Pas très à l’aise Blaise ?
Blaise Matuidi est un cadre des Bleus. Pourtant, le Parisien n’est ni beau à voir jouer ni en forme dans ce début d’Euro. Mais il est unique... voire indispensable
Paul Pogba et Antoine Griezmann ont pour l’instant aimanté les critiques. Derrière le duo « technique » des Bleus un autre cadre tire, lui aussi, la langue. C’est Blaise Matuidi (46 sélections). Sans doute usé par une longue saison avec le PSG (46 matches), le gaucher n’a pas encore trouvé son rythme avec les Bleus. Pis, il paye cette forme de jeu inesthétique qui le caractérise. Regarder jouer Blaise Matuidi, c’est accepter de se faire mal aux yeux. Oui, Matuidi est généreux, volontaire mais il a surtout le dos courbé, les mains dirigées vers l’extérieur. Il est inélégant. Dans la hiérarchie des milieux de terrain qui brillent dans cet Euro, Matuidi n’a ni l’efficacité ni la classe des Modric, Kroos, Iniesta ou Rakitic. Matuidi, c’est le garçon pas forcément le plus talentueux mais le plus travailleur. D’ailleurs, il n’a jamais vraiment essayé de faire comme les autres. Peu de temps avant son arrivée au PSG, en 2011, il s’était livré devant les caméras de PSG TV après s’être fait mal à l’entraînement sur une talonnade : « Je ne suis pas du genre à faire des talonnades. Là, j’ai voulu m’enflammer un peu et je me suis blessé. Voilà, ça m’apprendra. À partir de maintenant, je vais me concentrer sur ce que je sais faire : récupérer le ballon et le redonner simplement. » Parce que Matuidi n’est ni un box-to-box classique, ni un relayeur. C’est un mouvement permanent. Ses qualités sont connues (récupération Le joueur parisien âgé de ans est aussi le vice-capitaine de l’équipe de France.
haute, agressivité au pressing dans les pieds adverses). Le problème, c’est quand il s’agit d’utiliser le ballon. Dans les petits espaces, il n’est pas très à l’aise. Ses contrôles ou prises de balle ne sont pas des plus efficaces. Dès lors, le garçon a bossé une autre facette de son jeu : l’occupation de l’espace en faisant du mouvement
une qualité technique.
« Make », son mentor
Ainsi, Matuidi n’est jamais aussi dangereux que lancé vers l’avant. Comme en fin de rencontre face à l’Albanie où, dans le 4-3-3, il se retrouvait parfois ailier gauche pour étirer la possession
française. Un mix entre latéral et ailier, un peu à la Claude Makelele façon FC Nantes. « Make », son mentor parisien. Tout sauf un hasard. C’est ainsi que Matuidi devient important. Comme tout besogneux, Matuidi est dépendant des autres. Dans une équipe au pressing collectif efficace – pas le cas en Bleu, encore – il permet d’installer une intensité physique dans la moitié de terrain adverse. Ensuite, il peut s’envoyer dans ses innombrables appels en profondeur ou sur le côté pour proposer du mouvement et des solutions. C’est pour ça que dans un schéma à deux relayeurs, Blaise Matuidi devient obsolète. Au vrai, le garçon a besoin de se sentir protégé (comprendre deux milieux derrière lui) pour s’émanciper. Logiquement, Matuidi préfère évoluer devant Kanté et Pogba. C’est ce qu’il laissait entendre avant l’Albanie : « J’ai pour habitude de me projeter vers l’avant, je le fais en club comme en sélection, et quand il faut faire le replacement défensif, je le fais et Paul aussi. Il est plus à l’aise que moi dans l’utilisation du ballon et moi, sans ballon, j’ai cette capacité à me projeter. C’est en tout cas ce que l’on essaye de faire. Parfois ça marche très bien, parfois moins. »
Le déclic ? L’Espagne
En Bleu, il n’a pas encore trouvé le rendement qui est le sien au PSG. Évidemment, on ne remplace pas Thiago Motta, Marco Verratti ou Zlatan Ibrahimovic aussi facilement. Mais le gaucher sait parfois se surpasser avec le maillot du Coq. A l’image de son match dantesque en Espagne, en octobre 2012, où ses dix interceptions dans les pieds des Xavi, Iniesta et autre Sergio Ramos avaient sonné comme une performance d’ordre mondiale. Alors même s’il n’a pas la gestuelle d’un Pogba, l’efficacité d’un Payet, il semble aujourd’hui difficile de se passer du Parisien en équipe de France. Ce n’est pas pour rien que Didier Deschamps en a fait son vice-capitaine.
A LILLE, MATHIEU FAURE