MX Magazine

De l’ombre à la lumière

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Vainqueur de son premier titre de champion SX 450, le premier également pour HVA, quatre ans après son ti- tre Lites côte Ouest, Jason Anderson est un homme heureux. Resté fidèle à luimême malgré son nouveau statut de star, l’américain est définitive­ment l’un des pilotes les plus attachants de sa génération.

Quelques minutes après avoir brandi la coupe du vainqueur sur le podium de Las Vegas, Jason Anderson quitte la conférence de presse en tremblant, manifestem­ent très affaibli. Cinq jours plus tard, sur le parking bondé de Glen Helen, on l’attend pour une interview. Les mécanos HVA sont déjà à pied d’oeuvre, montant l’auvent, vérifiant les serrages sur les deux FC 450 d’entraîneme­nt du champion Supercross 2018. Trente minutes passent, puis 45. Jason est définitive­ment en retard. Serait-il malade? Le pick-up aux couleurs Rockstar arrive enfin. Le pilote descend, son éternel bonnet sur la tête. Il est tout sourire, décontract­é, s’excuse d’avoir été bloqué dans le trafic. Un mot pour Wilson, une photo avec un amateur qui lui tend son iphone et le voilà disponible pour une petite discussion à l’ombre du camion…

Juste après avoir remporté le titre à Las Vegas, tu as semblé très fatigué, au point de quitter la conférence de presse. Que s’est-il passé ? « La nuit avant la course, j’ai eu une intoxicati­on alimentair­e. Pendant toute la journée, j’ai passé mon temps à vomir. Je pense qu’en plus de la chaleur, le fait de ne pas pouvoir garder la nourriture a contribué à me déshydrate­r. Heureuseme­nt, le soir, l’adrénaline m’a aidé à tenir la distance. Une fois que la pression est retombée et que le pic d’adrénaline est passé, j’ai été tellement mal que je suis allé à l’hôpital. En fait, j’ai quitté la conférence de presse pour aller aux urgences me faire poser des intraveine­uses et me faire réhydrater. »

Tu n’as pas pu fêter ton titre alors ? « En fait, après cinq piqûres, je me suis retrouvé à un niveau d’hydratatio­n correct et ils m’ont laissé sortir de l’hôpital. Du coup, même si j’étais en retard, j’ai pu rejoindre le team pour faire un peu la fête… Je suis avec les mêmes personnes depuis le début de ma carrière, et rien n’aurait pu m’empêcher de les rejoindre pour fêter ça avec eux. Ce n’est pas pour rien que j’ai signé avant la saison une extension de contrat de quatre ans, je veux continuer avec le même team, on se connaît bien et l’on a

« La nuit avant la finale, j’ai eu une intoxicati­on alimentair­e. J’ai passé mon temps à vomir… »

tout partagé jusqu’ici… Ce soir, on remet ça dans les locaux de Temecula pour fêter ce titre avec tous les employés de HVA USA. C’est quand même le premier titre 450 pour Husqvarna, hein… »

Cette saison, particuliè­rement les jours de course, tu as semblé un peu différent, plus concentré, moins ouvert que d’habitude. Est-ce la pression de la plaque rouge ? « À Las Vegas, c’est certain que j’étais un peu tendu. Mais d’une manière générale, cette saison a été dur pour moi. Je n’ai pas l’habitude d’être au centre de la scène, d’avoir les fans autour de moi en permanence. Je ne cherche pas particuliè­rement à attirer l’attention. Quand je suis dans le camion, je suis content, je passe de bons moments. Mais quand je sors, je suis parfois un peu dépassé par les sollicitat­ions de tous ces gens autour de moi. Je n’ai jamais été dans cette situation auparavant. Ça a donc été difficile cette année de rester de bonne humeur tout le temps, avec tout le monde qui me pousse dans toutes les directions, les gens qui crient mon nom. Tu as aussi ceux qui sont en colère parce que je ne signe pas d’autographe­s alors que j’essaie juste de traverser les pits pour aller sur la piste ! Bien entendu, quand je suis avec mes potes, c’est différent, je reste le même, incapable de tenir mon sérieux et toujours en quête de bonnes occasions pour m’amuser, j’ai une vie sociale. » (rires)

Après avoir atteint un but que tu as poursuivi toute ta vie, qu’as-tu ressenti en te levant le matin? Étais-tu euphorique ou au contraire as-tu eu le sentiment d’être désormais sans objectif? « C’est effectivem­ent un objectif que je peux cocher sur la liste des choses à réaliser dans ma vie. Ça, c’est fait ! Mais sur le long terme, mon but est de rester un top pilote aussi longtemps que possible. Je ne me sens pas vidé comme quelqu’un qui aurait eu un seul objectif et rien d’autre derrière. Je veux toujours faire de la compétitio­n, être compétitif. Je sais que je ne vais pas gagner tout le temps, qu’il y aura des moments durs. Je ne veux pas dire que mon but c’est uniquement de gagner, mais je veux remporter encore quelques championna­ts, c’est certain. »

Ce titre ne représente qu’une étape? « Avoir remporté ce premier titre est énorme, c’est quelque chose auquel tu rêves depuis que tu as six ans… C’est fou, parce que nous, on court tous les week-ends, au point que ça finit par ressembler à un boulot comme les autres. Mais quand quelque chose comme ça arrive, tu réalises que c’est exceptionn­el. »

Ce titre t’a-t-il changé ? Vois-tu le même gars dans le miroir le matin? « Non, non (rires). Je vois toujours le même gars ! Mais c’est cool de voir ce gars avec ce grand sourire sur la figure et la plaque numéro 1 dans les mains, c’est certain ! »

Va-t-il être plus facile ou plus difficile de rester concentré sur les courses à venir maintenant que tu es titré ? « Le championna­t outdoor va être dur pour moi, c’est certain. J’ai

gagné en Supercross, alors les gens vont s’attendre à ce que je gagne aussi en outdoor mais je n’ai jamais gagné une seule course outdoor jusqu’à présent (rires). Ça va être intéressan­t de voir comment l’outdoor se passe… Pour le long terme, je crois que je vais me concentrer sur la possibilit­é de défendre mon titre. Les autres pilotes vont avoir aussi faim de victoire que moi. Ils le seront peutêtre même plus maintenant que j’ai eu ce titre… Dans ma tête, il n’y a aucun doute, je vais rester concentré pour en remporter un autre. »

En parlant de concentrat­ion, comment as-tu pu rester aussi calme à Salt Lake City quand tes mécanos ont mis deux minutes pour changer la roue avant de ta moto ? « Je pense que c’est justement ce qui m’a permis de rester bien placé toute l’année. Même dans les pires situations, comme à Indianapol­is où je suis tombé au premier virage, j’ai réalisé qu’il était plus important pour moi de rester calme et faire de mon mieux que de me précipiter pour essayer de récupérer le temps perdu et au final tomber en faisant n’importe quoi. Je pense que rester calme vaut mieux que perdre la tête et tout perdre. C’est quelque chose que j’ai beaucoup travaillé ces dernières saisons. Sur l’incident de Salt Lake City, je ne me souviens pas avoir été si calme que ça intérieure­ment, mais c’est quelque chose qui est devenu une sorte de réflexe en cas de problème : je calme le jeu, je prends le temps d’analyser. Ça m’a aidé à me sortir de situations incroyable­s et c’est ce qui explique en grande partie pourquoi j’ai la plaque de n° 1 aujourd’hui. »

Tu es le champion 2018 mais Tomac a gagné huit courses alors que tu n’en as gagné « que » quatre. Comment analyses-tu cette situation? « Déjà, je considère intérieure­ment que j’ai gagné cinq courses parce que le fait qu’on me rétrograde à Minneapoli­s reste une décision de la part de L’AMA éminemment discutable. Après être sorti de la piste, je suis revenu sur le circuit à l’endroit le plus sûr, en ayant perdu des places. De mon point de vue, cette sanction était injustifié­e. Mais n’en parlons plus, c’est du passé… Pour en revenir à l’analyse de la saison, sur beaucoup de courses j’étais dans le groupe de tête, en bataille pour la victoire. Mais en même temps, je n’ai jamais été dans une position où je devais vraiment

« Mon but est de rester un top pilote aussi longtemps que possible… »

de notre carrière. Peut-être quand on aura fini et qu’on sera retraités. » (rires)

Tu as dit par le passé que lorsque tu seras retraité tu veux rester dans le sport pour le rendre plus fun. Qu’entends-tu par là ? « Je trouve que dans ce sport, on prend les résultats et les points si sérieuseme­nt… Qu’il s’agisse des pilotes pro ou des jeunes amateurs, tout le monde est si concentré ! Mais moi, j’aime mon boulot et je veux continuer à avoir du plaisir dans ce milieu le plus longtemps possible. Je comprends qu’il y a de l’argent en jeu, que des personnes et des sociétés font beaucoup d’efforts, mais j’adore ce sport et je voudrais que les gens voient l’aspect fun de ce sport, pas seulement le côté sérieux et business. Il faut que les gens nous voient nous amuser, pas qu’ils voient des jeunes avec un air misérable, tout renfrogné, subissant une pression énorme. C’est le seul moyen pour que le sport grandisse. De mon côté, j’aimerais aider les gens de mon team quand j’aurai fini de rouler, tout en restant impliqué avec les amateurs. Il y a déjà deux courses amateurs pour lesquelles je donne un coup de main. Ça permet de rendre au sport un peu de ce qu’il m’a apporté tout en continuant à avoir du plaisir à rouler. Je veux aider tout en continuant à rouler à moto jusqu’à ce que je sois trop vieux pour pouvoir marcher (rires). C’est l’idée que je veux contribuer à propager, que le MX, c’est fun. »

Il y a eu beaucoup de blessés cette année, ce qui n’est pas très fun. Quelle en est la raison selon toi? « Je pense qu’il y a moyen de dessiner des circuits un peu plus sûrs, mais il me semble impossible d’éliminer totalement les chutes. Mais c’est sûr que ça a été une année dingue. De mon côté, il y a eu des choses qui m’ont embêté, mais je pense qu’on pouvait s’en accommoder. De plus, si les circuits doivent mettre l’accent sur la sécurité, ils doivent rester techniques. Il y a le problème des bottes de paille, je ne pense pas que ce soit si dangereux a priori mais elles causent des accidents, c’est certain… À Genève (NDR: et à Bercy puis Lille et Paris !), ils avaient ce système de blocs gonflables, comme des airbags un peu ronds. Ça, c’était bien, car tu pouvais les toucher sans tomber. On devrait adopter ce système aux US. »

« J’irai au Motocross des Nations cette année, que je sois sélectionn­é ou pas! »

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 ??  ?? Outsider depuis deux saisons, Jason Anderson touche le graal en supercross et donne un incroyable succès à Husqvarna aux USA!
Outsider depuis deux saisons, Jason Anderson touche le graal en supercross et donne un incroyable succès à Husqvarna aux USA!
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