« Sarkozy et Juppé, deux publics opposés »
Erwan Lestrohan, directeur d’études chez BVA Opinion
À un an des primaires à droite, on s’oriente vers un duel serré entre Sarkozy et Juppé ? Oui et non. Oui, dans la mesure où les finalistes paraissent connus, avec un fort potentiel électoral. Mais il y aura quand même un match à ou , car il faut tenir compte des reports de voix des électeurs de Le Maire, Fillon et Morano au second tour.
Il y a l’inconnue des sympathisants FN, dont la participation peut faire pencher la balance vers Nicolas Sarkozy ? La réalité est plus complexe. Il faut tenir compte de la porosité de cet électorat, composé aussi d’anciens ou futurs sympathisants des Républicains. Leur stratégie à la primaire sera-t-elle de désigner un candidat « perdant » à leurs yeux face à Marine Le Pen, ou d’opter pour la victoire potentielle d’un Républicain le plus en phase avec les positions FN ?
Sarkozy/Juppé, c’est aussi l’opposition de deux France géographiques et socioprofessionnelles, et l’incarnation de deux visions de la droite au sein des Républicains ? Oui. On compare souvent les cotes d’Alain Juppé et Nicolas Sarkozy auprès des militants, qui sont finalement assez proches. Mais ce sont deux publics qui s’opposent, pas seulement sur la fracture idéologique entre libéraux et identitaires, mais aussi entre des gens qui sont dans une situation plus confortable pour Alain Juppé, et plus fragile pour Nicolas Sarkozy.
Dans le cadre d’une primaire à gauche, c’est l’exécutif qui prime, avec Manuel Valls et François Hollande en tête ? Rappelons que cette primaire concernerait deux tiers de sympathisants socialistes, ce qui reflète la dispersion de l’électorat de gauche. Il est intéressant de voir que Manuel Valls ne se heurte pas à la même défiance que François Hollande, comme pour une prime à l’action gouvernementale au détriment de la nécessaire réserve présidentielle.
À droite, quelles peuvent être les stratégies de Juppé et Sarkozy, au regard de ce sondage? Les suffrages d’Alain Juppé sont insuffisants au sein des Républicains, qui constituent le coeur de cette élection primaire. Il doit donc montrer sa proximité avec les fondamentaux du parti, donner le gage qu’il n’est pas seulement le candidat des centristes. À la tête du parti, Sarkozy dispose d’une bonne base de supporters, mais dans le contexte de primaires ouvertes, il doit être capable de se rapprocher des centristes, et parer la menace d’une candidature Bayrou si Juppé n’y va pas.
Les régionales peuvent infléchir ce sondage? Pour Sarkozy, ces élections régionales sont une séquence très forte : s’il reprend les Régions à la gauche, c’est une victoire très symbolique à la tête de son parti, un bon crédit à la tête des Républicains. Mais il restera encore onze mois avant les primaires, tout pourra encore arriver.