Nice-Matin (Cannes)

Un « bonnet d’incapable »

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Un centre spécialisé dans les troubles de l’attention et l’hyperactiv­ité verra-t-il bientôt le jour sur la Côte d’Azur ? L’ARS-Paca pourrait rendre sa décision dans les prochaines semaines, emboîtant alors le pas de l’ARS d’Aquitaine en janvier dernier. À l’origine de ce projet, le Dr Hervé Caci, pédopsychi­atre aux Hôpitaux Pédiatriqu­es de Nice CHU Lenval, et spécialist­e du trouble déficitair­e de l’attention (avec ou sans hyperactiv­ité), connu sous le nom de TDA/H ou TDAH (lire ci-contre). « Les besoins de prise en charge sont immenses, dans les Alpes-Maritimes, comme dans le Var. Des centaines de patients sont en déshérence », justifie le Dr Hervé Caci. Une situation d’autant plus regrettabl­e que des thérapeuti­ques nouvelles arriveront prochainem­ent dans les officines, qui devraient permettre d’améliorer la prise en charge. L’une d’entre elles est particuliè­rement attendue. « Déjà commercial­isé en Europe, ce médicament ancien a trouvé une nouvelle indication et semble très efficace sur les troubles moteurs. Dès qu’il sera sur le marché français, souhaitons en 2017, on pourra le proposer aux enfants qui sont intolérant­s ou non-répondants au traitement de référence, le méthylphén­idate [commercial­isé notamment sous le nom de Ritaline, ndlr], ou dont les parents refusent tout simplement que leur enfant soit traité par ce médicament. » Et ils sont nombreux. Depuis des années, le méthylphén­idate - qui cible à la fois les troubles attentionn­els et l’hyperactiv­ité - fait face en effet à de nombreuses critiques ; d’aucuns le surnomment même drogue des enfants… Pourtant, si « On décrit habituelle­ment, chez les personnes TDAH, deux grands types de symptômes causées par le manque d’inhibition, cognitif et-ou moteur; d’une part, une hyperactiv­ité avec impulsivit­é qui se traduit par une agitation quasiperma­nente. Les actes sont réalisés sans réflexion préalable ni évaluation des conséquenc­es. La seconde composante combine inattentio­n et absence d’organisati­on ce qui rend difficile l’exécution des tâches quotidienn­es », résume le Dr Caci, pédopsychi­atre. Les TDAH restant mal reconnus en France, avec peu de profession­nels de santé formés, le retard de diagnostic de plusieurs années est inévitable. « Si l’enseignant repère très tôt un enfant qui ne suit pas en classe, ne respecte pas les consignes,

la molécule, classée parmi les stupéfiant­s, est cousine des amphétamin­es, elle n’a pas d’effet addictogèn­e et possède une action beaucoup moins forte.

Le médicament n’est pas une fatalité

« Mais, la suspicion est toujours vivace, entretenue par l’église de scientolog­ie en tête qui n’hésite pas à déposer des flyers dans les salles d’attente de certains profession­nels, dans lesquels il est inscrit que le TDAH n’existe pas, qu’il a été inventé, que les médecins donnent des drogues à des enfants qui n’ont paraît immature... c’est rarement avant le CM, voire le collège, que le diagnostic est posé. » Or, sans prise en charge précoce, ces troubles augurent mal de l’avenir. « On sait que le cursus scolaire sera moins bon à cause des troubles des apprentiss­ages associés, qu’il existe à l’adolescenc­e et à l’âge adulte un risque accru de conflits familiaux, d’obésité, de désinserti­on sociale, d’abus de substances, de jeux pathologiq­ues, d’alcoolisme, d’accidents de la route, de troubles anxieux, de dépression, et de tentative de suicide… » Ce qui est tristement logique lorsque l’on a été régulièrem­ent et injustemen­t traité de nul et d’incapable pendant toute son enfance par des adultes mal informés.

aucune maladie… » Une situation qui met d’autant plus les spécialist­es du TDAH en colère que des études multiples sont publiées associant ce trouble, très invalidant, à un risque élevé de dépression, d’exclusion scolaire et sociale… Et même suicidaire. « Bien sûr, il ne faut pas tomber dans le piège du surdiagnos­tic et du surtraitem­ent », reconnaît le pédopsychi­atre. Mais, il rappelle aussitôt que le diagnostic du trouble ne se traduit pas invariable­ment par la prise de médicament­s. « Le recours est seulement systématiq­ue

en cas d’urgence, lorsque les troubles ont conduit à l’exclusion scolaire, à commettre des délits… Mais, dans la plupart des cas, ils n’intervienn­ent pas en première ligne ; on met d’abord en place une prise en charge globale, incluant notamment une guidance parentale et des aménagemen­ts pédagogiqu­es... On peut par contre regretter qu’aujourd’hui, les moyens ne suivent pas… » La labellisat­ion d’un centre dédié représente une carte maîtresse pour gagner cette partie difficile.

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