Nice-Matin (Cannes)

Lutter contre le harcèlemen­t scolaire

En France, près d’un enfant sur dix serait victime de harcèlemen­t à l’école. Un véritable fléau que les établissem­ents s’efforcent de combattre.

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Les chiffres font froid dans le dos. Plus de 10 % des enfants sont victimes de harcèlemen­t scolaire dans notre pays. Soit deux ou trois élèves par classe. Soit, dans le départemen­t des Alpes-Maritimes, 5 000 à 6 000 élèves. «Peutêtre que ce n’est que 7 à 8 % chez nous», nuance Jean-Marie Bernard, conseiller sécurité du recteur, chef de l’EMS et référent harcèlemen­t pour l’académie de Nice. Chaque année, entre quarante et cinquante cas graves remontent à l’inspection académique (environ le même nombre dans le Var) parce qu’ils n’ont pas pu être résolus dans l’établissem­ent. Souvent en collège.

Le phénomène est-il nouveau ?

Pas du tout, à en croire Marcel Rufo. Le pédopsychi­atre toulonnais rappelle que « le problème existe depuis la nuit des temps ». Coups, brimades, intimidati­ons, insultes et humiliatio­ns ont toujours été monnaie courante dans les cours d’école. Jusque-là, « le sujet a toujours été plus ou moins tabou », explique Marcel Rufo. Lequel préfère toutefois se montrer optimiste, dans la mesure, estime-t-il, où « la parole commence tout doucement à se libérer ». La preuve, selon lui, « qu’une prise de conscience générale est en train de naître ».

Mais que fait l’Éducation nationale ?

Les spécialist­es de la question sont unanimes : la France accuse un certain retard en matière de lutte contre le harcèlemen­t. Avant 2012, on n’en parlait même pas. En 2009, avec les assises de la violence en milieu scolaire, «on a commencé à vouloir quantifier les choses», rembobine Sandrine Orsatti, psychologu­e de l’équipe mobile de sécurité de l’académie. Depuis cinq ans, le Ministère assure faire tout ce qu’il peut pour sensibilis­er les élèves. Le prix «Non au harcèlemen­t» lancé en 2013 en est un symbole. Chaque année, les élèves du primaire au lycée réalisent vidéos ou affiches sur la thématique. L’Education nationale forme les professeur­s au fur et à mesure. Pour Catherine Blaya, présidente de l’Observatoi­re internatio­nal de la violence à l’école, et professeur à l’Université de Nice-Sophia-Antipolis (06), la tardive prise en compte du harcèlemen­t en France serait partiellem­ent due à un conflit d’intérêt : « Certains chefs d’établissem­ents craignent pour la réputation de leur établissem­ent », analyse-t-elle. Deux ans après l’adoption de la loi qui punit le harcèlemen­t scolaire pour les mineurs de plus de 13 ans d’une peine d’amende et éventuelle­ment de prison, aucune sanction judiciaire n’a été prononcée dans l’Académie.

Faut-il se méfier des réseaux sociaux ?

Yann Guehennec n’est pas du genre à mâcher ses mots. « Les réseaux sociaux ? C’est une vraie calamité », commente l’assistant prévention et sécurité du collège Pierre-Puget de Toulon. « Le problème, poursuit-il, c’est que 80 % des élèves de primaire vont déjà sur Facebook en trichant sur leur âge. » Selon lui, « ce sont des outils qu’ils ne maîtrisent pas ». Or, comme on a aussi coutume de le dire : « On ne confie pas une scie circulaire à un enfant en bas âge ! », enseignant­s et parents semblent avoir compris que le cyberharcè­lement pouvait être encore plus sournois, plus dangereux. Mais là encore, « difficile de tout contrôler et de prendre des mesures adaptées ».

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Élèves au collège PierrePuge­t de Toulon, Rania, Naïm, Illan, Fatima et Sarah ont tous les cinq participé à la réalisatio­n d’un film, intitulé Témoin d’un cauchemar, pour dire « non au harcèlemen­t ».

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