Avoir la zen attitude
Les enfants à bord, les enfants d’abord ! Ce pourrait être le leitmotiv de tous les plaisanciers qui s’apprêtent à partir cet été en croisière avec leur progéniture. Neptune a mené l’enquête, recueillant témoignages et conseils afin que le séjour sur l’ea
Avec ses enfants, François-Xavier a adopté depuis longtemps, à bord de ses bateaux, la zen attitude. Marin expérimenté et père de trois enfants de 14, 10 et 8 ans, il organise chaque année une à deux croisières familiales depuis que l’aîné sait marcher. « Je connais trop d’adultes dans mon entourage, explique-t-il, qui ont été dégoûtés à vie de la pratique du bateau à la suite de mauvaises expériences nautiques durant leur enfance. » Beaucoup se souviennent encore d’un père rouspéteur ou d’un oncle psychorigide qui rendait la vie à bord impossible. « Pour mes enfants, poursuit François-Xavier, je veux que ce soit une partie de plaisir et je souhaite aussi leur donner le goût du bateau. » A l’évidence, les enfants à bord d’un bateau sont le plus souvent une source de bonheur mais parfois aussi de stress et d’inquiétudes chroniques dans la mesure où l’environnement marin n’est pas un espace sans danger. La responsabilité qui incombe aux parents et encore plus aux grands-parents se révèle parfois lourde à porter. A cela peuvent s’ajouter des problèmes bien légitimes de cohabitation intergénérationnelle. Aussi faut-il faire en sorte que tout se passe bien en édictant des règles simples adaptables en fonction de l’âge des bambins. Et en gardant son calme en toutes circonstances. « Keep cool papi ! »
2/6 ANS Un oeil dessus en permanence !
« Un enfant de deux ans qui tombe à l’eau, ça coule à pic. Ça remonte une fois mais pas deux ! » Grandpère à plein-temps au moment des vacances, Gilles, président du Club Trawler, a une approche méthodique de la gestion des enfants sur son bateau. Si ses deux petites-filles de 6 et 4 ans ne sont jamais tombées par-dessus bord, cette éventualité le hante constamment. Alors il prend les devants : « C’est port de la brassière obligatoire à tout moment dès qu’on met un pied dans la marina » affirme le plaisancier basé à Loctudy. Il conseille pour les plus petits le port de gilets dits d’aide à la flottaison moins encombrants que le gilet classique avec col qui limite leurs mouvements et les fait ressembler à des « bibendums ». A bord, Gilles et sa femme Brigitte (surtout elle en navigation !) ont toujours un oeil sur les petitesfilles. Aucun espace n’est cependant interdit. « On peut monter ou descendre du fly à condition de ne pas faire les folles. Cela fait partie de l’apprentissage de la vie à bord. » En manoeuvre, les enfants restent sur le fly, en sécurité, à côté du skipper qui est au poste de pilotage tandis que l’équipière s’occupe des amarres. « Elles ont bien intégré toutes les manoeuvres d’accostage et de mouillage, nous confie Gilles. Pour autant leur intérêt pour le matelotage ou le fonctionnement du bateau restent assez limités. On verra ça dans quelques années. » Pour les occuper au port, les grands-parents ont eu longtemps recours à une petite piscine gonflable que l’on cale sur la plage avant du Swift Trawler 34. La partie de pêche au bord du pon
ton fait aussi partie des activités récurrentes comme rendre visite aux petits copains du bateau voisin. En croisière, au mouillage comme à la marina, il est important d’avoir une plage à proximité. « On en tient compte à chacune de nos escales. » A cet âge-là, le bateau paraît à taille humaine et leur cabine a des allures de cabanes. « Elles se sentent en sécurité à l’intérieur. C’est comme une maison de poupée ! » Le matin et en soirée, c’est jeux de société et coloriage. La banquette de la table du carré devient leur repaire. « Pour les petits-enfants, c’est la surveillance constante et l’inquiétude perpétuelle, nous écrit Damienne, propriétaire avec Christian d’un Bénéteau ST 44. On imagine toujours le pire ! Il faut sans cesse rappeler les règles, ne pas oublier de mettre son gilet de sauvetage dès qu’on quitte le carré. » « Mais le bateau pour les petits c’est un monde adapté à leur taille, confirme la trawlériste, et la découverte de la mer depuis le large et non depuis la plage. »
6/10 ANS On lâche (un peu) la bride
Ça y est ! L’enfant sait nager, ce qui change beaucoup la nature de ses activités à bord. Le port du gilet (automatique de préférence) doit rester la règle pour les plus jeunes sauf bien sûr à l’heure de la baignade. Si les périodes de navigation ne les passionnent toujours pas plus que ça, le mouillage forain est l’instant privilégié réclamé à cor et à cri. Le bateau et ses abords immédiats se suffisent à eux-mêmes. La plage n’est plus indispensable. Les jeux se concentrent autour de l’annexe. « Nous avons pris l’habitude de l’attacher au cul du bateau en lâchant de plus en plus de longueur de bout », raconte François-Xavier. Les plus grands apprennent à se familiariser avec le maniement des avirons et peuvent s’éloigner du bateau. » Sur ce plan, l’utilisation du petit hors-bord est encore proscrite sauf en présence d’un adulte. « Autour de dix ans, on peut commencer à les initier au moteur mais ils n’ont pas toujours la force nécessaire pour tirer sur le lanceur. » L’option moteur électrique type Torqeedo peut se révéler être une bonne solution pour que le jeune gagne en autonomie. Son utilisation est plus simple et moins dangereuse qu’un
moteur thermique. Véronique, deux enfants de 14 et 10 ans, et sept ans de croisière en location avec son mari derrière elle, a investi dans un paddle gonflable. « Mes gamins sont capables de passer des heures dessus sans se lasser. Il permet d’aller explorer les environs, accoster près des rochers et se réfugier dessus en cas de présence invasive d’oursins, la grande terreur de mes enfants avec les crabes ! » En navigation, les trajets doivent être limités de préférence à 2/3 heures par jour, pas plus. Pour les longues traversées équivalentes à un ContinentCorse (100/150 milles de distance), privilégiez quand c’est possible les départs aux aurores lorsqu’ils dorment encore ou les navigations de nuit pour une arrivée à destination au petit matin. Emotions garanties !
10/14 ANS Ils deviennent autonomes
Avant dix ans, l’apprentissage du pilotage est encore laborieux. On a du mal à garder un cap et monopoliser leur attention à la barre ne dure jamais plus d’un quart d’heure. Après dix ans, l’enfant commence à montrer son intérêt pour la navigation. A vous de l’encourager à prendre la barre sous votre surveillance. « C’est le bon âge également pour instaurer
quelques rituels, précise FrançoisXavier, comme la préparation des amarres, la pose des pare-battages, l’utilisation de la télécommande du guindeau électrique ou la mise à l’eau de l’annexe. » Les parents en pleine confiance pourront commencer à leur autoriser la conduite en solo du tender. Sur ce point, les parents scandinaves responsabilisent leur progéniture beaucoup plus tôt que nous. Il n’est pas rare en effet de croiser dans les marinas suédoises des enfants de moins de dix ans, seuls, aux commandes d’un hors-bord. La plaisance est un loisir partagé par la très grande majorité. Cela explique sans doute que les enfants sont initiés dès leur plus jeune âge à la pratique nautique et que le permis bateau n’existe pas chez les Suédois !
14/18 ANS S’adapter à leurs envies
« Y a-t-il une connexion Wifi sur ton bateau, papi ? » Cette question, attendez-vous à ce qu’on vous la pose dès l’embarquement. Pour y faire face, vous avez la possibilité de vous équiper d’une antenne Wifi peu onéreuse qui va permettre de « booster » le hotspot dans les ports ou les marinas. En navigation côtière, les relais 3G/4G amplifient le signal jusqu’à 15 milles de côtes. Enfin, un service internet premium passe obligatoirement par une antenne satellite et un abonnement. Vous aurez alors la reconnaissance éternelle de vos petits-enfants. Damienne et son mari Christian, adeptes des croisières au long cours, aiment à ouvrir grandes les portes de leur ST 44 à leurs petitsenfants âgés de 15 et 18 ans. Pour les grands ados, les tablettes, téléphones, ordinateurs et mini consoles de jeux remplacent souvent les livres et les jeux de société. Ils sont à utiliser avec modération, mais, durant les navigations un peu longues, les grands-parents tolèrent un peu plus qu’en temps normal. Tous ne sont pas cependant accros à leur smartphone et des activités alternatives plus dynamiques peuvent être trouvées. « Sauf exception, la navigation n’est pas ce qui les passionne le plus, poursuit Damienne, surtout si la mer est un peu chahuteuse. Ce qui les intéresse le plus, ce sont les escales au port. Ils ont vite fait de repérer, sur leurs smartphones, les centres d’intérêt de l’étape. Ceux-ci sont variables : il y a la plage et les magasins pour les filles. Déguster une glace sur le port fait aussi partie des rituels. » Pour les garçons, c’est un peu différent. « Notre petit-fils est un passionné de skateboard. Il est passé maître dans
le repérage de parcs de skate. A peine débarqué du bateau, il s’y précipite à vélo, son skate sur le dos. Lors de notre croisière 2019 dans les pays scandinaves, il a ainsi découvert les grands parcs de skate de Copenhague, Göteborg, ainsi que d’autres dans des endroits souvent improbables. Un vrai bonheur !»
Mais pour Damienne, le moment qu’ils préfèrent, quel que soit leur âge, c’est l’apéro du soir. Un moment de liberté pour se jeter sur les biscuits salés, chips et autres cacahuètes, presque à volonté… « La convivialité à bord n’a pas d’âge. » Pour les petits comme pour les
ados, le bateau est aussi une formidable école de la vie. On n’hésite pas à se contenter de l’essentiel. « On économise l’eau, l’électricité, on prend sa douche dans les sanitaires du port, nous confie Damienne. On surveille les marées, on guette la météo. On accepte de vivre dans un espace restreint. Le coucher de soleil devient un spectacle qu’on ne veut rater sous aucun prétexte. Et au final, que de souvenirs, et quelle fierté pour eux d’avoir fait du bateau ! »