- Marisa Bruni-Tedeschi nous reçoit au Cap-Nègre
Sur le canapé du salon, bouillotte calée derrière son dos douloureux, elle s’allume une nouvelle clope. À 86 ans, pas question de se priver de ce plaisir addictif, ni même d’un petit whisky. «J’ai toujours fumé, ce n’est pas maintenant que je vais arrêter, non ? », sourit malicieusement Marisa Bruni-Tedeschi. Appuyée à la fenêtre avec vue mer sur Le Cap Nègre, elle prend une pose élégamment désinvolte. Telle une top modèle. Un air de sa fille Carla, dont elle avait jadis la silhouette. Encore belle, Marisa. Même si jeunesse se dissipe comme volute de fumée. À l’instar d’une cigarette, la Mama du clan Bruni-Tedeschi a grillé sa vie. Par les deux bouts. Des amours, des amants, des enfants. La guerre, la paix, des tourments. Un gendre Président. De l’argent, mais aussi de l’infortune. De la joie, non sans peine. C’est tout cela qu’écrit cette grande dame dans Mes chères filles, je vais vous raconter… paru chez Robert Laffont. Et puis la musique, son éternelle passion. Tant pour les hommes, que pour l’instrument. Son mari Alberto, riche industriel italien « câblé », mais aussi compositeur d’opéras. Père de Virginio et Valeria. «Avec Alberto, on partageait ce goût de la musique, on s’adorait, notre relation était fusionnelle, mais après quelques années, on était comme père et mère l’un pour l’autre. Il manquait une étincelle. J’étais jeune et belle, je voyageais beaucoup avec mes concerts, alors j’ai eu mes petits écarts... ». Avec une relation extraconjugale, au parfum de scandale. Maurizio. Un jeune homme de 19 ans. Le fils d’un ancien amant. Il lui fera encore un enfant, à 35 ans. «Aujourd’hui, ça ne choquerait plus personne. C’est une histoire qui est arrivée comme ça. J’étais plus amoureuse de son amour, que de lui. C’était un garçon qui m’adorait et qui a souffert de ne pouvoir envisager
l’avenir avec moi. Il est parti, mais il m’est resté ma fille…, confesse à nouveau Marisa.
Carla m’a reproché de ne pas lui avoir révélé avant ses 28 ans. Je lui ai dit: de quoi tu te plains? Tu as eu deux pères au lieu d’un, et les deux étaient très bien!». Avec le pianiste Arturo Benedetti Michelangeli, c’est le coup de coeur virtuose. Un récital qui s’achève en peine sentimentale. «Je ne crois pas avoir été plus libre qu’une autre, surtout aujourd’hui. À l’époque, on ne divorçait pas, alors on avait une autre conception de la vie conjugale.». Et puis le piano. Fidèle. Pour le meilleur et pour le pire.
« Ah, c’est un amant qui m’a fait souffrir! Je continue d’en jouer deux heures pas jour, ça m’est essentiel. Je rabâche mon petit répertoire. C’est un exercice de concentration, de mémoire, de tenue, de muscles… je ne veux pas lâcher ça. Sinon, je suis une vieille mémé!». Par petites touches, à domicile comme à livre ouvert, c’est plutôt la chanson d’une sacrée femme, que compose Marisa.