Le trawler indémodable
Le style Nordic Tugs ne dévie pas d’un fil. Conservateur dans l’âme, le chantier de la côte ouest, créé en 1979, continue de produire une gamme restreinte de ses fameux trawlers inspirés des remorqueurs des années 30. A Miami, nous sommes tombés sous le charme du nouveau 44 pieds.
L’histoire de Nordic Tugs ressemble à une success story comme l’Amérique des entrepreneurs est capable d’en produire. Au milieu des années 70, la crise pétrolière bat son plein. Jerry Husted, propriétaire d’un chantier naval à Seattle, se dit que le moment est venu d’imaginer un petit bateau à moteur habitable à faible consommation et grande autonomie. Hors de question cependant de faire du Grand Banks. Il a alors une sorte de révélation : pourquoi ne pas créer un trawler avec un look de tugboat (remorqueur) des années 30. La silhouette «Little toot», du nom d’un célèbre dessin animé, est connue de tous les plaisanciers américains. Cela devrait marcher ! Avec son complice, l’architecte na- val Lynn Senour, Jerry conçoit un trawler à carène à semi-déplacement d’à peine 26 pieds qui fait ses débuts en janvier 1980 au Seattle Boat Show. «Nous espérions en vendre trois au cours du salon, confiait-il, mais ce fut une commande toutes les trois heures pendant 10 jours. A la fin du mois, 52 Nordic Tugs 26 étaient signés !» C’est le début d’une belle saga qui se poursuit aujourd’hui 37 ans après le lancement du 26 pieds. D’autres modèles ont été créés, toujours dans le même esprit. La gamme se concentre sur quatre tailles de bateaux qui ont évolué au fil des ans. Si le 26 pieds a pris sa retraite à la fin des années 90, il a été remplacé par un 34 pieds, plus en phase avec un marché qui plébiscite désormais les grandes tailles. Suivent un Nordic Tugs 40,
44 puis 54. Le 26, le 40 et le 49 sont disponibles sur demande. Les modèles ont comme point commun d’être exclusivement équipés d’un monomoteur. Pour autant, les Nordic Tugs sont les précurseurs du concept SwiftTrawler cher à Bénéteau.
Des évolutions toujours discrètes
La carène à semi-déplacement conçue par Lynn Senour navigue aussi bien sur un mode éco à 6/ 8 noeuds pour une conso d’environ 8/10 litres qu’à 14/15 noeuds, voire 18 en pointe pour certains modèles comme le 44 pieds. Ce petit dernier sorti en 2016 est le remplaçant du Nordic Tugs 42, le
plus populaire de tous. Comme toujours chez le constructeur de Burlington, les évolutions sont discrètes afin de ne pas dérouter les aficionados de la marque : le cockpit est légèrement allongé tandis que la timonerie hérite d’un nouvel agencement avec une cuisine en U qui s’appuie sur la cloison séparant l’espace du pilothouse. Pour le reste, le propriétaire a droit à deux cabines : l’une à l’avant, l’autre sur le flanc bâbord avec lits superposés. Il n’y a qu’une seule salle de bain à bord du 44 pieds, juste derrière la table à carte logée sous l’escalier qui conduit au poste de pilotage. Les aménagements sont spacieux, étudiés en priorité pour des plaisanciers ayant l’habitude de naviguer
en couple. Aux Etats-Unis, on passe du temps à la marina ou sur les fleuves et canaux, et de ce fait le Nordic Tugs est pensé comme un petit appartement tout confort.
Un chantier atypique
Ceux qui ont l’oeil noteront l’excellent travail de menuiserie en acajou sapelli qui n’a rien à envier aux meilleures productions asiatiques. Les rideaux aux grandes fenêtres latérales donnent un côté désuet à l’ensemble mais chacun fera en fonction de ses goûts. A l’extérieur, le chantier est peu partisan du plancher teck auquel on préfère un traditionnel sol antidé-
rapant qui est davantage dans l’esprit du bateau. Il permet d’héberger une grande annexe qui rend la grue hydraulique indispensable. Cette vaste surface était complétée sur notre modèle par un fly optionnel légèrement surélevé qui se résume à un pupitre de pilotage et une banquette en L. Les amateurs de croisière fluviale feront probablement l’impasse sur cette option qui augmente sensiblement le tirant d’air. Sur l’eau, le Nordic Tugs 44 se comporte comme un authentique trawler jusqu’à 10/ 12 noeuds. En poussant le 8,3 l Cummins de 540 ch (le Volvo D11 de 510 ch est la motorisation standard), la vitesse au régime maxi atteint les 18/19 noeuds. A
ce rythme, le pilote doit composer avec une carène fortement quillée et être habile dans le réglage des flaps malgré la présence d’un gros redan. En vitesse de croisière élevée, le rythme sera plutôt de 14/ 15 noeuds. Chantier totalement atypique sur un marché du trawler où l’Asie assure le gros de la production, Nordic Tugs joue de cette originalité avec talent. La marque a une image très positive aux Etats-Unis qui absorbent 90 % des ventes. Depuis la fin des années 2000, tous les bateaux sont homologués CE. Les prix sont bien placés, un peu moins il est vrai depuis la remontée du dollar. Il reste néanmoins notre coup de coeur du salon de Miami 2017.