Nice-Matin (Cannes)

Le squat qui défigure une rue au Suquet

Depuis plusieurs années, un appartemen­t squatté pourrit la vie de son propriétai­re et du quartier du Suquet. À l’origine de cette situation, un dégât des eaux qui a viré au casse-tête insoluble

- SANDIE NAVARRA snavarra@nicematin.fr

C’est l’effet papillon. Ou comment un banal dégât des eaux a fini par pourrir la vie de tout un quartier (lire notre édition du 18 août). Pour comprendre l’origine de ce casse-tête, il faut remonter en juin 2010. Cette année-là, Anthony Chouchena, un jeune Cannois, achète un studio de 24 m2 rue Panisse, au coeur du Suquet, qu’il rénove entièremen­t pour s’y installer. « Trois mois plus tard, en septembre, je me suis réveillé un matin les pieds dans l’eau. En cherchant, j’ai vu qu’elle s’écoulait d’un mur en pierre», rembobine le marin aujourd’hui âgé de 30 ans. Le début du cauchemar pour Anthony. « Ma compagnie d’assurance a mandaté un expert, qui n’a pas réussi à trouver l’origine de la fuite. Il a finalement conclu que le sinistre pouvait provenir de l’immeuble à côté. »

Six ans de procédure

Les deux parties se renvoient la balle pendant près de deux ans. En attendant, impossible pour le propriétai­re d’occuper les lieux. « A chaque pluie, de l’eau suintait dans le studio. » Le jeune homme continue malgré tout de rembourser son crédit. Mais il a bien du mal à joindre les deux bouts. « J’ai dû me reloger et donc payer un loyer supplément­aire. » En 2012, Anthony décide de prendre un avocat pour s’occuper du dossier. Un expert est dans la foulée mandaté par le tribunal de Grasse. Le spécialist­e rend finalement son rapport... en juin 2015 ! Car entre-temps, d’autres interlocut­eurs susceptibl­es d’être à l’origine du sinistre sont entrés dans la danse. Suez (exLyonnais­e des Eaux), et le SIAUBC, syndicat intercommu­nal d’assainisse­ment. « L’expert a conclu qu’il s’agissait d’une rupture de canalisati­on des eaux usées sur la voie publique, a quelques pas de mon studio. » Reste à savoir qui doit payer la facture. « Six ans plus tard, la procédure est toujours en cours...» Anthony, qui a depuis cessé de rembourser son crédit faute de moyens, est attaqué en justice par la banque et l’organisme de crédit logement. « J’ai fait une dépression à cause de cette histoire. Tout ce que je souhaite, c’est sortir de cette situation infernale. Depuis six ans, je ne peux pas vivre normalemen­t, acheter une voiture, louer un appartemen­t à mon nom. J’ai même été interdit bancaire. Quand les travaux seront enfin réalisés, j’espère pouvoir remettre rapidement l’appartemen­t en état, le vendre et rembourser mon crédit. Pour le moment, je ne peux rien faire ! »

Réactions en chaîne

Mais le Cannois n’est pas la seule victime de la situation. Depuis plusieurs années, des squatteurs ont investi le logement resté inoccupé et se succèdent au grand dam des voisins. « Je viens régulièrem­ent les mettre dehors, parfois de force. Ça a déjà tourné en bagarre », regrette Anthony Chouchena. Odeurs pestilenti­elles, immeuble délabré et insécurité sont devenus le quotidien des habitants et commerçant­s du quartier. « Tout

le monde sait que c’est inoccupé, alors les squatteurs défoncent la porte et s’installent régulièrem­ent. Pendant un moment, j’ai même cru qu’il y avait des cadavres ici tellement l’odeur était insoutenab­le!» témoignait un voisin excédé il y a quelques semaines. « Comment voulez-vous que je loue mon appartemen­t ?» déplore la propriétai­re du logement situé au-dessus du squat. « Personne n’a envie de vivre ici ! »

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À gauche, Anthony Chouchena accompagné de son avocat Me Michael Zerbib. À droite, l’appartemen­t ravagé par les squatteurs dégage une odeur pestilenti­elle. (Photos S.N.)

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