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L’oeil de dirt dictator…
Àcelui qui possède les abonnements et le matériel adéquats, la période estivale permet, par le jeu des décalages horaires, une comparaison on ne peut plus directe, « live » , entre les deux pôles du cross planétaire. Pendant que sur un écran je suis les essais chronos US, sur un autre, les qualifs du GP me sont proposées. La comparaison est édifiante… Il fut un temps, pas si éloigné, où l’on avait pourtant l’impression de ne pas regarder tout à fait le même sport. Côté US, des terrains spectaculaires, au sol et aux obstacles hyper-préparés, permettaient à une frange majoritaire de l’élite globale d’exprimer une attaque à outrance correspondant à l’idée que l’on se fait du MX moderne. Côté « mondial », des tracés tantôt plus naturels, tantôt assez indigents (plats et artificiels), une profondeur de talent et une impression de vitesse sensiblement moindres. La technique développée en SX faisait clairement la différence en MX et cela se reflétait aux Nations, « la » rencontre annuelle entre ces deux mondes, très longtemps restée une chasse gardée US. Les éléments les plus brillants des GP – en tout cas ceux disposant d’une technique de pilotage « Sx-compatible » – continuaient d’émigrer outre-atlantique (Musquin, Roczen, plus récemment, Ferrandis) ou projetaient de le faire, à l’instar d’un Gajser et d’un Prado. Or justement, ces deux joyaux mondiaux viennent d’annoncer que non, finalement, au moins pour l’instant, ils ne prévoyaient plus de s’expatrier chez les Yankees (seul le prometteur Hunter Lawrence doit traverser l’océan, mais n’oublions pas qu’il est… Australien). Ceci s’explique parfaitement. Il y a deux étés – je vous en avais fait part ici même – le cross US a failli, pour ainsi dire, passer à la trappe. Historiquement « protégé » par le duo qu’il forme avec le Supercross – un package beaucoup plus contraignant du point de vue calendrier mais notoirement plus lucratif aussi – les « Nationals » étaient menacés par une éventuelle « mondialisation » du SX. Selon certains acteurs puissants du milieu, celui-ci avait vocation à se dérouler bien au-delà des 17 courses sur sol américain et d’un calendrier n’occupant que quatre mois de l’année (une auto-restriction faisant l’objet d’un deal entre promoteurs et fédération AMA, lequel expire en… 2019). La conséquence induite d’une telle bombe aurait été l’impérative spécialisation des pilotes et il était clair que les top champions allaient choisir le SX, privant le MX US de son élite. Le tout ne pouvait que renforcer l’emprise des GP sur le motocross outdoor, à la satisfaction de la FIM, ravie aussi de voir le « Mondial » SX sortir des frontières américaines. Mais l’industrie du cross US, d’obédience largement trumpienne, adhère au slogan « America First » de son président et, à peine ébruité, le projet s’est retrouvé face à une levée de boucliers telle… qu’il a prestement été enterré. L’argument fort était que la communauté du cross, pratiquante et consommante, était bien plus proche du produit MX que SX (cf. l’adage de Jody Weisel, « on n’achète pas un
éléphant en revenant du cirque » ). Officiellement rien n’a donc changé et le puissant groupe Racerx tient toujours fermement les commandes d’un championnat d’élite. Cependant, à y regarder de plus près, le ressort semble un peu fêlé. De plus en plus, des pilotes et teams de milieu de tableau envisagent les championnats SX et MX comme deux entités bien différentes, la plupart de ceux qui ne participent pas aux deux privilégiant le SX. L’outdoor passe live sur la télé NBC Sports mais les foules sur place semblent décliner au fil des années. Les Nationals remplissent leurs grilles (au contraire des GP) mais, en 450 surtout, l’absence de talent et de notoriété frappe à peine au-delà du top 10, tandis qu’en GP on retrouve des grands noms et des chronos respectables jusqu’au top 20 (la limite du MX2 à 23 ans produit là un effet positif). Depuis la crise de 2008, sur le plan financier, le cross US n’est plus un Eldorado par rapport aux GP. D’un côté comme de l’autre, une élite bien rémunérée ( plus aux USA qu’en Mondial du fait du calendrier incluant le SX) côtoie de gros talents nettement moins payés tandis qu’à l’étage en dessous, tout devient affaire de débrouille, mécénat et mini-budgets. Outre leurs infrastructures bien plus haut de gamme, les GP ont mis en place des filières très efficaces avec le 125 2T et l’europe 250, là où les US se contentent de l’élite 250 et 450. Les circuits de GP sont plus nombreux et variés que les US et désormais tout aussi exigeants en termes d’obstacles. Aujourd’hui, le style des « Euros » n’a strictement rien à envier à celui des « Ricains » et force est de constater que ces derniers ne remportent plus les Nations depuis cinq ans (Herlings se chargeant de les fesser sur leur propre sol l’été dernier). La variété de nationalités représentée en piste entraîne aussi une exposition et un soutien plus « global » et l’investissement des usines, sous l’impulsion du duo européen KTM-HVA, est favorisée par la possibilité d’aligner des prototypes. Bien sûr, on se délecte d’un baston Tomac-musquin à Budd’s Creek comme d’un Herlings-cairoli à St-jean. Mais, on peut le dire désormais, le balancier du MX mondial, qui penchait côté US depuis les années 80, s’est inversé, même s’il sera difficile de battre les « locaux » pour les Nations de Red Bud…
« Aujourd’hui, le style des “Euros” n’a strictement rien à envier à celui des “Ricains”… »