La vitesse dans la peau
Dépasser 150 noeuds en toute sécurité à la barre d’un luxueux tender de 50 pieds, tel est le pari pour le moins audacieux d’un fana de vitesse installé à Carry-le-Rouet (13). Présentation en détail d’un bateau susceptible « d’apporter une nouvelle dimension à la navigation » selon son concepteur.
Faisons preuve d’imagination l’espace d’un instant. La scène se déroule au large de la Côte d’Azur. Un tender de 50 pieds en carbone file à plus de 150 noeuds en glissant à la surface de l’eau tout en offrant un confort total à ses passagers. Science-fiction ? Peut-être plus pour longtemps à en croire Vincent Willemart. « Je vais concrétiser mes rêves avec ce bateau », explique cet entrepreneur passionné de navigation à vive, et même très vive allure, en nous dévoilant les premières esquisses de son prototype dans une brasserie
aixoise. Pro- priétaire depuis plusieurs années d’un X4, un catamaran propulsé par deux blocs EFI Mercury Racing 2,5 basé à Carryle-Rouet (13), ce solide gaillard a pour habitude de parcourir jusqu’à 200 milles en un week-end à 75 noeuds de moyenne ! « Passer beaucoup de temps sur l’eau m’a permis de collecter un grand nombre d’informations sur la navigation à haute vitesse.
Petit à petit, j’ai fait évoluer mon bateau en corrigeant certains éléments. Ce nouveau catamaran sera l’aboutissement d’une longue réflexion. » Mais de quoi parlons-nous au juste ? Bagheera, le premier modèle livré par la marque King Boat, sera un catamaran de 15,39 m de long par 4,80 m de large pensé pour « naviguer à plus de 100 noeuds en toute sécurité » d’après son concepteur. Concentré de haute technologie, ce modèle se distinguera notamment par la position de ses moteurs. Ceux-ci, situés dans les deux « patins », se trouve- ront en effet quasiment au centre du bateau. « C’est bien joli de vouloir aller très vite mais encore faut-il s’assurer de rentrer vivant », souligne notre homme. « En avançant les moteurs de la sorte, on déplace au maximum le centre de gravité vers l’avant. Ce qui donne la garantie que le bateau ne pourra pas se retourner à haute vitesse. Je n’en peux plus de voir sur YouTube que des gens se tuent à bord d’offshores. Aujourd’hui, au-delà de 100 noeuds, vous risquez la mort à bord de ce type de bateaux. »
Un très haut niveau de sécurité
Les lignes de Bagheera ont naturellement dû être adaptées au positionnement, pour le moins atypique, des machines. Les bordés présentent ainsi des formes concaves sur tout le tiers arrière du navire, ce qui explique en grande
partie son aspect très évasé. Vincent Willemart explique aussi le très haut niveau de sécurité du bateau par le fait que la puissance des moteurs ne sera pas intégralement exploitée pour franchir la barre très symbolique des 100 noeuds. Le catamaran, dont le déplacement lège ne devrait pas excéder six tonnes, sera en effet propulsé par deux moteurs Mercury Racing développant chacun une puissance de 1 750 chevaux.
Un domaine de haute précision
Autant dire que les deux blocs seront encore loin de tourner à plein régime pour atteindre le seuil de vitesse annoncé... « Il faut bien comprendre que nous sommes ici dans un domaine de très haute précision », poursuit-il. Nous travaillons sur cette coque comme cela se fait dans le domaine de l’aéronau-
tique. Vous savez, à partir de la vitesse de 100 noeuds, on ne se sert plus de l’eau pour la direction, mais de l’air, comme sur un avion de chasse. » Et de rappeler que le principe fondateur de ce modèle sera d’éliminer le frottement en glissant sur l’eau, « là où les autres ne font que la pousser ». Pour répondre à de telles exigences, les matériaux et procédés utilisés pour la construction sortent naturellement de l’ordinaire. « Ce sera du cousu main, du sur-mesure », poursuit le concepteur du bateau. La visserie sera ainsi intégralement en titane, comme les safrans ou les parties structurelles du pare-brise en verre fumé. Les hélices comptent aussi parmi les éléments retenant toute l’attention de Vincent Willemart. « Les hélices de surface, entièrement réalisées sur mesure, seront également en titane, un matériau qui présente l’avantage d’avoir le poids de l’aluminium tout en ayant la résistance de l’acier et qui, naturellement, ne se corrode pas. »
Un marché sur la Côte d’Azur
Le créateur de Bagheera insiste sur le fait que les formes des hélices ont été spécialement étudiées pour correspondre à la carène du bateau. « On peut dire que coques et hélices coïncideront pour offrir les meilleures performances possibles. » Il va sans dire que la réalisation de ce type de modèle représente un investissement conséquent... Le coût de revient de Bagheera s’élève ainsi à deux millions d’euros, entièrement pris en charge par son concepteur. « C’est le prix de l’exigence, de la rigueur, de l’exceptionnel. Je veux un modèle irréprochable qui puisse non seulement atteindre 150 noeuds, mais aussi naviguer en toute sécurité à 80 noeuds dans des creux de 1,50 m. Les gens doivent avoir à l’esprit que, si quelque chose doit être fait 1 000 fois pour être bien réalisé, nous le ferons 3 000 fois pour que cela soit parfait. » Après la mise à l’eau du premier modèle et sa présentation officielle, a priori à l’occasion du salon de Monaco 2019, Vincent Willemart est persuadé qu’il existe un marché pour ce modèle, qui sera proposé au prix de trois millions d’euros. « Allez vous balader sur les pontons de Saint-Tropez ou Monaco, vous verrez que les gens fortunés et passionnés de vitesse ne manquent pas. Et puis, avec ce bateau, il ne sera plus nécessaire de prendre l’hélicoptère pour aller de l’aéroport à Saint-Tropez, cela sera plus rapide par la mer ! » Les modèles proposés à la vente seront néanmoins bridés pour ne pas dépasser les 110 noeuds. « Bien sûr, ce n’est pas un bateau que l’on
pourra mettre entre toutes les mains. On ne s’amuse pas à franchir une vague de sillage à ces allures-là. Ce serait comme passer un dos-d’âne avec une Formule 1. »
En phase avancée de développement
Pour le moment, tout ceci n’est qu’un projet couché sur le papier. Celui-ci est néanmoins en phase de développement avancé et sera construit par les soins du chantier Misscat, situé près de Carpentras, qui possède de sérieuses références dans le domaine de la course offshore. Ambitieux pour les uns, irréaliste pour les autres, le premier opus de la marque King Boat n’en a pas fini de susciter des commentaires et de faire couler l’encre. Neptune suivra de près la fabrication du bateau et sa phase de lancement. Affaire à suivre...