Nice-Matin (Cannes)

Anthéa:  abonnés et quatre ans d’ascension

Après le premier spectacle de sa 5e saison, le théâtre antibois triomphe: ses réservatio­ns affichent une affluence record. Une success story racontée par le directeur, Daniel Benoin

-

Impossible de publier cette interview sans en expliquer le contexte. Réalisé avant l’attentat de Nice, ce jeu de questions-réponses semble des plus anachroniq­ues après le drame. Contacté hier soir, Daniel Benoin revient sur cette « cicatrice du -Juillet, très profonde, très violente ». Lui qui vit Nice, lui qui vit Antibes, lui qui vit l’art et la vie : « Le bonheur de cette interview se retrouve bien évidemment bouleversé. Et même s’il faut continuer de montrer ce que l’on à montrer et de dire ce que l’on a à dire, je reste blessé. Face à cela, c’est une question de résistance de continuer. C’est même la raison pour laquelle l’on a joué le  juillet, avec Gad Elmaleh et Kev Adams, au lendemain du dernier jour de deuil national. » Quant à la réussite d’Anthéa: « C’est un hommage, un message d’espoir pour demain. »

C’est l’histoire d’un théâtre qui monte, qui monte… Et qui – au bout de 4 ans – atteint des sommets. Avec déjà plus de 11 700 abonnés pour la prochaine saison, Anthéa continue à faire écarquille­r les mirettes, et en premier lieu, celles de son directeur, Daniel Benoin. «Je touche du bois, mon ancien record était de 10500 quand je dirigeais le théâtre National de Nice. Record battu donc. » Amusé, le responsabl­e de la salle antiboise n’en garde pas moins les pieds sur terre. Et ce, malgré des résultats en constante croissance qui ont de quoi le faire décoller. « La première année, le budget prévisionn­el était basé sur l’idée d’avoir 40000 spectateur­s sur une saison au bout de trois ans », rappelle Daniel Benoin avant de se confronter à la réalité des faits : 105 000 spectateur­s qui sont venus applaudir les représenta­tions de cette dernière saison. Autant dire que l’homme de théâtre a vraiment visé « à côté de la plaque » en se laissant surprendre par le « phénomène ». La question brûle les lèvres: quelle est la formule du succès? « On m’a dit: “le truc impossible à franchir pour les gens, c’est la frontière du Var: alors Antibes ça ne marchera pas”. Au final, le plus gros pont sur le Var c’est Anthéa. On s’aperçoit qu’Antibes est le centre du départemen­t. On draine le public de Fréjus à Monaco. » Un rayonnemen­t inattendu pour ce natif de Mulhouse qui se souvient de sa position face à celle du maire de la cité des Remparts: « Jean Leonetti a voulu faire un grand théâtre envers et contre tout ! C’est visionnair­e parce que même moi je lui avais conseillé de voir plus petit. Dans le même genre en périphérie d’une grande ville, aucune salle n’a réussi à marcher aussi rapidement en France. »

Du punch en coulisses

Et pour cause, après seulement cinq jours d’ouverture de la billetteri­e pour sa 4e saison, le théâtre a dû faire face à la rançon du succès et débloquer 23 dates de spectacles en plus. Un branle-bas de combat mis en place en vitesse par l’équipe. L’oeuvre du mariage des compétence­s que Daniel Benoin cite comme une des clés de la réussite des planches antiboises. « C’est la première fois que j’ai pu choisir la totalité d’une équipe. Partir de zéro c’est génial pour transmettr­e mon expérience et emmagasine­r cette énergie due à la jeunesse. » Du punch en coulisses et un tapis d’étoiles sur les planches. En haut de l’affiche, les « grands noms » font tourner les têtes. Gad Elmaleh, Michel Bouquet, Jean Reno… Une liste de célébrités pour le public, un carnet d’adresse pour le directeur: « Dès le début j’ai appelé énormément de monde en leur demandant de venir jouer. Preuve en est que l’amitié veut dire quelque chose. » Mais pas question de programmer uniquement des comédiens de renom : « On souhaite que le grand public et les plus connaisseu­rs se retrouvent dans les mêmes salles. » Production de créations, représenta­tions scolaires et enveloppes d’abonnement mêlent les genres. La recette fait mouche. Tout roule pour Anthéa, non ? « Je suis de nature optimiste mais quand un lieu marche très très fort, il faut être attentif pour ne pas détruire cette dynamique. » Alors, on mise sur l’avenir avec de nouveaux objectifs. « Notre équipe est réduite face aux spectateur­s qui croient. Il faut qu’on sache se restructur­er d’ici deux ans », précise le directeur avant d’évoquer le budget, nerf de la guerre pour réaliser les possibles. « Le ministère de la Culture nous observe avec des yeux très grands. Je ne suis pas sûr actuelleme­nt qu’il ait les moyens de rentrer làdedans. L’étape d’après c’est: que fait l’État et comment? » Réponse au prochain acte.

MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

 ??  ??
 ?? (Photo Dominique Agius) ?? Sur la saison -, le théâtre Anthéa a accueilli  spectateur­s.
(Photo Dominique Agius) Sur la saison -, le théâtre Anthéa a accueilli  spectateur­s.

Newspapers in French

Newspapers from France