Profession capitaine-skipper
Comment sortir du maquis administratif ?
La location séduit de plus en plus de pratiquants et cette évolution génère une demande accrue pour des skippers ou des capitaines professionnels. Un vrai métier, pourtant très mal considéré par l’administration.
Dans le vocabulaire générique du marin, un skipper désigne généralement le commandant d’un voilier et le capitaine celui d’un bateau à moteur. En navigation de plaisance, hors activité commerciale, aucun diplôme ne sanctionne la fonction de skipper, mais il faut un permis pour piloter un bateau à moteur. Pour échapper aux contraintes de la propriété d’un navire, de plus en plus de plaisanciers se tournent vers la location comme en témoigne le développement des plateformes entre particuliers. Les loueurs traditionnels, propriétaires ou gestionnaires d’une flotte en propre, bénéficient également de cette tendance.
Une demande en augmentation
Cette nouvelle façon de naviguer, qui vise le plaisir décomplexé, pousse la logique à également se dédouaner de la responsabilité du bateau loué et des obligations techniques de navigation, d’entretien et de manoeuvre et donc de faire appel à un capitaine professionnel. Une demande qui progresse de 25% par an depuis 2017, pour se situer aujourd’hui à 30% des locations. Pour exercer un métier d’encadrement rémunéré en plaisance, l’Etat reconnaît plusieurs diplômes et formations. Le BPJEPS (moniteur de voile), anciennement Brevet d’Etat, permet d’encadrer l’apprentissage de la voile à l’année sur tout type de support. Le Capitaine 200 est une formation de la Marine de commerce, qui limite son possesseur à des navires ne dépassant pas 200 UMS (soit environ 100 tonneaux de jauge) ; il est complété par une formation voile ou une formation moteur. Dans un monde idéal, ces brevets devraient offrir à leurs possesseurs du travail et une couverture sociale. Mais ce n’est pas toujours le cas. Le BPEJS est affilié au régime général de la sécurité sociale, mais limite son activité à l’apprentissage de la voile, donc il est normalement exclu des activités de charter et de convoyage. Le Capitaine 200 est rattaché à l’Enim, la caisse de prévoyance des marins. Très francofrançais, il est peu reconnu hors de nos frontières et son contenu fait l’impasse sur de nombreux aspects de la plaisance, comme l’accueil, l’encadrement, ou les langues étrangères. Ce brevet qui est composé de plusieurs modules payants (sécurité, radio, médical...) est soumis au régime des marins, à savoir, une visite médicale auprès d’un médecin des gens de mer (ils sont peu nombreux), et surtout l’obligation de justifier d’un an effectif d’embarquement, enrôlé, pour exercer comme capitaine. En plaisance, cette dernière obligation est difficile à réaliser.
Les brevets étrangers
Face à ce cas typiquement français, beaucoup sont tentés de se tourner vers des brevets étrangers, dont le fameux Yachtmaster anglais ou son équivalent américain Master of Yacht. Ces deux brevets ont été créés pour le marché anglo
saxon qui domine le monde de la plaisance dès que l’on sort des frontières européennes. Pour qu’un brevet étranger soit reconnu en France, il doit être STCW (la première convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille adoptée en 1978, et amendée régulièrement depuis). La France est signataire de cette convention et reconnaît les brevets étrangers approuvés par cette instance. Mais les autorités se font un peu tirer l’oreille, pour faire valider un brevet étranger, même STCW. Son titulaire
doit demander par écrit aux Affaires Maritimes un « Visa de Reconnaissance ». Les autorités y répondent favorablement, mais à échéance de trois mois (le Yachtmaster moteur n’est pas STCW, mais ses modules complémentaires – le commercial endorsement – le sont, d’où l’ambiguïté des autorités). Un délai incompatible avec la souplesse et la réactivité du métier de capitaine en plaisance. Autre obstacle, la responsabilité du capitaine/skipper. Lorsque vous signez un contrat de location avec un capitaine inclus, les démarches administratives sont du ressort du loueur dont la responsabilité est engagée. Mais tous n’ont pas une structure suffisante ou l’envie pour embaucher un capitaine. Cette tendance se généralise car elle libère le loueur de la responsabilité du bateau en la reportant sur le locataire. Dans ce cas, le loueur recommande un capitaine à son client qui règle luimême la prestation, le capitaine ayant la charge des démarches administratives. Comme tout métier, avoir un statut en règle signifie des prestations sociales et des cotisations retraites. Pour un capitaine indépendant, l’affaire est compliquée, à savoir être rattaché à l’Enim (la caisse de prévoyance des marins) ou au régime général de la sécurité sociale. Jusqu’à cet été, l’Etat avait mis en place un statut d’auto-entrepreneur pour les marins, mais ce dernier a été supprimé faute d’être affilié à un régime social.
Remettre un peu de cohérence
Malgré tout, les lignes semblent bouger. Une réforme du rôle d’équipage vers un Permis d’Armement est en cours, visant à fusionner le permis de navigation (attribué au navire) et le rôle d’équipage (concernant le personnel) en un acte unique relié à un portail simplifiant les déclarations administratives. Face à cette complexité et pour répondre à l’augmentation des demandes de location (+15% par an), la Fédération des Industries Nautiques (la FIN) souhaite s’impliquer auprès du ministère de la Transition Ecologique, afin de remettre un peu de cohérence dans un système complexe qui freine le développement de cette activité.