La fureur de vivre
Mon frère d’armes Eric Breton, pilier, justement, de la Presse moto et rock (rédac’chef de Moto Verte, Moto Revue, Motocross France et Rock & Folk… un palmarès en acier chromé !), appartenait aussi à cette génération et il pouvait expliquer en petit comité il y a à peine quelques semaines, avec « un sourire à peine sardonique », avoir vécu pleinement le truc tout en passant, en quelque sorte, à travers les gouttes et s’en trouver « remonté comme un coucou suisse, formidablement zen, face à la suite du programme »… Décédé en Thaïlande depuis, il a eu le goût ultime de ne pas succomber banalement à la saloperie de virus ambiant correct. Le MX – et son pendant SX – est un sport brutalement dangereux, bruyant et (considéré comme) polluant. Cela fait beaucoup de défauts pour le non-averti mais il lui reste un atout majeur : il est excitant, c’est même à nos yeux le sport le plus excitant qui soit !
Sans rentrer dans des considérations psychologiques sophistiquées, j’ai déjà eu l’occasion de vous expliquer qu’une partie (minoritaire) de la population générale est constituée d’individus de type « A » caractérisés, grosso modo, par un sens aigu de la compétitivité, un grand besoin de perfection et un sentiment d’urgence (peu de patience ni de souci de gestion du long terme). Inutile de dire que pratiquants et adeptes de notre sport font majoritairement partie de ce groupe de « type A ». « Riton-la-Science » appartenait évidemment lui aussi à cette catégorie et, à l’intérieur de celle-ci, à une confrérie encore plus restreinte et radicale : la poignée de journalistes spécialisés que nous étions. Rock & Folk était l’équivalent dans son domaine de nos magazines dans celui de la moto et Philippe Manoeuvre utilisait dans ses colonnes le terme de « rock critics » pour désigner les journalistes, alors, tous fans de rock, nous avons lancé notre « Cross Critik Association », ou CCA. Et, à l’instar de Manoeuvre qui avait su quasiment imposer le rock dans le paysage audiovisuel français d’où il était absent, nous nous sommes donné pour mission d’importer le cross US, dont la modernité et l’efficacité nous subjuguaient, dans notre pays. La naissance du Palais Omnisports de Bercy en 1984 nous a donné une occasion inespérée de créer le Supercross de Paris et, au-delà, de susciter la vocation de générations successives de pilotes français, dans le sillage de la « comète » JMB. Avant Bercy, le MX français était un nain sur le plan international avec ZÉRO titre. Depuis, des dizaines de titres mondiaux ou américains et les victoires aux Nations… Alors voilà, je le dis sans fausse pudeur : merci la CCA, merci Eric Breton.