L’homme aux mille bateaux
Ancien journaliste, Loic Bonnet a fondé Dream Yacht au début des années 2000 avec une demidouzaine de catas à la location. Dix-sept ans après, il est à la tête d’une flotte de 1 000 bateaux !
Loic Bonnet appartient à cette catégorie d’entrepreneurs globe-trotters qui passent leur vie entre deux avions. «Je voyage 300 jours par an, confiet-il. Le groupe comprend plus de 50 bases de location disséminées sur les cinq continents. C’est un sacerdoce.» On le retrouve en bermuda et tongues, attablé dans un restaurant créole du port du Marin, à quelques mètres de la plus grande agence de Dream Yacht Charter aux Antilles. «Nous avons ici 200 employés fixes et 80 bateaux à la location qui tournent en permanence. C’est une grosse PME au niveau local.» A l’échelle de la planète en revanche, DYC est aujourd’hui le leader du charter avec plus 1 000 unités proposées à la location. La société, qui a été rachetée en partie l’an dernier par Fountaine Pajot et le fonds d’investissements français Nextstage, est aussi le plus gros acheteur de bateaux neufs au monde.
Des rachats tous azimuts
«Chaque année, nous passons commandes de deux cents unités, principalement des catamarans à voile», précise Loic Bonnet, à qui on déroule le tapis rouge à l’entrée de tous les grands chantiers navals français, de Bénéteau en passant par Lagoon Jeanneau, Dufour, Catana et bien sûr Fountaine Pajot. Pour bâtir un tel empire, il faut du culot et de la détermination, des qualités qui ne font pas défaut à notre entrepreneur. Dans ses jeunes années, Loic Bonnet arpente les rédactions de Presse Océan et du Journal du Dimanche comme reporter avant de prendre un poste de chargé de communication et de marketing chez Stardust, le principal loueur français de voiliers qui surfe à l’époque sur les nouvelles lois de défiscalisation. Bonnet participe à l’ouverture d’une base aux Seychelles. C’est le coup de coeur p pour cet archipel à la nature encore intacte et qui s’ouvre tout doucement au tourisme de prestige. Après une incursion chez trader.com, pionnier des petites annonces bateaux sur internet puis chez M Moorings en tant que d directeur, Loic Bonnet pl plaque tout en 2001 pour retourner dans ses îles favorites de l’océan Indien et fonder Dream Yacht Seychelles. La société démarre prudemment avec une poignée de catamarans en charter, dont un Fountaine Pajot à moteur et un Maryland 37 à bord duquel Neptune réalise une croisière sur place en 2004 (n°105). A l’époque, la destination en est à ses balbutiements. L’activité de Dream Yacht décolle. Après trois ans, la start-up prend l’avantage sur ses principaux concurrents, VPM et Sunsail, et devient leader sur les Seychelles. C’est le moment que choisit Loic Bonnet pour lancer sa stratégie de rachat tous azimuts. Il s’attaque tout d’abord aux
destinations charter en devenir comme Nosy Be, à Madagascar, ou Phuket en Thaïlande. Il s’empare ensuite de gros poissons aux Antilles comme Sparkling Charter ou Sea and Sails. Archipel Croisière à Tahiti tombe aussi dans l’escarcelle de Dream Yacht, qui devient un véritable conglomérat du charter. En Méditerranée enfin, il consolide son implantation en rachetant Vernicos Yacht, l’un des acteurs majeurs de la location en Grèce.
A la recherche de nouveaux spots
A chaque acquisition, Loic Bonnet conserve les équipes et la plupart du temps le nom de la marque. «Les compagnies deviennent membres du groupe DYC», précise le patron. En contrepartie, il impose à tous son business model qui a fait ses preuves et qui ne supporte pas l’à-peu-près. Aux Antilles, Bonnet relance la formule de la location à la cabine initiée par Nouvelles Frontières dans les années 1990. Le principe est bien rodé : un catamaran de série, un skipper, une hôtesse et huit clients qui déboursent chacun 1 500 euros pour une semaine de croisière aux Grenadines. «Sur 38 à 40 semaines d’exploitation par an, nous arrivons à un taux d’occupation de 90 %», se félicite le fondateur qui a signé un partenariat avec le voyagiste Promovacances. 14 catamarans au départ du Marin ne sont consacrés qu’à cette activité. Sur le dernier exercice, Dream Yacht a réalisé un chiffre d’affaires de 110 millions d’euros ce qui fait de la société le deuxième acteur français de la plaisance der- rière le groupe Bénéteau. Presque la moitié provient de la vente de bateaux neufs et d'occasion. 50% de la flotte Dream Yacht est en gestion-location, un système avantageux fiscalement, qui permet au client de ne débourser que 35% du bateau neuf à l’achat. «C’est un peu comme s’il achetait ses semaines de location à l’avance, explique Loic Bonnet. Au bout de cinq ans, il repaye 25% du prix s’il veut l’acquérir.» En moyenne, un bateau effectue 180 semaines de location en six ans d’exploitation. «Nous renouvelons en principe 1/5 de la flotte chaque année.» En 2017, Dream Yacht a été confronté aux conséquences du cyclone Irma : 80 bateaux détruits et 200 endommagés ! « Ce sont les aléas du métier.» La page de cet épisode tragique est maintenant tournée. Loic Bonnet a repris son bâton de pèlerin pour dénicher de nouvelles destinations. Des bases ont été récemment ouvertes à Belize et aux San Blas à Panama et il vient de racheter une marina à Sibenik, en Croatie. Il est aussi sur le coup pour l’acquisition d’une marina en Grèce. Insatiable !