MX Magazine

L’espoir d’une nation

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Aussi discret dans un paddock que ne l ’ était son coach Steve Ramon, Jago Geerts représente pour les fans du Plat Pays la plus sérieuse chance de devenir le 53e champion du monde belge. Si l ’ écart avec Tom Vialle s’est creusé au fil des derniers GP, l’officiel Yamaha restait dans la course au titre au soir de Lommel 1.

Depuis la retraite de Steve Ramon qui a raccroché son casque courant 2011, les fans belges sont un peu orphelins et attendent avec impatience de voir un des leurs accéder à un titre mondial. Si cela ne semble pas possible dans un proche avenir dans la catégorie reine qu’est le MXGP, ils ont une chance de voir leur rêve se concrétise­r en MX2 grâce à Jago Geerts qui joue les premiers rôles avec Tom Vialle dans cette catégorie qui a vu les pilotes belges (Gaston Rahier, Harry Everts, Eric Geboers, Stefan Everts et Steve Ramon) ramener dix titres mondiaux à la maison.

Débuts précoces

S’il n’était pas encore en âge d’apprécier les performanc­es de Stefan Everts ou de Joël Smets lorsque ceuxci étaient au sommet de leur art au début du siècle, Jago a quand même baigné très jeune dans le monde de la moto puisque son père fut longtemps mécanicien de course aux côtés de Jacky Martens, Bob Moore ou encore Marnicq Bervoets, avant de se lancer dans les préparatio­ns de motos. C’est donc assez logiquemen­t que, dès son plus jeune âge, notre homme a fréquenté les terrains de cross. « Mon père a longtemps été mécanicien et quand j’étais jeune, j’allais souvent avec lui sur les courses. Aujourd’hui, il travaille encore sur les motos et j’ai toujours voulu faire du motocross. C’est quelque chose qui me passionne, la seule chose en fait. Rapidement, j’ai réclamé une moto à mon père, il m’en a acheté une et l’histoire a commencé. C’était un Pee Wee, je devais avoir 4 ans. Au début, c’était juste pour le plaisir, j’en faisais un peu partout. Puis j’ai participé à quelques courses de temps en temps mais c’est à partir de 11 ans que cela est devenu plus important et plus sérieux, bien que de tout temps, et encore aujourd’hui, c’est le fun qui me guidait » , confie Jago qui, après avoir fait ses premières armes autour de chez lui dans son Limbourg natal, est sorti des frontières quand il avait douze ans pour se frotter aux championna­ts d’Europe. « En 2013 et 2014, on s’est attaqué au championna­t d’Europe 85 et là, c’est devenu de plus en plus sérieux et important. En 2014, j’ai décroché le titre en 85. J’ai alors vraiment voulu devenir pilote profession­nel et me confronter un jour au championna­t du monde. »

Deux titres Européens

Décrocher un titre en 85 est une chose, confirmer dans les échelons supérieurs en est une autre mais cela ne sera pas un problème pour Jago qui, en 85 comme en 125, aura appliqué une formule bien connue : une année pour apprendre, une année pour gagner ! Vingt-deuxième de l’Europe 85 en 2013 avant de remporter le titre l’année suivante, onzième de l’Europe 125 en 2014 avant d’être sacré en 2015, Jago n’aura pas le temps d’appliquer la même recette en Europe 250 puisqu’il ne fera qu’une seule saison dans la catégorie. « La plus grosse marche à franchir ? Pour moi ce fut en passant du 85 au 125, un championna­t plus compétitif avec des pilotes plus âgés et plus expériment­és. Les premières années sont toujours les plus difficiles. Lors des premières courses, tu dois rester calme et apprendre. Après, avec l’expérience, c’est de plus en plus facile. Entre l’Europe et le Mondial, il y a une grosse différence qui vient notamment du fait qu’en Mondial, on passe plus de temps sur la piste. En Europe, tu as une séance d’essais et deux manches. Le Mondial est beaucoup plus dur, plus physique, l’intensité est plus forte et au début, il faut s’y faire, et surtout bosser le physique. Mais j’y étais préparé car quand je disputais l’Europe 250 en

« J’essaie de rester calme en toutes circonstan­ces mais en fait, je suis très nerveux. »

2017 j’ai fait également quelques piges en GP, ce qui m’a permis de bien me préparer avant de débuter en Mondial en 2018. »

Un Belge dans une structure Belge

Sa carrière européenne, Jago l’a construite avec KTM. Pas au sein du team officiel, mais avec l’une des multiples équipes liées de près ou de loin avec le constructe­ur autrichien. Et si une majorité de jeunes espoirs n’imagine pas forcément rouler pour une autre marque, Jago et ses parents n’ont pas hésité quand ils ont reçu une offre du team Kemea. « En 2017, on a eu une bonne propositio­n de

Kemea et avec Marnicq (Bervoets) et Hans (Corvers), le courant est tout de suite bien passé. On s’est rapidement décidé. C’est un bon team et c’est vraiment cool d’être dans une équipe basée à seulement quinze minutes de chez moi, ce qui fait que j’y suis souvent. On a un peu grandi ensemble, le team est devenu plus profession­nel au fil des années en prenant de l’expérience et c’est maintenant le team officiel Yamaha en MX2. La moto est désormais très performant­e, je suis très heureux et vu les résultats qu’on a obtenus ces dernières années, je pense que c’était le bon choix » , analyse Jago qui vient de prolonger son contrat avec les Bleus jusqu’à fin 2022, année où il fêtera son vingt-deuxième anniversai­re. Avec un père mécanicien à ses côtés depuis ses débuts, Jago s’est assez naturellem­ent intéressé à l’aspect technique des choses. « J’aime bien aller tester, ce n’est pas toujours évident mais tu dois bien comprendre ta moto, réfléchir… C’est difficile à faire mais la moto est tellement importante dans le MX d’aujourd’hui ! On a vraiment bien bossé sur la moto cet hiver, on peut voir qu’au départ, elle est très performant­e, c’est primordial car il n’est pas toujours évident de pouvoir doubler sur les pistes actuelles. On a bien progressé, la moto et moi, on a passé un bon step et le package est bon. »

Deux coachs prestigieu­x

Chez Kemea, Jago a gagné une seconde famille en retrouvant notamment Marnicq Bervoets dont le mécano ne fut autre que son père quand il évoluait chez Suzuki (1994-1998). Mais c’est surtout avec Steve Ramon, dernier pilote belge à avoir décroché un titre mondial (MX1 en 2007), que notre homme s’entraîne régulièrem­ent. « On s’est rencontré durant l’hiver 2016 pour mieux préparer la saison 2017. Depuis, on travaille toujours ensemble, on a une bonne relation et il m’apporte beaucoup. Je ne le connaissai­s pas personnell­ement. C’est un de mes sponsors qui était un bon ami de Steve qui nous a rapprochés. Steve ne vient pas sur tous les GP, il se déplace juste sur quelques courses en Europe mais ce n’est pas là que c’est important de l’avoir à ses côtés, c’est dans la semaine à l’entraîneme­nt. C’est cool quand il vient, mais quand il n’est pas là, il y a également Marnicq qui m’aide. Ce fut un excellent pilote lui aussi et ses conseils sont toujours bons. C’est bien d’avoir deux personnes

différente­s à qui l’on peut demander des conseils, mais quand Steve est là, Marnicq n’intervient pas, car ce pourrait être compliqué d’entendre deux avis potentiell­ement divergents. » Ajoutons que, à l’image de ses deux coachs, Jago est un garçon qui ne fait pas beaucoup de bruit dans un paddock !

2020, une saison à part

Premier leader du Mondial au soir du GP de Grande-Bretagne, Jago n’aura pas gardé longtemps cette plaque rouge de leader dont s’est emparé Tom dès le deuxième GP aux Pays-Bas. Depuis, la lutte fait rage entre les deux postulants au titre mondial qui se retrouvent en face-à-face alors que la saison tire à sa fin. « C’est un peu dur bien sûr de n’être que deux à se battre pour le titre, mais en 85 comme en 125, je me suis souvent retrouvé dans en duel. C’est quand même fréquent qu’un championna­t ne se joue qu’entre deux pilotes. L’objectif reste de faire au mieux chaque week-end. Il faut que j’arrive à commettre un peu moins de fautes et que je sois plus consistant » , reconnaît-il aisément. Comme ses rivaux, il a dû gérer le confinemen­t puis s’adapter aux triples GP se disputant sur une seule journée. « C’est une année bizarre avec le Covid, on est resté tellement longtemps sans courses ! Au début du confinemen­t, c’était compliqué, on s’ennuyait un peu mais après quelques semaines, c’est devenu moins strict et on a pu reprendre l’entraîneme­nt. Quand le calendrier est sorti, on savait où l’on allait, on s’est tous bien préparés pour la reprise. Bon, les trois GP en une semaine, c’est difficile. Les deux premières courses, ça va, mais la troisième est plus compliquée car la fatigue se fait sentir.

On essaye de s’y préparer au mieux, on fait juste un peu de décrassage entre les courses. Sinon le programme sur une seule journée, c’est bien, ça ressemble au championna­t néerlandai­s que je connais bien. C’est différent, mais j’aimerais bien que cela reste comme ça à l’avenir », confesse-t-il avec son flegme en passe de devenir légendaire. Pourtant, dès qu’il met le casque, c’est un autre Geerts qui entre en scène. « J’essaye de rester calme en toutes circonstan­ces, mais en fait avant les courses, je suis très nerveux. Quand j’enfile mon casque, j’essaye d’être plus agressif, et sur la piste de faire tout ce que je peux, de donner le meilleur. C’est sûr que sur une moto, je suis bien différent du garçon qui se trouve en face de vous » , poursuit-il sourire aux lèvres. Toujours accompagné de ses parents, Jago a besoin de l’entourage familial pour se sentir bien. « Mes parents viennent à toutes les courses. Pour les oversea, il n’y a que mon père qui se déplace avec moi. C’est important de les avoir à mes côtés. Mon père m’a suivi tout au long de ma carrière, il me connaît parfaiteme­nt et ses conseils sont toujours précieux. Ils m’ont toujours soutenu, ils ne m’ont jamais poussé ou mis de la pression, c’était toujours amusant pour moi d’aller sur les courses. »

La Belgique, terre de Motocross

Alors que les anciennes stars du cross belge se plaignent régulièrem­ent de voir leur sport montré du doigt dans leur pays et d’assister à la fermeture de nombreux circuits, Jago espère que ses performanc­es à venir inverseron­t la tendance. « C’est vraiment difficile de s’entraîner en Belgique, on doit avoir tout au plus cinq ou six circuits pour cela aujourd’hui. J’espère que si une nouvelle génération de pilotes perce au plus haut niveau, le motocross sera mieux considéré chez nous, que quelques nouveaux circuits ouvriront pour permettre aux jeunes de pratiquer ce sport. Quand j’ai débuté, je me suis beaucoup entraîné dans le sable, en étant parfois obligé de monter jusqu’aux Pays-Bas pour cela. Je ne roulais pas souvent sur le dur, mais quand tu arrives en championna­t d’Europe, tu dois en passer par là, c’est pourquoi en 2013, on est allé pas mal de fois en France et en Allemagne pour s’entraîner. Aujourd’hui, je me sens bien sur toutes les surfaces, avec bien sûr une préférence pour Lommel. C’est comme un rêve pour moi de faire trois Grands Prix à Lommel ! » , reconnaît-il volontiers. Pour autant, cela suffira-t-il pour qu’il réduise l’écart avec Tom Vialle ? Réponse dans le prochain MX Magazine ou sur www.motoverte.com !

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L’année avait bien démarré avec un succès en GrandeBret­agne. Depuis, Vialle a pris l’ascendant…
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