Visite du chantier Sirena
Catalogue en croissance, carnets de commandes pleins, moyens industriels et financiers considérables, projets multiples… Membre d’un important groupe industriel turc, Sirena Yachts affirme son ambition. Et possède les moyens de l’assouvir.
Depuis la marina de Yalova, dans la grande banlieue d’Istanbul, l’autoroute moderne file à travers le verdoyant paysage vallonné de la côte turque d’Asie Mineure. C’est à la périphérie d’Orhangazi, petite ville située à 25 kilomètres du littoral, que se dressent les imposants bâtiments du chantier Sirena Marine. Un ensemble de 155 000 m 2 parfaitement organisé, à une bonne heure de route de Bursa, grand centre industriel automobile où sont implantées les usines de nombreux constructeurs européens, tels Renault ou Fiat. Soit une proximité géographique assez logique pour un chantier naval intégré à Kiraça Holding, un acteur important de l’industrie automobile turque. Si aujourd’hui le nom de Sirena est encore peu connu sur les côtes occidentales, l’entreprise est pourtant un acteur qui compte dans le yachting international.
En partenariat avec Azimut
En 2006 est signé un partenariat avec le groupe Azimut-Benetti, qui délocalise en Turquie la production des Azimut 38, 40, 42 et 55, ainsi que du Magellano 43. L’accord se transformera par la suite en joint-venture en 2008, à parts égales entre le Turc et l’Italien. En parallèle, Sirena Marine lance ses propres gammes de voiliers, avec les marques Azurée et Euphoria Yachts, et collabore avec de prestigieuses signatures du yachting international, tel German Frers, pour s’assurer du succès commercial de ces bateaux haut de gamme. Au total, plus de 350 unités sont déjà sorties des ateliers de Sirena Marine. Soit 250 yachts à moteur (dont 90 bateaux pour le compte d’Azimut) et 100 voiliers. C’est sans doute cette expérience et la légitimité tirée de cette collaboration avec le groupe italien et avec German Frers, qui ont poussé Sirena Marine à créer sa propre gamme de motoryachts, Sirena Yachts, concrétisée à Cannes 2017 avec la présentation du Sirena 64. Avec de telles origines, comment
s’étonner du fort lien de parenté qui existe entre les lignes, le concept et l’esprit des Sirena Yachts et de la collection très réussie des Magellano, déclinés, rappelons-le, en 43, 53, 66 et 76 pieds...
Un effet de gamme assumé
Pour s’assurer du même effet de gamme, le « cousin turc », le Sirena 64, est immédiatement complété par un 58 pieds, en attendant un prochain navire amiral de 85 pieds, qui sera suivi d’un Sirena 76. « Forcément, le chantier Azimut ne fut pas satisfait d’apprendre que nous commercialisions nos propres gammes d’explorer », reconnaît Tanil Surmeli, chargé du développement produit. « D’autant que, pour eux, il n’est pas intéressant économiquement de construire en Italie des unités mesurant moins de 50 pieds. Et que nos modèles Sirena sont 10 à 50 % moins chers que les Magellano. J’ajoute que notre Sire- na 58 offre 30% d’espace en plus que le Magellano 53 », revendique dans un anglais parfait le jeune ingénieur naval. Un discours assez direct, qui est appuyé par une transparence totale du chantier
dans la visite que nous avons faite des ateliers de fabrication, organisée pour la presse européenne au mois d’avril dernier. Rien ne nous fut caché, et nous avons pu prendre toutes les photos que nous voulions. Une chose assez rare dans l’industrie nautique, où le culte du secret (souvent de polichinelle, il faut bien le dire) atteint chez certains concurrents d’Europe occidentale un niveau élevé de paranoïa.
Un haut niveau technique
Une de nos grandes surprises fut de constater que, malgré le lancement de Sirena Yachts, le chantier continue de produire des Magellano 43 « Le contrat avec Azimut est effectif jusqu’en septembre 2018. A cette date, nous ferons un point pour savoir s’ils veulent continuer à produire ce modèle déjà ancien, ou pas », souligne Sirena. Une autre surprise fut de constater le haut niveau technique et industriel de cette usine qui emploie 500 salariés. Tous impeccablement vêtus de blouses siglées Sirena Marine, munis de tous les équipements
de protection et de sécurité en vigueur dans l’Union Européenne (masques, casques, outils de protection sonore et visuelle), les ouvriers sont capables d’intervenir sur l’ensemble des lignes de fabrication, qu’elles délivrent des Magellano ou des Sirena, des Azurée ou des Euphoria. Le rythme de travail quotidien est ici de neuf heures. Et la performance de l’organisation et de l’outillage industriel n’a semble-t-il rien à envier aux meilleurs sites de productions automobiles actuels.
Une customisation poussée
Les outils industriels « maison » permettent, quant à eux, une customisation très poussée des bateaux. Placardées au mur, sous les drapeaux turcs et les portraits d’Atatürk, les fiches de performances, contrôle de qualité et absentéisme, ainsi que les courbes de consommation et de production attestent du contrôle pointilleux des cadences de travail. Sur les 15 hectares de superficie du chantier, les bureaux occupent les bâtiments d’une ancienne usine
d’allumettes. Tous les autres halls ont été construits après 2006, date de création de Sirena Marine. Les lignes de production sont situées dans quatre immenses halls, mesurant chacun 90 m de long, 16 m de large et 13 m de haut. Dans le Hall 1 (dédié aux Magellano) et dans le Hall 3 (modèles Sirena) sont entreposés les moules des structures coques, pont, fly-brige.
De très importants investissements
De multiples tuyaux raccordés aux bombonnes témoignent que s’opère là le process d’infusion sous vide. Le chantier peut produire jusqu’à 90 bateaux par an. Selon les données qui nous ont été communiquées lors de la visite, 13 Magellano 43 et 24 Sirena (14 Sirena 58 et 10 Sirena 64) ont été construits, ainsi que 14 grands voiliers (10 Azurée et 4 Euphoria). Soit un total de 45 unités fabriquées en 2017. Face aux ateliers de production se situent deux autres immenses halls. Dans cette usine, où une très grande partie de la conception des pièces est faite maison, l’un de ces ateliers est en- tièrement dédié au polissage, un autre est dévolu à l’ébénisterie, ainsi qu’aux ateliers de couture des selleries et des vaigrages. « La puissance industrielle de notre groupe nous permet de réaliser en interne la quasi totalité des matériaux et des équipements nécessaires à la fabrication de nos bateaux : les gel-coats, bien sûr, mais aussi les boiseries, les ponts en teck, les vitrages ou l’acier », indique à Neptune, dans un français parfait, Ali Onger, le directeur commercial de la marque. Intégrée au Groupe Kiraça, l’usine d’Orhugazi produit pour Sirena Marine, mais également pour les activités automobiles du conglomérat. Ainsi, les ateliers de soudure et de polissage sont dévolus, selon les charges de travail de chacune, aux besoins du chantier naval ou du secteur automobile. Sirena Marine a beaucoup investi pour lancer la gamme Sirena Yachts, et commence à faire cette année des bénéfices, nous assuret-on en interne – l’appui financier et industriel du groupe facilitant les choses. Le jeune chantier a les moyens techniques et économiques de son ambition.
D’ambitieux projets pour le chantier
Alors qu’une partie des ateliers d’Orhangazi a été agrandie, et d’autres rénovés, Sirena projette de s’implanter dans un second chantier, à Tuzla, pour le futur Sirena 85, qui devrait être lancé en 2019. C’est également à Tuzla, la « Mecque » du yachting turc, que serait réalisé un modèle de 76 pieds, prévu pour 2020. L’ambitieux Sirena Yachts devrait ensuite développer une Super Yachts Line, avec des unités de 38 m, 42 m et 50 m.