En mode grand chelem!
« Triple champion 450 outdoor en titre, Eli Tomac sera-t-il le prochain à signer une telle performance ? »
Les champions d’exception ne sont pas faits comme les autres, Ricky Carmichael et James Stewart font partie de cette catégorie. En 2002, 2004 et 2005 pour le premier, puis trois ans plus tard pour le second, ce duo infernal s’est permis de claquer un grand chelem historique en outdoor. Une performance qui reste inégalée à ce jour aux USA comme en GP.
1septembre 2002, Steel City, Ricky Carmichael s’offre son douzième doublé de la saison en dominant Tim Ferry et Mike LaRocco. Avec un total de 600 points au compteur, pour la toute première fois dans l’histoire du cross US, un pilote réussit l’exploit de gagner toutes les manches d’un championnat MX. Arrivé dans la catégorie reine en l’an 2000 après trois titres 125 glanés chez Pro Circuit, RC s’offre deux nouvelles couronnes 250 chez Kawasaki après avoir battu Sébastien Tortelli
et Kevin Windham. Alors que tout le monde l’imaginait poursuivre sa carrière chez les verts, à l’image de Jeff Ward, RC change son fusil d’épaule en décidant de rejoindre Honda et le HRC avec un contrat de trois ans en poche et quelques millions de dollars sur son compte en banque. En mal de titres depuis le départ de Jeremy McGrath au milieu des années 1990, les reds n’ont qu’un seul objectif, retrouver la plus haute marche du podium. Après s’être occupé du SX à la suite d’un beau duel face à David Vuillemin (voir rétro DV dans notre numéro précédent), Carmi se remet en mode MX histoire d’être prêt pour l’outdoor. Au guidon d’une 250 CR bombesque, il va très vite faire des étincelles. Cette année-là, la saison de cross démarre le 12 mai à Glen Helen. Auteur du doublé devant son teammate Tortelli et Tim Ferry, Ricky se met d’entrée sur les rails du succès. Il ne les quittera plus. De plus en plus rapide, impressionnant de vitesse, de physique et d’engagement, les week-ends se suivent et se ressemblent pour le nain rouge. Les pistes d’Hangtown, Mount Morris, Southwick, Budds Creek, Red Bud, Troy, Unadilla, Washougal, Millville et Binghamton célèbrent à chaque fois le même vainqueur. Cette quête du premier grand chelem s’achève donc à Steel City sur le même tarif. Après une série de 24 manches remportées consécutivement, Carmichael impose sa loi. Jamais aucun rider avant lui n’avait réussi une telle performance, pas plus Bob Hannah ou Ricky Johnson que Jeff Stanton. Deux ans plus tard, notre homme va même récidiver.
Bis repetita
Pour cette année 2004, après quatre ans de domination sans partage avec ses 250 KX puis CR, la star ricaine se remet en question et accepte le défi de débuter la nouvelle ère 4T au guidon de la 450 C R-F. Après quelques semaines de préparation, de prises de sensations, RC attend avec impatience début janvier et l’ouverture de la saison SX prévue comme d’habitude du côté d’Anaheim. Malheureusement, il ne verra jamais l’Angel Stadium. Victime d’une chute à l’entraînement quelques jours plus tôt, ses ligaments du genou ne résistent pas. Pour la toute première fois depuis son arrivée chez les pros en 1997, le Floridien s’apprête à manquer un championnat sur blessure. Obligé de passer sur la table d’opération, il n’a alors plus qu’un seul objectif en tête, être de nouveau à 100 % cinq mois plus tard pour le début de la saison MX. Depuis ses débuts pros, RC n’a jamais perdu le moindre titre out do or.«The GOAT » entend bien évidemment poursuivre cette série d’invincibilité et faire honneur à sa réputation.
« Ricky Carmichael s’est offert trois saisons parfaites en outdoor au cours des années 2000. »
Alors que Chad Reed construit tous les week-ends son premier titre Supercross, RC récupère, bosse en kiné et retrouve enfin ses pistes d’entraînement de Tallahassee. Déterminé, mort de faim, il sait bien que pour venir à bout de rivaux comme Windham, Reed, Vuillemin et Tortelli, il n’aura pas d’autre choix que d’être physiquement à bloc. Son come-back s’effectue donc le 16 mai sur la piste d’Hangtown. Et très vite, ses adversaires vont comprendre que ses problèmes l i gamentaires appartiennent désormais au passé. Vainqueur de la première manche avec onze secondes d’avance sur K-Dub, de la seconde avec cinq sur DV, Carmichael signe son retour en piste par un doublé probant. Ceux qui doutaient de sa capacité d’adaptation au pilotage four-stroke sont rassurés. Soupapes au pas, Ricky reste le grand Carmi. La suite de la saison sera de la même veine. De plus en plus à l’aise avec la CR-F factory, le rouquin atomise tout ce qui bouge. Le tsunami RC est lancé et rien ni personne
ne semble en mesure de le contrer. Pour le round #2 de Mount Morris, il domine de nouveau Windham. Dans les sables de Southwick, il colle 28 puis 33 secondes à Reed dans les deux manches. Le tarif sera le même à Budds Creek, Red Bud, Unadilla,
Troy, Washougal, Millville, Binghamton et Steel City. Les manches s’enchaînent et le drapeau à damiers s’abaisse toujours irrémédiablement sur la Honda numéro quatre. Pour sa dernière sortie chez les reds, Ricky termine en beauté en montant sur la
plus haute marche du podium en compagnie de Reed et Tortelli. En plus de décrocher son cinquième titre consécutif dans la catégorie, il s’offre un nouveau sans-faute de 24 manches sur 24. Vice-champion, Reed est relégué à 124 unités. C’est donc sur une note très positive que Ricky quitte American Honda après trois ans de contrats.
Yellow challenge
Nouvel officiel Suzuki, il a pour mission de remettre les jaunes au top en SX comme en MX. Pour le Supercross, il retrouve une petite 250 RM 2T avec laquelle il est titré directement en montant sur tous les podiums de la saison, avec sept victoires à la clé. Mais pour l’outdoor, il se remet
« En 2008, au guidon de sa 450 KX-F factory, James Stewart s’est mis en mode grand chelem! »
en mode 4T en se préparant avec la 450 RM-Z. Et là encore, RC se transforme rapidement en véritable tornade. Fin mai à Sacramento, il entame sa nouvelle aventure avec un premier doublé imparable. Vainqueur du premier débat, il laisse David Vuillemin à 47 secondes et Reed troisième à une minute vingtquatre ! Également intouchable dans la seconde, la machine Carmi repart sur le même rythme que douze mois plus tôt. Si contrairement à 2004, RC ne gagne pas toutes les manches, il remporte les douze rounds inscrits au calendrier. Deux pilotes réussissent à lui piquer deux manches, Reed à Southwick et Windham à Unadilla. En ne lâchant seulement que six malheureux points, l’officiel Suz est de nouveau titré avec une marge supérieure à la centaine d’unités. Pour la troisième fois de sa carrière, Carmichael remporte le championnat sans se faire battre. Entre le 17 août 2003 et le 11 septembre 2005, il s’offre même vingt-sept victoires à la suite. Si vous ne connaissiez pas la légende RC, c’est désormais chose faite !
Au tour de Bubba !
Mais le roi Ricky n’est pas le seul rider américain à s’être offert cette p e r f o r mance. Le fantasque, « bankable » et charismatique James Stewart a réussi à en faire de même. Entre Stewart et Carmichael, plusieurs similitudes existent dès le départ. L’un comme l’autre sont originaires de Floride. Tous les deux étaient annoncés depuis toujours comme des phénomènes, soutenus par Fox et surtout Kawasaki USA. Pour Bubba, tout a commencé chez les pros en 2002 avec une 125 KX d’usine et non chez Pro Circuit. Une machine avec laquelle il s’est imposé d’entrée en outdoor, comme Carmichael quelques années plus tôt. De nouveau champion en 2004 après s’être blessé en 2003, JS déboule chez les grands l’année suivante. Mais pour lui, l’acclimatation s’avère plus lente que celle de son aîné. Pas toujours hyper-sérieux dans sa préparation, parfois blessé, critiqué pour son mode de vie de rock star, ses fréquentations dans le monde du rap US, ses dépenses extravagantes, Bubba
s’éloigne alors des standards du robot RC, programmé pour s’imposer et concentré sur un seul objectif : la gagne à n’importe quel prix ! Après trois saisons concluent aux 10e (2005), 4e (2006) et 7e (2007) places, James va mettre toutes les pièces du puzzle bout à bout l’année suivante. Après avoir décroché son premier sacre 450 SX avec la KX-F en 2007, l’Américain se blesse et ne peut défendre son titre l’année suivante. Comme RC en 2004, JS soigne son genou, revient à l’entraînement et se prépare pour l’outdoor quand tous ses rivaux s’expliquent en SX. Et notamment Chad Reed qui, après avoir profité de l’absence de Carmi, profite de celle de JS pour claquer sa seconde couronne dans la catégorie. Les absents ont toujours tort, c’est bien connu. C’est donc à Glen Helen, fin mai, que l’officiel Kawasaki USA revient aux affaires. Et ces dernières sont très vite pliées puisque James débute par un doublé imparable devant Mike Alessi (2/2) et Davi Millsaps (3/3). Le ton est donné, le rythme du championnat également. Comme à ses grandes heures de l’outdoor 125, de ses remontées fulgurantes et de ses premiers scrubs hallucinants d’amplitude, Stewart emporte absolument tout sur son passage. Après le tsunami RC, l’outdoor est obligé de constater les dégâts dévastateurs de l’ouragan JS7. Les pistes de Sacramento, Freestone, Mount Morris, Budds Creek, Thunder Valley, Red Bud, Unadilla, Washougal, Millville, Southwick et Steel City ne peuvent résister. Toutes les manches, et fatalement toutes les épreuves, tombent dans l’escarcelle du nouveau roi Bubba. Avec lui aussi le score maximum de 600 unités au compteur, il relègue Tim Ferry 186 points derrière, un boulevard… Une fois encore, le parallèle avec Carmichael est inévitable. Puisque dans la foulée de cette démonstration, comme RC quatre ans plus tôt, Bubba annonce son départ du team Kawasaki pour rejoindre les bleus de chez Yamaha. Mais la comparaison entre les deux s’arrête là puisque derrière, la superstar ne remportera plus de titre outdoor, mais seulement une couronne SX en 2009. Ce duo a donc marqué à tout jamais l’histoire du championnat. Un pilote comme Eli Tomac, déjà triple champion 450 pourra-t-il les imiter pourquoi pas cette année ? On fera le point dans quelques mois à la fin de l’outdoor 2020, si tant est qu’il se déroule normalement !