DU SUPERTANKER AU SUPERYACHT
LA CRISE PANDÉMIQUE ne semble pas avoir entamé le dynamisme des fabricants de yachts. Jamais il n’y a eu autant de projets dans les cartons. Si Azimut-Benetti, Ferretti, Sanlorenzo qui dominent le secteur ont un carnet de commandes bien rempli pour les deux prochaines années, ils doivent rester sur leur garde. Les leaders doivent faire face à l’afflux de nouveaux acteurs bien déterminés à vendre eux aussi du yacht de qualité sur un marché qui n’est pas aussi extensible qu’on le pense. La majorité d’entre eux ont déjà une forte expérience dans la construction navale… Mais commerciale ! Il s’agit souvent d’illustres chantiers italiens, souvent familiaux, qui souhaitent se diversifier. Les exemples ne manquent pas. Prenons le Cantiere Navale Vittoria créé en 1927 et dirigé par la famille Duò depuis trois générations. Le constructeur basé à Adria, au sud de Venise, produit des bateaux de toutes sortes : des barges pétrolières, des bateaux rapides à passagers, des vedettes militaires. Il lancera en 2022 un yacht de 54 mètres avec le cabinet Hydro-Tec de Sergio Cutolo. A quelques kilomètres de là, c’est les Cantieri Navali di Termoli (200 bateaux professionnels à leur actif) qui ont fondé la marque de yachts Italian Vessels. La famille Parigi a mandaté le designer Tommaso Spadolini pour concevoir un explorer moderne de 29 mètres de long. Le lancement est programmé pour cet automne. Toujours sur la côte Adriatique mais un peu plus au sud, le grand chantier naval de Ravenne Rosetti Marino, fondé en 1925, spécialiste des remorqueurs et des barges offshore, coté au Milan stock exchange, a créé en 2017 sa propre division Superyachts. Spadolini, encore lui, leur a concocté une gamme de yachts de 38, 65 et 85 mètres. Fulvio Dodich, ex-CEO de Ferretti, a été recruté. Il faut savoir bien s’entourer. Le premier yacht a été vendu en 2018. Evoquons le cas d’Antonini Navi, près de La Spezia. 50 millions de chiffre d’affaires dans le refit et la construction de plates-formes pétrolières. La famille Antonini vient d’investir 10 millions d'euros pour démarrer son activité de yachts. Cible privilégiée : le segment des 30 à 50 m. L’architecte des Pershing, Fulvio de Simoni, est ici à la manoeuvre. La liste est encore longue. On pourrait citer encore Palumbo ou Fincantieri, le géant de la construction navale italienne qui a « croqué » les chantiers navals de l’Atlantique l’année dernière. Lui aussi fait du superyacht depuis une dizaine d’années et ne manque jamais d’exposer sa pléthore de projets à tous les Monaco Yachts Show. Un 140 m est en cours de réalisation… Ces passerelles entre chantiers professionnels et grande plaisance sont devenus monnaie courante de l’autre côté des Alpes. Le marché du yacht est un véritable miroir aux alouettes qui attire des chantiers conscients que l’avenir de la construction navale traditionnelle est précaire. Pour eux, cette diversification ressemble un peu à un moyen de survie. Ils ont les infrastructures pour le faire, alors pourquoi s’en priver ?