Salicorne au pays du porto
Après l’Ecosse, l’équipage de Salicorne, un Swift Trawler 44, est parti de Bretagne à la découverte des rias espagnoles et des côtes portugaises. Un périple de plus de 1 700 milles réalisé sans encombre en dépit d’un désagrément de dernière minute…
Au départ, les choses s’annonçaient un petit peu compliquées… Enchantés par leur croisière écossaise réalisée lors de l’été 2016 à bord de leur Swift Trawler 44 (Neptune n°250), Damienne et Christian rêvaient de découvrir l’année suivante les rias espagnoles et descendre jusqu’au Portugal. « Mais là, il fallait se rendre à l’évidence... C’était un peu loin avec un canard boiteux comme second », explique Damienne en introduction de son journal de bord. Handicapée depuis le mois de mars par un problème au genou l’empêchant de marcher normalement, elle craignait de devoir priver son capitaine de mari de nouvelles navigations lointaines. C’était sans compter sur les liens d’amitiés tissés lors du périple écossais ! Propriétaires d’un Ovni 390 – un voilier de voyage en aluminium – amarré depuis le mois de juin dans le port de Viveiro, en Espagne, Michèle et Dominique se proposent d’accompagner notre couple de trawléristes pour le début de la croisière.
Halte culturelle à Bilbao
Plus question de tergiverser dans ces conditions et voilà l’équipage s’affairant début juillet sur les pontons de Loctudy pour les derniers préparatifs. Du côté de la salle des machines, la présence d’un peu d’eau de mer inquiète Christian. Vérification faite par le mécanicien de chez Volvo, il s’agit d’une fuite sur une pompe d’eau de mer. Problème, après démontage et révision, il y a toujours de l’eau dans la cale le lendemain. Après une journée à chercher l’origine de la fuite, Christian s’aperçoit que l’anode changée avant la mise à l’eau n’a pas été suffisamment serrée. Voilà la responsable ! Pas question de sortir le bateau pour si peu, un plongeur se charge de la resserrer. Avant le départ, Damienne découvre aussi les difficultés que rencontrent les personnes à mobilité réduite. « Nous avons loué un fauteuil léger, bien adapté pour le ranger dans la cale du bateau , témoigne-t-elle. Mais, en ville, on se rend vite compte que peu de choses sont adaptées au handicap. » La question est maintenant de savoir quelle route emprunter pour tra-
verser le golfe de Gascogne. « Étant abonné à Météo Consult, nous consultons un prévisionniste avant de partir. Compte tenu de la houle, celui-ci nous conseille de longer les côtes plutôt que d’effectuer une traversée directe », se souvient Damienne. Une première étape, 164 milles tout de même, mène ainsi Salicorne jusqu’à La Rochelle. L’occasion de saluer Gilles Guichaoua, président du Club Trawler, ainsi que son épouse. La seconde étape est encore plus longue, avec 187 milles à parcourir pour rallier Getxo, le port de Bil- bao. Mer houleuse, ciel gris, la navigation n’est pas des plus agréables. Une journée de récupération dans la plus grande ville du Pays Basque ne sera pas de trop pour découvrir le musée Guggenheim, conçu par Frank Gehry.
Retrouvailles d’équipage
L’un des buts des périples de Damienne et Christian étant de découvrir les alentours de leurs escales, ceux-ci privilégient les ports aux mouillages. Gijon, puis Viveiro, sont ainsi ralliées sur une mer houleuse et en traversant des bancs de brume, « qui ne sont pas sans nous rappeler notre croisière écossaise de l’an dernier », soupire Damienne. Heureusement, le soleil finit par pointer le bout de son nez au moment où Dominique et Michel
retrouvent leur Ovni. Les équipiers changent de bateau, mais le voilier continuera de naviguer de conserve avec le Swift Trawler 44. Un bel exemple des liens existants entre trawléristes et voileux !
Bienvenue aussi aux étapes culinaires
Après une visite en voiture de la région, notamment la ria de Cedeira et celle de la ville d’El Ferrol, qui n’est pas sans rappeler Toulon avec son arsenal et ses bateaux de guerre, cap est mis sur La Corogne sur une houle croisée de près de trois mètres. La mer se renforce encore au niveau du cap Ortegal. Le capitaine accélère à onze noeuds, histoire de mieux épouser la fréquence des vagues, avant de redescendre à huit noeuds en entrant dans la ria de La Corogne. Les vieilles rues pavées et étroites de la capitale galicienne, son animation, en font une escale très appréciée. Une navigation en Galice, c’est aussi l’occasion de réaliser des étapes culinaires de choix. Comme dans la ria de Camarinas, à une cinquantaine de milles de La Corogne, où le chef du Yacht Club
invite les quatre plaisanciers à prendre place dans la salle d’honneur et leur sert une somptueuse paëlla. La descente de la côte espagnole se poursuit sans encombre au rythme de petits ports tranquilles. « Parmi les étapes incontournables lors d’une croisière dans la région, je citerai Cambarro », souffle Damienne. « Il s’agit d’une vieille ville historique où d’anciens silos à grains taillés dans le granit s’alignent à même le long du front de mer. Certains sont transformés en restaurant. C’est un décor surprenant. » Peu d’îles jalonnent les côtes galiciennes, à l’exception des îles Cies. Avec leurs plages de sable blanc et leur végétation luxuriante, cellesci sont souvent présentées comme de véritables enclaves méditerranéennes au coeur de l’Atlantique. La dernière escale espagnole se fait à Baïona, « une belle ville, avec un superbe château transformé en parador dominant le port et, à ses pieds, une reconstitution de la caravelle de Christophe Colomb ».
Une météo très capricieuse
L’Atlantique est fidèle à sa réputation pour couvrir les 66 milles menant jusqu’à Porto. Pluie, forte houle et bancs de brume sont au
programme mais l’un des objectifs du voyage est atteint. La visite de la ville occupe l’équipage pendant plusieurs jours avant d’organiser la partie fluviale de la croisière.
Des vignes, des forêts et des écluses
« Ce ne fut pas une mince affaire. D’abord parce que nous ne parlons pas le portugais, mais aussi parce que la gestion de la navigation sur le Douro vient d’être privatisée et que l’accès du fleuve pour les bateaux de tourisme n’est pas encore organisé. » Heureusement, la capitainerie et la société de location Feeldouro (voir Neptune n°221) aident l’équipage à effectuer effec les formalités, qui comprennent pren la réservation de passage aux écluses à heures précises. Damienne D et Christian retrouvent leurs équipiers et accueillent de nouveaux convives pour cette croisière fluviale. Salicorne serpente tranquillement au milieu des vignes vig et des bois qui encadrent les berges b du fleuve et franchissent les quelques q écluses du parcours, notamment nota celle de Carrapatelo, haute hau de 35 mètres, record d’Europe ! À mesure de la remontée, le fleuve fl se fait plus encaissé et les vignobles plus denses. Bienvenue au pays du porto ! Mais déjà il s’agit de faire demi-tour afin de retourner vers l’Atlantique et entamer le retour vers la Bretagne. Damienne laisse Christian en compagnie de Dominique, qui laisse son Ovni à Porto en vue d’effectuer une traversée de l’Atlantique en novembre. Un retour que Christian souhaite rapide, en faisant de grandes étapes et en se fiant aux analyses du prévisionniste de Météo Consult. Petite tracasserie à résoudre avant de quitter Porto : Salicorne ayant été abordé
par le skipper d’un catamaran en raison du fort courant dans le port, l’incident a arraché un bout de liston en rayant la coque. Parti le 13 août de Porto, Loctudy est atteint le 20 août. Avec, au passage, une étape longue de 247 milles entre Gijon et La Rochelle, réalisée dans des conditions de rêve. Le trawler sort de l’eau une semaine plus tard pour rejoindre son hangar d’hivernage. En inspectant la coque, Christian a la surprise de découvrir le filin d’un casier dans une hélice et un morceau de filet de pêche dans l’autre... Heureusement que le coupe-orin a joué son rôle. Ceci dit, rien de bien grave après un périple de 1 711 milles et près de trois mois de croisière !