GREENLINE 39 L’hybride superstar
Le Greenline 39 signe le retour au premier plan du chantier slovène, pionnier de la propulsion hybride. Décliné avec ou sans moteur électrique, le concept réactualisé se montre toujours aussi séduisant.
Notre vedette se faufile sur la pointe des pieds entre les bateaux au mouillage. À bord, il faut prêter l’oreille pour écouter le chuintement discret produit par l’hélice. L’instant est jubilatoire. On s’amuse à observer la surprise des autres plaisanciers qui ne nous ont pas vus venir. C’est l’un des petits plaisirs des adeptes de la propulsion électrique : naviguer sans faire de bruit à 4 ou 5 noeuds dans des lieux d’exception comme ici, le long de la plage Notre-Dame à Porquerolles. Depuis sa création en 2009 par les architectes Japek et Jernej Jakopin, Greenline a fait de la propulsion hybride sa marque de fabrique. Le chantier slovène s’est rapidement imposé sur le marché comme un spécialiste de l’intégration électrique associant moteur thermique, génératrice, parc de batteries et panneaux solaires. Longtemps seul sur ce créneau, Greenline a créé un véritable concept de vedettes de croisière économes, autosuffisantes en énergie au mouillage, faciles à vivre et proposant des solutions d’aménagements originales que l’on n’avait pas l’habitude de voir sur des unités de 10/12 mètres. Le tableau arrière basculant, la cuisine ouverte sur le cockpit ou la cabine avant avec lits papillons sont autant d’idées qui ont été largement reprises par d’autres constructeurs. Le succès de la marque fut phénoménal, tout au moins dans les premières années avec notamment 300 Greenline 33 vendus à ce jour. Le bateau est devenu une star
sur le lac de Constance où plus d’une cinquantaine de modèles a été vendue. Si les pays du Nord, qui ont davantage la fibre écologique, sont les meilleurs clients du constructeur slovène, les Greenline 33, 40 et 48 naviguent nombreux dans le sud de la France où le distributeur historique Evasion Yachting, à Saint-Mandrier (83), a toujours cru au concept.
Les frères Jakopin aux manettes
Davantage créatifs que bons gestionnaires, les frères Jakopin ont toutefois connu quelques déboires financiers qui ont conduit la société à la faillite (lire l’encadré cicontre). Mise en veilleuse durant deux ans, la production a été relancée en 2016 après le rachat de l’entreprise par l’agent russe de la marque qui a remis les comptes d’équerre. Greenline est de retour, qu’on se le dise, avec plusieurs nouveaux modèles dans les starting-blocks. Le premier 39 pieds, dévoilé au salon de Düsseldorf en janvier dernier, est arrivé à SaintMandrier courant mai, suivi d’un second. L’un est en version hybride, l’autre 100% thermique. Ceux qui connaissent bien le concept ne seront pas dépaysés. Le Greenline 39, baptisé un temps Greenline 36, reprend tous les grands principes du concept inté- grés dans une enveloppe remise au goût du jour. Le cabinet d’architectes J&J Design des frères Jakopin est toujours à la manoeuvre. Ce sont eux qui ont imaginé la carène du 39 pieds, mieux défendue et plus tulipée que les précédents modèles, 33 ou 40. Le bateau est toujours à son aise quel que soit son rythme de
croisière, qu’il navigue à 7 ou 20 noeuds, mais la coque est davantage porteuse. Certains diront qu’elle est aujourd’hui un peu plus maritime que fluviale, bien que les Greenline aient toujours été homologués en catégorie B. On notera la disparition de la belle ferrure inox à la poupe, côté tribord, qui servait de protection à l’ancre, comme sur les yachts. Elle est remplacée par un solide davier, façon delphinière, permettant de conserver l’ancre à poste. Le travail de la chaîne dans l’axe du bateau sera sans nul doute plus efficace. Quant au profond puits de chaîne, les équipiers pourront continuer à y stocker la majorité des défenses en navigation. Côté mécanique, le chantier a définitivement abandonné le Cummins 165 ch (exVolkswagen) au profit d’un 220 ch Volvo D3. C’est ce bloc compact de 2 400 cm qui est désormais associé au moteur électrique allemand Mahle pour ceux qui font le choix de l’option hybride. Le système a été perfectionné par rap-
port à l’ancienne génération mais c’est le même principe : en mode thermique, le moteur électrique couplé au 220 ch fonctionne comme une génératrice (7 kW) qui va permettre de recharger le parc de batteries lithium en moins de 90 minutes. En mode électrique, le moteur Mahle se désengage du bloc Volvo et assure seul la propulsion. Un simple actuateur, sorte de circuit muni d’une pompe à huile, permet de séparer ou relier les deux moteurs. Contrairement à la voiture hybride, le passage d’un mode à un autre n’est pas automatique. Il faut stopper le moteur principal pour enclencher l’électrique en tournant le bouton sélecteur placé sur le tableau de
bord. Un rapide coup d’oeil à la cale moteur témoigne des progrès et des améliorations réalisés par la technologie hybride. La taille du boîtier électronique qui gère le dispositif a été divisée par quatre. Son refroidissement par eau de mer a été remplacé par un circuit interne plus efficace pour éviter toute surchauffe de ce « cerveau » ultra-sensible. La fiabilité semble être au rendez-vous.
Moins de 6 noeuds en électrique
Avec le Greenline, naviguer au moteur électrique est une expérience formidable. La fonction joue pleinement son rôle au port ou à l’approche d’une crique. Une utilisation sur lac, bras de mer, fleuve ou canal est tout à fait appropriée. Il sera cependant difficile de lui en demander plus. Développant une puissance de 10 kW, soit l’équivalent de 14 chevaux-vapeur, le moteur Mahle n’est pas en mesure de propulser les 7,5 tonnes du Greenline 39 à plus de 5,5 noeuds. Encore faut-il que les conditions soient parfaites (mer plate et vent nul). À ce rythme, l’autonomie sera d’environ une heure, mais de quatre si l’on réduit la vitesse d’un noeud.
Si plus de sept clients sur dix devraient opter au final pour la version hybride (c’était le cas pour le Greenline 33), les autres se tourneront vers du 100% thermique. Le Greenline 39 est disponible exclusivement en monomoteur, contrairement au 40 pieds qui ne propose que de la bimotorisation. Avec le 220 ch, hybride ou pas, la vitesse de pointe culmine à 16 noeuds. Nous sommes ici sur un programme davantage trawler avec une vitesse de croisière d’environ 11 noeuds pour une conso moyenne super économique de 20 l/h. Les amateurs de croisière à dominance fluviale et côtière s’en contenteront largement. L’option 370 ch Yanmar est plus polyvalente mais n’est pas compatible avec l’hybride. Elle offre néanmoins la possibilité de naviguer à plus de 20 noeuds tout en conservant une conso raison- nable. Le bloc japonais est proposé de série avec un trolling valve, plébiscité par les pêcheurs. On affine au tour près le régime moteur à l’aide d’un simple bouton. Pour les manoeuvres de port, deux propulseurs avant (standard) et arrière (en option) viennent épauler un moteur qui a du couple à revendre.
Batteries au lithium ou batteries sèches
Le modèle conserve en outre le même dispositif énergétique que le Greenline hybride. Seul change ment notoire, le parc de batteries lithium a été remplacé par six super batteries AGM de 120 A, sèches et sans entretien. Car l’autonomie au mouillage, c’est l’autre grand credo du Greenline 39. Sur le toit, les quatre panneaux photovoltaïques d’un total
La version équipée du 370 ch dépasse allégrement la barre des 20 noeuds.
de 1 200 W génèrent assez d’énergie pour recharger les batteries et subvenir aux besoins domestiques en croisière. La capacité électrique du bord est suffisante pour alimenter le grand réfrigérateur de 220 l, le four ou la plaque à induction ou le lave-vaisselle (en option). Idem pour la climatisation réversible Daikin (en standard), de type pompe à chaleur, refroidie par air et beaucoup moins énergivore qu’une clim classique. Enfin, si l’on ajoute la présence d’un chargeurconvertisseur de 3 kW qui peut fournir du 220 volts à toute heure, c’est presque aussi bien qu’à la maison ! L’agencement intérieur est calqué sur celui du Greenline 40. La cuisine fait la liaison entre le cockpit et la timonerie. Elle est plutôt bien pourvue : placards suspendus, plan de travail équivalent
à du Corian, rallonge pour agrandir la surface. Plus en avant, le carré bénéficie de nouveaux hublots panoramiques. Double toit ouvrant et porte coulissante côté pilote favorisent une excellente ventilation de l’habitacle (la clim de série est-elle, tout compte fait, si nécessaire ?).
Deux cabines et une salle de bains
La partie couchage n’a pas changé : une cabine d’invités sur le côté tribord, une grande salle de bains (superbe cabine de douche) et une cabine avant particulièrement appréciée pour sa ceinture de hublots au ras du pont et ses fameux lits en ciseaux. Tout cela est bien agencé et sans complication. Greenline a fait un effort sur la menuiserie (deux essences chêne et teck au catalogue). Son assemblage reste cependant relativement basique mais convient bien à l’esprit sans fioritures du bateau. Pour obtenir un volume équivalent au Greenline 40, il a fallu « pousser les murs ». Avec un demi-mètre en largeur de moins (3,75 m contre 4,23 m), les designers ont conçu un plan de pont asymétrique réduisant le passavant bâbord à la portion congrue. C’est un peu déroutant au début, surtout pour aller nouer les défenses au balcon. Il y a aussi des avantages. Le cockpit s’équipe désormais d’une banquette sur bâbord qui faisait défaut sur le 40 pieds. Greenline en profite pour y dissimuler l’appareil de climatisation. À l’heure du mouillage, le tableau arrière basculant, qui se convertit en plage de bains, demeure un must. Même Bénéteau a fini par copier ce dispositif d’une simplicité extrême pour ses Swift Trawler 30 et 35 ! Petite amélioration à noter : une courte plateforme fixe rend l’accès à la mer plus pratique. On peut même
envisager de s’en servir pour supporter une annexe en position verticale.
Une vedette de croisière compacte
Résultat des courses ? C’est une vedette de croisière compacte, toujours aussi bien pensée, qui respecte parfaitement l’ADN du chantier. À l’évidence, il n’y a plus l’effet de surprise qu’a pu provoquer en son temps la sortie du Greenline 33 ou du 40 Hybrid. Pour autant, le 39 pieds est un choix logique pour tous ceux qui placent le profil écologique, la maîtrise de la consommation et l’autonomie en croisière au sommet de leurs priorités.