Reculer pour mieux sauter
Lentement mais sûrement, Kawasaki fait son retour dans le sable et espère accrocher une victoire au Touquet qui l’a fui depuis… 1992. Nous avons eu l’occasion d’essayer la moto développée dans les ateliers en région parisienne. Il en ressort une excellente base malgré le retard pris avant Noël.
Le Championnat de France des Sables bat tous les records. Pas seulement en termes d’engagés. Le niveau des top pilotes n’a jamais été aussi élevé. Ce petit monde, qui n’a d’yeux que pour la victoire, engage de gros moyens pour développer de véritables missiles sol-sol sur le sable. Si vous avez pu découvrir dans votre magazine préféré les KTM, Yamaha et Honda de Chapelière, Potisek et Fura, notre regard s’est porté cette année sur la Kawasaki officielle de Damien Prévot. Car oui, il s’agit bien d’une moto officielle développée par Kawasaki France avec aux commandes Fred Bassaler qui oeuvre depuis 16 ans sur les courses de sable. Autant dire que la silice, ça le connaît mais après une période d’inactivité de cinq ans suite à la dernière participation de Damien Prévot au Tou- quet en 2013, le retard s’est accumulé chez les Verts. « Kawasaki revient tout doucement, rapporte Fred. Cinq ans, c’est énorme car les pilotes et les motos ont progressé. L’année dernière, on a fait un retour sur la pointe des pieds avec Axel Van De Sande. Malgré son titre de champion de France, on n’a pas eu les résultats espérés. On a souhaité repartir cette année avec Damien Prévot qui est un excellent metteur au
point. Avec l’arrivée de très bons pilotes de Grand Prix dans le sable, le niveau est monté d’un cran et entrer dans le top 10 est déjà une performance au Touquet. » Le retard accumulé a été en partie comblé avec l’arrivée de la nouvelle 450 KX dont les modifications en termes de châssis et de moteur sont notables, surtout dans une discipline qui demande de la puissance et une partie-cycle saine. « La 450 KX a une évolution moteur considérable avec de grosses soupapes, de nouveaux roulements de bielle sans billes, des linguets. On part avec quatre chevaux de plus que l’an dernier. On a refroidi le circuit d’eau et le circuit d’huile, on a fait attention aux parties mobiles du moteur et consolidé l’embrayage. On peut toujours faire plus en termes de performance et de force à mi-régimes, mais on est déjà pas mal avec ces quatre chevaux de plus par rapport à l’origine. » Floquée du numéro 30, la 450 KX regorge ainsi de petites pièces et de modifications en interne afin d’aller au bout des trois heures de course début février. Tout le travail opéré a été facilité par la sensibilité de Damien Prévot: « Je sais ce qu’il faut faire pour que la moto me convienne. Si l’on me change un clic ou une hauteur de guidon de cinq millimètres, je vais le sentir direct. Je suis assez pointilleux dans ce domaine. Avec l’expérience, je ne mets pas longtemps à trouver les bons settings. » En parlant de ressenti, il est d’ailleurs intéressant de recueillir le point de vue de Damien lui qui a, durant ces dernières années, roulé sur des KTM: « Elle a plus de coffre et plus de force au niveau du moteur. En revanche, elle est moins facile à piloter dans les virages car elle plus rigide. La Kawa est plus facile dans les pif paf, elle est plus joueuse. » Après ces présentations en bonne et due forme, il est temps de découvrir et d’apprécier le travail fait sur cette 450 KX.
Tout dans l’efficacité
Rendez-vous est pris quelques jours après Grayan sur un circuit de sable lourd à l’image de ce que l’on peut trouver au Touquet ou à Berck. La n° 30 verte a nécessité quelques réparations après une grosse cabane de Damien en Gironde. Néanmoins, pour sa première véritable sortie sur la plage (ndr : absent à Hossegor pour cause de vol des motos), la 450 KX a étonné et rassuré avec un excellent
départ dans le top 5. Comme vous pouvez le constater sur les photos statiques, un gros réservoir en carbone est installé alors que l’essai s’est fait avec un réservoir en plastique plus petit. La raison est simple, les quinze litres n’étant pas nécessaires à Grayan, Damien a préféré rouler avec un « pe-
« On part avec 4 chevaux de plus que l’an dernier. » Fred Bassaler
tit » réservoir et reprendra le gros en carbone au Touquet. Sur la prise en main, la position est assez inédite et peu courante. Avec des tubes de fourche remontés dans les tés et un guidon cintré en arrière, on est en présence d’un poste de pilotage plutôt bas. Pour autant, la plupart des pilotes de sable roulent avec un avant haut favorisant la position debout pour les passages dans les vagues. Les leviers sont eux aussi plutôt orientés vers le sol. La bonne odeur de l’essence Elf Compétition se dégage pendant la chauffe du moteur. Allez, première en bas et c’est parti. D’ailleurs, l’embrayage hydraulique est assez ferme ce qui s’explique en partie par les deux disques supplémentaires installés par Fred Bassaler (voir préparation en détail). Le sable est lourd et donc parfait juge pour apprécier le moteur dans ces conditions. Après quelques minutes, on constate facilement les caractéristiques de cette 450 KX. Le moteur n’a plus rien à voir avec l’origine et dévoile une puissance linéaire mais très efficace. On ne ressent pas le coup de pied comme l’ont les KTM et Yam officielles à l’ouverture des gaz. C’est plus souple, plus coffreux donc plus exploitable à mon niveau. Tant mieux ! On sent que la puissance passe au sol. Sur le deuxième rapport, Fred m’encourage à monter dans les tours et il est vrai que l’allonge est assez impressionnante. Je serais curieux de voir la vitesse de pointe en 2e vitesse. Ce deuxième rapport plus long permet de ressortir des appuis et de ne pas changer de vitesse entre les deux virages. Damien aimerait avoir un peu plus de puissance à mirégimes, mais il y a déjà de quoi faire je trouve. Sur la piste juste défoncée comme il faut, le châssis est bien équilibré et se montre à son avantage dans les portions sinueuses. Avec son poste de pilotage bas et la finesse de l’ensemble, elle vire sans effort, contrairement aux autres marques qui privilégient plutôt les portions rapides. C’est un parti pris, celui de Damien qui aime se sentir à l’aise dans ces virolos. La contrepartie se ressent dans les portions rapides trouées où la Kawa est plus vive et moins stable que la concurrence. Après cette deuxième session de roulage, il est temps de tirer un premier bilan du retour des verts dans le sable. La moto bénéficie d’une excellente base et le travail effectué sur le moteur a permis de combler une partie du retard. Les choix de Damien concernant le châssis font de cette moto une arme dans les parties sinueuses mais du développement reste à faire pour la rendre plus stable dans les vagues. « Avec le vol de deux motos à Hossegor, explique Fred, nous avons pris du retard car toutes les pièces étaient dans le camion. Il a fallu tout recommander et prendre la moto prévue pour Le Touquet pour Grayan. » Une déconvenue certaine qui n’enlève rien au travail effectué jusque-là. Si Kawasaki trouve un top pilote l’an prochain comme souhaité par Fred, on risque de voir un peu plus de vert aux avant-postes.
Cette moto est une arme dans les parties sinueuses.