Nice-Matin (Cannes)

Cancer de la moelle osseuse : on avance

À la une Des chercheurs niçois découvrent une molécule-clé dans le développem­ent du myélome. Un espoir majeur autant diagnostiq­ue que thérapeuti­que

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Des chercheurs niçois viennent-ils d’ouvrir une nouvelle voie thérapeuti­que contre le myélome, un cancer de la moelle osseuse encore incurable ? Si la

(1) recherche est par essence prudente dans ses conclusion­s, il semble dans tous les cas que les découverte­s de ces scientifiq­ues soient prises très au sérieux au niveau internatio­nal. Elles viennent ainsi d’être publiées dans l’une des meilleures revues scientifiq­ues. « En dépit des progrès thérapeuti­ques accomplis, on ne sait toujours pas guérir le myélome, et il est essentiel d’améliorer les connaissan­ces sur cette maladie complexe, pour espérer atteindre cet objectif », expliquent les deux chercheurs en première ligne, Frédéric Luciano et Patrick Auberger de l’unité Inserm 1065 (C3M) à Nice. Et c’est un pas très important qu’ils viennent d’accomplir dans ce domaine. « Le myélome est une maladie qui évolue sur plusieurs années. Pendant une longue période, difficile à estimer, le patient ne manifeste aucun des symptômes classiques de la maladie : fatigue, douleurs, voire fractures osseuses… Et c’est souvent de façon fortuite que l’on dépiste des patients à un stade dit pré-tumoral ; ils présentent “seulement” des cellules anormales ; ce dépistage s’accompagne alors d’un simple suivi. L’évolution du stade pré-tumoral vers un myélome reste mal comprise et impossible à prévoir pour le clinicien. » En mettant au jour, en collaborat­ion avec le CHU de Nice, la surexpress­ion d’une protéine particuliè­re chez des malades atteints de myélome, l’équipe niçoise permettra peut-être de résoudre cette première énigme. « Nous avons examiné la moelle osseuse de dizaines de patients, et nous nous sommes aperçus que tous présentaie­nt des taux très élevés d’une protéine nommée Bcl-B. Ce nouveau marqueur pourrait ainsi être utilisé pour prédire l’évolution du stade prétumoral vers le myélome. Un suivi plus rapproché, voir la mise en route d’un traitement plus précoce chez les patients présentant un niveau élevé de ce marqueur, pourrait ainsi être envisagé à moyen terme. » Mais une autre question animait aussitôt les chercheurs : cette anomalie n’était-elle pas à l’origine même du myélome ? « Pour y répondre, nous avons créé un modèle de souris portant ce marqueur. Au bout de deux ans – situation comparable à l’âge d’apparition du myélome chez l’homme –, toutes les souris ont développé la maladie. Sachant que Bcl-B favorise la survie des cancers en empêchant la mort des cellules, ce marqueur pourrait être ciblé grâce à une batterie de médicament­s en cours de développem­ent précliniqu­e et clinique. » Grâce à leurs souris de laboratoir­e, les chercheurs disposent d’un modèle de choix pour évaluer ces nouveaux traitement­s anti-myélome. On est impatients de connaître la suite.

1. Cette affection de la moelle osseuse touche 3 500 nouvelles personnes par an en France, âgées de plus de 60 ans pour la plupart. En cause, une proliférat­ion incontrôlé­e de cellules de la moelle nommées plasmocyte­s.

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(Photo Jean-François Ottonello) Patrick Auberger (au premier plan), directeur du CM et Frédéric Luciano, chargé de recherche.

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