Être parent : tout un métier ?
Pères et mères rêvent du meilleur pour leur enfant. Qu’il fasse de brillantes études, qu’il ait un métier intéressant... Mais parfois à vouloir faire trop bien, ils se trompent
La rentrée de septembre est souvent stressante. Pour les enfants mais surtout pour les parents. Elle est en effet pour eux l’occasion de prendre de bonnes résolutions : on fera les devoirs tous les soirs, on se couchera tôt etc. Mais cette bonne volonté se heurte souvent à l’opposition de ces chères têtes blondes. Les parents se retrouvent alors désarçonnés, voire totalement désarmés. Le psychopédagogue et co-auteur de Le beau métier de parent, Alain Sotto, livre quelques clés pour mieux appréhender son rôle de parent.
Comment ont évolué les parents au cours de ces dernières années?
Ils sont beaucoup plus inquiets notamment. Exemple : il y a ou ans, dans un appartement, on ne relevait pas tous les objets de cm. On voulait que le petit enfant intègre les interdits. Alors bien sûr, il fallait répéter les choses fois, l’enfant cherchant toujours à tester les limites… Mais, on savait que l’enfant allait ainsi s’élever – au sens étymologique : aller vers le haut – tout seul. On constate par ailleurs que l’enfant est devenu le centre de la famille. Il est beaucoup plus installé dans la pensée des parents, surinvesti... Il est porteur d’un projet et d’une obligation de vivre un futur meilleur que celui de ses parents; c’est une pression terrible sur ses épaules. Il est un être multisensoriel, qui capte beaucoup de choses.
Dans ce contexte, l’école est devenue un véritable enjeu.
Oui mais surtout, on a « médicalisé » la difficulté scolaire. Dès qu’un enfant rencontre des difficultés, la situation est perçue comme catastrophique : les parents pensent qu’il ne fera pas d’études, qu’il ne trouvera pas de travail… Les parents inquiets vont alors chercher des diagnostics. L’enfant repart avec une étiquette sur le front et un chiffre: le Q.I. Or ce bilan n’est qu’une photographie à un instant T. Les pères et mères sont noyés sous la masse d’informations qu’ils puisent dans les livres, dans les médias, sur internet. Face à cela ils tirent des jugements
hâtifs et
« Revenir à quelque chose de naturel, d’intuitif » Alain Sotto Psychopédagogue
vont se sentir coupables. Or la culpabilité n’a jamais aidé un enfant.
Que leur conseiller alors?
De prendre du recul. Les meilleurs experts de leurs enfants, ce sont les parents. Chaque parent est unique. Chaque enfant est unique. Et chaque relation parentenfant est unique. Il faut revenir à quelque chose de naturel, d’intuitif.
Sur quelles bases doit reposer cette relation parent-enfant?
Sur l’amour et la réalité. Les parents doivent profiter de leur enfant dans le temps présent. Par exemple, à la sortie de l’école, lui demander ce qu’il a fait dans la journée le renvoie au passé, ce qu’il va faire le lendemain au futur. Mieux vaut attendre, le laisser s’exprimer, puis le questionner «en quoi cette journée a été importante pour toi ?». C’est alors le récit émotionnel de la journée qui va émerger. On profite de l’instant.
Les schémas familiaux ont aussi changé, avec
notamment l’explosion des divorces. Quelles sont les conséquences sur l’éducation?
Les problèmes relationnels au sein du couple ne sont pas ceux de l’enfant; quel que soit l’avenir de ce couple, l’enfant a une relation à vie avec son père et avec sa mère. Ce qui est important, c’est que les parents, qu’ils soient séparés ou qu’ils vivent ensemble, soient d’accord sur la manière de l’élever, de l’aider à se construire. Ils doivent s’accorder.
Les devoirs sont souvent source de tension à la maison. Comment faire travailler l’enfant dans de bonnes conditions?
Déjà, il ne faut pas faire les devoirs à sa place. Ensuite, il ne faut pas s’énerver. Si on s’agace, l’écolier va se dire «maman ou papa est en colère, moi je suis inefficace» et cela ne fera que renforcer le blocage. Les parents ne sont pas à la maison avec un élève mais avec leur enfant. En cas de difficultés, mieux vaut le confier à une personne extérieure. Le risque est véritablement d’avoir un envahissement des problèmes scolaires à la maison.
Les parents attendent-ils trop de leurs enfants?
Ils font peser beaucoup de poids sur l’enfant, en espérant le voir réussir dans la vie. Ils doivent se débarrasser de la peur du futur, et ne pas projeter leurs propres désirs sur l’enfant. À trop être inquiet, on crée et on entretient des problèmes.
Certains parents travaillent beaucoup et passent peu de temps à la maison.
Quelle incidence sur l’enfant ?
Les parents, les hommes surtout, culpabilisent d’être peu présents. La culpabilité des femmes est plutôt liée au fait qu’elles se sentent responsables de la réussite de l’enfant. Or, ce n’est pas la quantité de temps qui compte, c’est la qualité. Même si ce n’est qu’un quart d’heure le soir, tant que c’est un quart d’heure pendant lequel l’adulte est là, présent avec son enfant, juste pour lui, sans être distrait par le téléphone ou la télévision, alors cela suffit. À partir du moment où un lien profond s’est installé entre eux, l’enfant trouvera son équilibre.
On évoque souvent des problèmes liés au défaut d’autorité.
Ce manque d’autorité est la conséquence d’une mauvaise compréhension du message de Dolto. On a cru qu’elle disait qu’il faut tout autoriser. Or ce qu’elle a écrit c’est que tous les désirs sont légitimes mais que tous les désirs ne sont pas réalisables. Il y a du négociable et du non négociable. Poser des limites à un enfant ça le sécurise. À condition que l’autorité soit bienveillante et réfléchie et non affirmée sous le coup de la colère. «Le beau métier de parent» (Ed. Hugo Doc, p. €) par Alain Sotto, psychopédagogue, et la Niçoise Varinia Oberto, pédagogue et écrivain.