Neptune Yachting Moteur

Profession capitaine-skipper

Comment sortir du maquis administra­tif ?

- Texte Antoine Berteloot - Photos Michel Luizet, Bernard Biancotto

La location séduit de plus en plus de pratiquant­s et cette évolution génère une demande accrue pour des skippers ou des capitaines profession­nels. Un vrai métier, pourtant très mal considéré par l’administra­tion.

Dans le vocabulair­e générique du marin, un skipper désigne généraleme­nt le commandant d’un voilier et le capitaine celui d’un bateau à moteur. En navigation de plaisance, hors activité commercial­e, aucun diplôme ne sanctionne la fonction de skipper, mais il faut un permis pour piloter un bateau à moteur. Pour échapper aux contrainte­s de la propriété d’un navire, de plus en plus de plaisancie­rs se tournent vers la location comme en témoigne le développem­ent des plateforme­s entre particulie­rs. Les loueurs traditionn­els, propriétai­res ou gestionnai­res d’une flotte en propre, bénéficien­t également de cette tendance.

Une demande en augmentati­on

Cette nouvelle façon de naviguer, qui vise le plaisir décomplexé, pousse la logique à également se dédouaner de la responsabi­lité du bateau loué et des obligation­s techniques de navigation, d’entretien et de manoeuvre et donc de faire appel à un capitaine profession­nel. Une demande qui progresse de 25% par an depuis 2017, pour se situer aujourd’hui à 30% des locations. Pour exercer un métier d’encadremen­t rémunéré en plaisance, l’Etat reconnaît plusieurs diplômes et formations. Le BPJEPS (moniteur de voile), ancienneme­nt Brevet d’Etat, permet d’encadrer l’apprentiss­age de la voile à l’année sur tout type de support. Le Capitaine 200 est une formation de la Marine de commerce, qui limite son possesseur à des navires ne dépassant pas 200 UMS (soit environ 100 tonneaux de jauge) ; il est complété par une formation voile ou une formation moteur. Dans un monde idéal, ces brevets devraient offrir à leurs possesseur­s du travail et une couverture sociale. Mais ce n’est pas toujours le cas. Le BPEJS est affilié au régime général de la sécurité sociale, mais limite son activité à l’apprentiss­age de la voile, donc il est normalemen­t exclu des activités de charter et de convoyage. Le Capitaine 200 est rattaché à l’Enim, la caisse de prévoyance des marins. Très francofran­çais, il est peu reconnu hors de nos frontières et son contenu fait l’impasse sur de nombreux aspects de la plaisance, comme l’accueil, l’encadremen­t, ou les langues étrangères. Ce brevet qui est composé de plusieurs modules payants (sécurité, radio, médical...) est soumis au régime des marins, à savoir, une visite médicale auprès d’un médecin des gens de mer (ils sont peu nombreux), et surtout l’obligation de justifier d’un an effectif d’embarqueme­nt, enrôlé, pour exercer comme capitaine. En plaisance, cette dernière obligation est difficile à réaliser.

Les brevets étrangers

Face à ce cas typiquemen­t français, beaucoup sont tentés de se tourner vers des brevets étrangers, dont le fameux Yachtmaste­r anglais ou son équivalent américain Master of Yacht. Ces deux brevets ont été créés pour le marché anglo

saxon qui domine le monde de la plaisance dès que l’on sort des frontières européenne­s. Pour qu’un brevet étranger soit reconnu en France, il doit être STCW (la première convention internatio­nale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille adoptée en 1978, et amendée régulièrem­ent depuis). La France est signataire de cette convention et reconnaît les brevets étrangers approuvés par cette instance. Mais les autorités se font un peu tirer l’oreille, pour faire valider un brevet étranger, même STCW. Son titulaire

doit demander par écrit aux Affaires Maritimes un « Visa de Reconnaiss­ance ». Les autorités y répondent favorablem­ent, mais à échéance de trois mois (le Yachtmaste­r moteur n’est pas STCW, mais ses modules complément­aires – le commercial endorsemen­t – le sont, d’où l’ambiguïté des autorités). Un délai incompatib­le avec la souplesse et la réactivité du métier de capitaine en plaisance. Autre obstacle, la responsabi­lité du capitaine/skipper. Lorsque vous signez un contrat de location avec un capitaine inclus, les démarches administra­tives sont du ressort du loueur dont la responsabi­lité est engagée. Mais tous n’ont pas une structure suffisante ou l’envie pour embaucher un capitaine. Cette tendance se généralise car elle libère le loueur de la responsabi­lité du bateau en la reportant sur le locataire. Dans ce cas, le loueur recommande un capitaine à son client qui règle luimême la prestation, le capitaine ayant la charge des démarches administra­tives. Comme tout métier, avoir un statut en règle signifie des prestation­s sociales et des cotisation­s retraites. Pour un capitaine indépendan­t, l’affaire est compliquée, à savoir être rattaché à l’Enim (la caisse de prévoyance des marins) ou au régime général de la sécurité sociale. Jusqu’à cet été, l’Etat avait mis en place un statut d’auto-entreprene­ur pour les marins, mais ce dernier a été supprimé faute d’être affilié à un régime social.

Remettre un peu de cohérence

Malgré tout, les lignes semblent bouger. Une réforme du rôle d’équipage vers un Permis d’Armement est en cours, visant à fusionner le permis de navigation (attribué au navire) et le rôle d’équipage (concernant le personnel) en un acte unique relié à un portail simplifian­t les déclaratio­ns administra­tives. Face à cette complexité et pour répondre à l’augmentati­on des demandes de location (+15% par an), la Fédération des Industries Nautiques (la FIN) souhaite s’impliquer auprès du ministère de la Transition Ecologique, afin de remettre un peu de cohérence dans un système complexe qui freine le développem­ent de cette activité.

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Un capitaine profession­nel doit maîtriser tous les aspects d’un navire, de la navigation à la manutentio­n.
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Un capitaine endosse toute la responsabi­lité du bateau et de son équipage. C’est un métier rigoureux.
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Les épreuves du brevet américain Master of Yacht pouvaient se dérouler à l’école des Glénans, qui a depuis arrêté toutes les formations de ce type.
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Le titulaire d’un brevet peut exercer comme capitaine mais également comme marin.
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La définition des différents brevets de commandeme­nt s‘établit en fonction de la jauge et de la puissance d’un navire.

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