination européenne face aux pilotes US? « Avant de venir, j’ai fait deux saisons en Mondial, Roczen en a fait trois. Ce serait bien si Gajser et Herlings venaient maintenant qu’ils ont passé du temps en MXGP. Je pense que le réservoir de pilotes dotés d’une bonne technique est plus important en Europe qu’aux USA. Depuis mon plus jeune âge, j’ai privilégié la technique de pilotage. Ils le font ici aussi, et le niveau s’élève des deux côtés, mais il semble que les pilotes européens soient peut-être plus complets. »

Pour finir sur l’europe, il y a chaque année cette polémique sur le calendrier et le placement du MXDN. Aujourd’hui, pour toi, participer à cette épreuve est hors de question? « C’est toujours un point délicat, ça l’a toujours été. Ma saison 2018 commence mi-septembre. Je reprends l’entraîneme­nt SX en vue de la Monster Cup, de la Red Bull Straight Rhythm, de Paris, de Genève… Mon programme hivernal est chargé et en janvier, on attaque le championna­t. Si l’on veut prendre ne serait-ce que trois semaines de pause dans l’année, c’est pile au moment des Nations. C’est dommage car il s’agit d’une épreuve exceptionn­elle où tu peux représente­r ton pays. J’ai eu la chance de le faire en 250 où l’on avait un programme plus léger qu’en 450. J’espère que le

« Je m’attends à voir un Kenny (Roczen) très fort à Anaheim. »

tout à fait (pensif). Quand il a su que Dungey partait, c’était à moi de remplacer Ryan et donc de gagner. Il m’a dit clairement que j’étais capable de gagner le championna­t outdoor ! Quand Roger m’a dit ça, j’ai été un peu déstabilis­é. Au final, je n’étais pas loin de gagner donc il avait raison. » En janvier à Anaheim, on va voir revenir Roczen, ce qui a de fortes chances de vous voler la vedette. Ça t’agace d’y penser? « Non, parce que j’y pensais pas. Maintenant que tu le dis, j’y pense (rires). C’est un excellent pilote, il mérite de revenir. Il a déjà gagné auparavant, on lui souhaite de pouvoir être à son niveau après tous les efforts qu’il a faits. Ça va être intéressan­t, je m’attends à voir un Kenny très fort. »

Tu vois donc Tomac, Musquin et Roczen jouer devant. Qui d’autre pour bousculer la hiérarchie ? « On a aussi Anderson, il ne faut pas l’oublier. Tickle peut aller vite maintenant qu’il est sur la Katé. À l’entraîneme­nt, il roule déjà vite ! »

Les circuits de SX se ressemblen­t un peu trop d’une épreuve à l’autre. Penses-tu que ça devient un problème? « Oui, c’est vrai. Ils mesurent les bosses pour les faire identiques, ils changent les emplacemen­ts sur la piste d’un week-end à l’autre mais c’est tout. Ce que j’aimerais, c’est voir des obstacles différents comme dans les années 2000. Arriver sur un circuit et voir quelque chose de nouveau, ce serait bien… »

Le format de la Monster Cup avec trois manches, ça plaît au public et l’on peut voir que ça t’a réussi. Penses-tu qu’on pourrait appliquer la recette au championna­t SX et avoir deux finales ? « Oui et non. Ce serait bien pour le public, mais pour le pilote, ce serait moins bien. Tu as une seule finale, et quand tu la gagnes, tu as vraiment gagné la soirée. Ça a plus de significat­ion pour nous que si l’on se retrouve avec des victoires au général comme en MX. Si tu gagnes en faisant 2/3 par exemple, ça n’a pas la même saveur que d’être le vainqueur unique de la finale unique. Un SX, ça a toujours été une finale de vingt tours qu’il faut gagner. »

Tu as bientôt 28 ans. Ressens-tu le poids des années et compenses-tu avec l’expérience ? « Je suis évidemment plus expériment­é mais physiqueme­nt, je suis aussi plus fort que lors de mes années en 250 où je me cherchais un peu. Cette année 2017, je ne me suis jamais senti aussi bien physiqueme­nt. Je me suis parfaiteme­nt adapté à la catégorie 450, pourtant réputée difficile, je me sens super bien. Je pense être au top de ma forme maintenant. »

En fin de ton contrat actuel, tu approchera­s les 30 ans. Contrairem­ent à Villopoto ou Dungey, tu ne comptes donc pas arrêter ? « Je l’ai toujours dit, ça sera en fonction du physique. Il y a toujours de petites blessures qui peuvent t’embêter et t’empêcher de rouler à ton meilleur niveau. C’est ça qui peut précipiter le début de la fin. Je n’ai pas eu une carrière comparable à celle des deux Ryan. J’ai passé beaucoup d’années en 250 tandis qu’ils sont restés longtemps en 450, avec plus de courses. Concernant Dungey, l’usure était au niveau du mental, pas du physique. De plus, on n’a pas exactement la même vision des choses. Il a commencé la moto très jeune comme moi, mais il était plus intéressé par la compétitio­n et l’exploit physique. C’est aussi mon cas, mais au fond de moi, rouler avec une moto reste ma passion. C’est le plaisir que tu as au guidon qui te permet de continuer. »

« On n’achète pas tout dans la vie mais l’argent gagné à la Monster Cup peut aider à rendre des gens heureux… »

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