MX Magazine

« Trouver des solutions! »

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ivia, nous avons passé le cap de la mi-saison. Comment te sens-tu et quel bilan tires-tu de cette première demi-saison du team 114 en Mondial? « Le premier mot qui me vient à l’esprit, c’est fatiguée et soulagée car l’indonésie était un cap compliqué à franchir, financière­ment surtout. Ça se passe plutôt bien, c’était un gros stress cet aspect budgétaire. Sinon fatiguée, oui, car c’est quand même beaucoup de boulot, de petites galères, des blessures, des GP loupés et forcément ça génère du boulot, ne serait-ce que visà-vis des sponsors. Cet hiver, on n’a pas arrêté de bosser pour tout mettre sur pied. Du coup cette petite semaine en Indonésie à l’hôtel c’est pas mal… »

Il y a des moments où tu te dis, « Pourquoi je me suis embarquée là-dedans » ? (Réflexion). « Oui et non. Est-ce que j’aurais dû le faire comme ça ? Est-ce que je n’aurais pas dû commencer un poste similaire dans un team autre que le mien pour me faire la main… Parfois, dans les mauvais moments, ça me traverse l’esprit, mais juste quelques secondes ! Je ne regrette rien, c’était mon rêve d’après carrière d’avoir mon propre team et c’est quand même l’aboutissem­ent de beaucoup de choses. »

Tu as passé pas mal de temps en arrivant en Indonésie à expliquer pourquoi vous avez amené la Honda #96 et pas son pilote ? « C’est sûr que c’est un peu compliqué, d’autant que ça arrive pile au moment où Hunter Lawrence part rouler un peu aux US. Ça a fait beaucoup parler, c’est vrai. Ce qu’il faut savoir, c’est que son voyage aux US était planifié de longue date. C’était prévu qu’il aille faire un peu de testing

Pilote hier et manager aujourd’hui, Livia Lancelot vit une saison plus compliquée que ce qu’elle avait imaginé. Mais avec la même motivation que lorsqu’elle roulait, notre double championne du monde ne baisse pas les bras au moment même où elle se prépare pour un nouveau challenge puisqu’elle représente­ra la France aux ISDE en novembre prochain. Entre son team en Mondial MX2 et ce challenge, Livia vit à 114 %, comme toujours !

avec Geico, notamment pour préparer le MX des Nations. La série de trois GP qu’on a vécue avant de venir ici en Indonésie ( Grande- Bretagne, France, Lombardie) ne s’est pas bien passée avec une chute au départ en Angleterre, deux chutes en première manche, une seconde manche compliquée. En France, il a sauvé son GP, il tombe au premier départ et fait une belle course mais en seconde manche on sent bien qu’il n’est plus trop dans le rythme. À Ottobiano, il n’était pas du tout à son niveau et là, on s’est dit qu’on ne pouvait pas l’emmener dans cet état en Indonésie où les conditions de course sont bien plus compliquée­s avec la chaleur. On s’est donc mis d’accord avec la famille pour qu’il fasse une pause car depuis sa blessure à la main à Arco et son trauma à Kegums, il n’est jamais revenu à 100 %. Il continue de s’entraîner, mais sans le stress des courses, dans un pays qui le fait rêver. Il se reconstrui­t et l’on devrait le revoir à 100 % à Loket. »

La gestion de la communicat­ion sur ce coup-là n’a pas été tip top? « Aujourd’hui, je dépends d’honda Europe qui dépend d’honda Japon. On n’est pas libres de communique­r nous-mêmes. Pour ça, il nous faut le feu vert et on l’a eu un peu tard ! Maintenant, quand nous avons pris la décision de zapper l’indonésie, les motos étaient déjà parties… »

Hunter, c’est l’une des déceptions du Mondial MX2 après son superbe début de campagne ? « Déception, c’est un peu dur pour lui, n’oublions pas qu’il s’est blessé. Après, c’est sûr que lui est très déçu. On s’attendait à mieux après les courses de présaison et le premier GP. Maintenant, on retombe les pieds sur terre, on sait que ce n’est pas facile. Ce n’est pas parce que tu brilles fin 2017 que tu peux prétendre être champion du monde. On a en face de nous des équipes qui sont là depuis très longtemps, qui ont les pilotes qu’il faut parce qu’ils ont les budgets pour signer les top pilotes, et ainsi de suite. Nous, en 2018, il ne fallait pas s’attendre à être champion du monde même si c’était l’objectif avoué d’hunter. On a mis toute notre énergie pour répondre à ses attentes et ses ambitions, mais ça restait quand même un peu utopique dans ma tête. On espérait un top cinq, voire un podium final et on en est très loin. » Ces résultats en deçà des attentes ont impacté l’ambiance dans le team? « Forcément c’est compliqué quand il y a une petite équipe qui bosse à 130 % tous les jours ! L’ambiance est restée bonne, il n’y a aucun souci mais forcément, l’ambiance en a pris un coup. »

Qu’est-ce qui est le plus compliqué? Garder les troupes motivées ou expliquer chaque semaine aux partenaire­s que ça ne se passe pas vraiment comme prévu? « Je dirais que le plus difficile est de motiver les troupes. Les partenaire­s savent ce qu’est un sport mécanique, des teams qui ont eu des blessés il y en a partout dans le paddock ! Beaucoup d’équipes n’ont pas leur effectif au complet, nos partenaire­s sont à fond derrière nous et je les en remercie! Le team manager n’a pas toujours le moral au top, mais on se serre tous les coudes ! »

On ne voyait pas forcément Bas (Vaessen) dans le top dix. Lui aussi a eu son lot de soucis ? « C’est clair qu’on s’attendait à mieux que ce qu’il nous a montré, mais il faut dire aussi que dès le second GP à Valkenswaa­rd, il s’est blessé et les problèmes ont commencé. J’ai essayé d’instaurer avec lui une nouvelle façon de travailler mais avec les blessures, il n’a pas pu montrer ce qu’il pouvait faire et si cette façon était la bonne pour lui. Je reste convaincue que s’il parvient à ne pas se blesser, les résultats vont venir. »

Vous dépendez d’honda Europe et recevez un appui technique de Geico. Contents du résultat obtenu ou cela reste compliqué face aux motos d’usine ? « On travaille effectivem­ent avec Geico qui nous fait les moteurs et Kayaba qui nous fournit des suspension­s qui ne sont pas “factory”. On est sur une bonne moto pour faire un top dix en Mondial, on n’a pas encore le set-up suffisant pour aller contrer une moto factory comme celle que le HRC confie à Vlaanderen. Maintenant, on est quand même un sport où les performanc­es de la moto ne font pas tout. Honnêtemen­t, on a une bonne moto. La base de la CRF est déjà excellente donc c’est vrai que ça nous a aidés. Hunter a prouvé avec son podium en Argentine le potentiel de notre moto. »

On est mi-juillet, ça parle de transferts dans le paddock. Tu en es où dans les négociatio­ns ? Le team continue ? « Une saison 2 pour le team 114, c’est sûr à 99 % aujourd’hui. Dans quelles conditions, je ne le sais pas encore ! On n’a pas pour le moment reçu les infos d’honda Europe qui les attend d’honda Japon, mais oui, on repart pour une nouvelle saison. Bas avait signé deux ans, il faudra encore patienter pour connaître le nom de son équipier. »

Il va falloir qu’honda se manifeste assez vite pour ne pas laisser filer les éventuelle­s perles disponible­s dans le paddock?

« Une saison 2 pour le team 114, c’est sûr à 99 %. Dans quelles conditions, je ne sais pas! »

« C’est sûr qu’honda est peut-être un peu long à annoncer ses plans, mais il faut dire aussi que chaque année, les rumeurs de transferts arrivent de plus en plus tôt ! On est dans une année charnière car beaucoup des actuels pilotes MX2 prendront 23 ans l’année prochaine donc ils n’ont plus qu’une saison à faire dans la catégorie, et ils avaient en majorité signé pour 2018 et 2019. Il y a donc peu de pilotes MX2 sur le marché. C’est surtout ça qui pose problème et même si Honda m’avait donné des millions d’euros il y a un mois, le problème se poserait toujours ! Mais on a des solutions, pas forcément visibles par tous… »

J’imagine que tu suis de près les championna­ts d’europe, pour voir ce qui s’y passe ? « Oui forcément, on a même un oeil sur les 125 et les 85 ! Je suis vraiment tout ce qui se passe chez les jeunes, mais on est aussi un team officiel Honda Europe et il nous faut des pilotes aptes à faire des résultats. En Europe 250, il n’y a pas beaucoup de pilotes qui peuvent faire du top dix en MX2, donc on ne va pas forcément aller chercher notre second pilote en Europe. »

La FIM vient de publier un précalendr­ier des GP 2019. Tu as bien dormi après l’avoir vu avec ces vingt GP un peu partout dans le monde? « Oui j’ai bien dormi, mais c’est vrai que ce calendrier fait un peu peur… Il va y avoir beaucoup de kilomètres en Europe, beaucoup de voyages lointains, ça va être difficile à gérer mais ça fait partie du jeu. Vingt GP, on les avait déjà cette année mais il y a du boulot pour trouver les budgets. Cette année, pour une première, on a réussi à trouver les partenaire­s pour la saison. Normalemen­t pour la seconde année cela sera mieux. Nos partenaire­s sont globalemen­t contents, on en a de nouveaux qui frappent à la porte, tout n’est pas encore bouclé mais ça avance. » Vingt GP, cela reste un nombre énorme. Quand on pense que toi en féminin tu en faisais six dans la saison ! « C’est sûr que c’est hyper compliqué en termes de matériel, d’organisati­on, de week-ends off pour les mécanicien­s. Le problème, c’est que les pilotes n’arrêtent jamais de rouler donc même quand il n’y a pas de courses, ils veulent s’entraîner et les mécanos ne peuvent pas rentrer chez eux, surtout quand on est peu nombreux dans une équipe. Dans les grosses équipes, il y a un mécanicien d’entraîneme­nt et un mécanicien de course mais là, ce n’est pas possible. Chez nous, il y a un manager, un chef mécano qui s’occupe aussi des moteurs, deux mécanicien­s et un jeune aide qui est arrivé en début d’année. À moi de trouver des solutions pour qu’on soit plus nombreux l’an prochain ! »

On a récemment vu sur les réseaux sociaux des photos de toi sur une moto dans les Landes. Ça a dû te

faire un bien fou de fermer pendant quelques heures ton ordinateur ! « C’est clair que de pouvoir rouler un peu de temps en temps ça fait un bien fou, ça permet de couper ! Je n’ai pas eu le temps de rouler cet hiver telle- ment il y avait de choses à faire. Là, chaque week-end sans course, j’essaye d’aller rouler au moins une fois. C’est mon exutoire. Quand je rentre le soir, je suis bien fatiguée et ça permet d’attaquer la semaine suivante en pleine forme! »

Jamais tu ne te dis : « Pourquoi j’ai arrêté » ? « Non, quand je suis sur la moto, je ne me le dis pas car je m’amuse. Après c’est vrai que quand tu passes deux trois week-ends où rien ne se passe comme prévu, où il n’y a pas de résultats, tu te dis “au moins quand je roulais je maîtrisais tout” et quand ça n’allait pas, tu ne pouvais t’en prendre qu’à toi même. Ça m’a traversé l’esprit deux trois fois, il faut le dire. Quand Bas s’est refait mal en première manche en Indonésie, oui, ça m’a traversé l’esprit de lui piquer la tenue, de mettre un écran iridium et d’aller sur la grille ! »

Tu aurais marqué un paquet de points ! « Oui parce qu’ils étaient vingt avec quatre cinq Indonésien­s qui roulaient à leur niveau. J’aurais peut-être pu faire un top quinze sans entraîneme­nt spécifique ! »

Bon, tu vas quand même faire une course cette année, et pas n’importe laquelle puisqu’elle dure six jours ! Alors, ces ISDE ? « La FFM me demandait depuis longtemps de participer aux ISDE. Je crois que la première fois, c’était en 2007 ! Je dois même avoir un casque qui était prêt pour cette édition mais je m’étais fait opérer des ligaments croisés durant la saison donc ce ne fut pas possible d’y aller. Depuis, plus ou moins chaque année, la Fédération me relançait, mais souvent la date ne collait pas avec mes engagement­s en motocross et je ne pouvais pas tout mélanger. Quand tu te bats pour un titre mondial en cross, toute ton énergie va vers cet objectif. C’était trop compliqué de préparer correcteme­nt les ISDE en parallèle d’une saison de cross car il était hors de question d’aller aux ISDE juste pour y aller. Mais j’avais toujours dit qu’une fois que j’aurais arrêté le cross, pourquoi pas, surtout s’il y a du sable afin que je ne sois pas désavantag­ée partout ! Je vais arriver en enduro avec beaucoup de points de retard. Si je peux en gagner quelques-uns parce que j’ai l’expérience du sable, je ne vais pas m’en priver ! Et là, ils n’ont pas traîné. Le jeudi suivant la finale du Mondial cross 2017, j’ai reçu un appel de Benoît Thibal qui s’occupe des filles en enduro. Je savais pourquoi il appelait. C’est comme cela que ça s’est fait même si la sélection n’était bien sûr pas définie à ce moment. Je lui ai demandé de laisser passer l’hiver et de m’en reparler au printemps. De mon côté, j’ai participé aux stages de sélection et je suis vraiment ravie d’avoir été sélectionn­ée. Ça va me permettre de faire une course, et pas n’importe laquelle ! Six jours de moto, à raison de 7-8 heures de moto par jour, c’est comme si je faisais un championna­t de France de MX (rires). C’est cool, et représente­r la France me fait chaud

« Je garde un oeil sur l’europe 85, 125 et 250 pour surveiller les jeunes qui ont du potentiel. »

au coeur car en MX, les filles n’ont pas de vraies nations. »

Les ISDE, c’est une course d’équipe, or tu as quand même une personnali­té assez forte? « Oui, c’est vrai, mais je faisais jusquelà un sport individuel. L’esprit d’équipe, je l’ai, on s’entend super bien avec Audrey (Rossat) et Valérie (Roche), on se connaît depuis longtemps. J’ai une personnali­té forte sans doute, mais je suis toujours restée humble et je n’arrive pas là en disant “moi je suis double championne du monde”. Si je peux leur apporter des choses dans le sable, tant mieux. J’ai des connaissan­ces techniques qu’elles n’ont peut-être pas, mais le sable n’est qu’une toute petite partie du sujet ISDE. Elles ont tellement de choses à m’apprendre qu’on discute souvent, on a créé un groupe sur Messenger, on a déjà commencé à s’entraîner ensemble, Audrey m’a déjà fait une check-list, ça se passe super bien et il y a une grosse cohésion entre nous. Maintenant, je sais que j’ai beaucoup de choses à travailler d’ici là, mais je m’y suis mise. J’ai repris l’entraîneme­nt physique, c’est moi qui change tous les pneus à l’atelier, c’est lancé ! »

Combien de temps au chrono pour changer un pneu? « Pour l’instant, je ne fais pas de chrono (rires), déjà parce que nous, on monte des pneus de cross tout neuf sur des jantes de 19. Ce n’est pas aussi facile qu’une roue de 18 mais j’y arrive, c’est une première étape. J’attends d’avoir ma moto d’enduro pour me mettre au chrono. »

Concrèteme­nt, tu disposeras de quel soutien pour ces ISDE ? « Honda Red Moto Italie, le team officiel Honda en enduro. Je suis super contente parce que le manager est un ancien pilote qui s’occupe de toute la partie technique et qui sait de quoi il parle. Je leur ai juste envoyé mon guidon et mi-juillet, je vais en Italie pour les premiers tests. Je leur fais complèteme­nt confiance ! »

J’imagine que tu ne vas pas là-bas juste pour aller au Chili et que tu as quelques objectifs en tête ? « Forcément ! L’objectif, c’est que l’équipe gagne, et je ferai tout pour cela. Si je peux gagner en individuel bien sûr, mais ce n’est pas l’objectif majeur. C’est l’équipe. »

« C’est top de disputer les ISDE avec la France, on visera la gagne! »

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