SIGNÉ ROSELYNE
La semaine de Roselyne Bachelot
Lundi
Le discours tenu par Marine Le Pen sur les fonctionnaires lors de son meeting de Nantes est ahurissant. Elle les accuse de fomenter des « persécutions et des coups tordus » contre l’opposition à la demande du gouvernement, qualifie les policiers de « garde prétorienne » et annonce qu’arrivée au pouvoir, elle a la volonté d’enrôler des « patriotes », autrement dit le recrutement se ferait sur des critères d’allégeance politique ! Même les syndicats de fonctionnaires les plus marqués à droite ont exprimé leur indignation. François Hollande a condamné la diatribe frontiste mais il a la mémoire courte en jouant les vierges effarouchées car il avait tenu des propos exactement semblables durant la campagne présidentielle de . Ceci étant, la polémique naît à chaque alternance et le nouveau pouvoir se hâte d’imputer ses échecs et ses retards aux prédécesseurs qui auraient truffé l’administration de séides à leur solde. Il convient de mettre en pièces ses accusations. Lors de mes fonctions ministérielles, dans les directions centrales, les établissements publics, les services déconcentrés de l’État, j’ai pu compter sur la loyauté des personnels qui étaient sous mes ordres et dont beaucoup ne faisaient pas mystère d’obédiences politiques qui n’étaient pas les miennes. Il n’y a pas de « petits » fonctionnaires gentils et dévoués d’un côté et de l’autre des hauts fonctionnaires arrogants et captieux. Nous avons sans doute la meilleure haute fonction publique du monde et il suffit de s’asseoir derrière le chevalet France, dans un Conseil européen ou une conférence internationale, pour le constater. Nos diplomates, les membres des cabinets ministériels et de notre représentation permanente à Bruxelles sont jalousés et respectés. Mais ils et elles ont aussi toute légitimité à se mettre en retrait d’un pouvoir qu’ils estimeraient conduire une politique néfaste pour le pays. La loyauté ne peut se confondre avec la servilité et le renoncement.
Mardi
Ce matin sur RTL, le secrétaire d’État, Jean-Marie Le Guen exclut d’apporter son soutien à Benoît Hamon et tient à son encontre des propos extrêmement durs qualifiant ses propositions de « programme de rupture » et « d’économie vaudou » .Avecdes amis pareils, Hamon n’a pas besoin d’adversaires. Toutefois on imagine sans peine le désarroi des ministres sommés au nom de la fidélité partisane de soutenir un candidat qui ne cesse de leur asséner qu’ils et elles ont mené des politiques catastrophiques. Denis Lindon – qui introduisit en France la pratique des sondages – insistait toujours sur le fait qu’il était inutile pour un politique ou un entrepreneur de tenter de séduire les marges de son public tant qu’il n’avait pas conforté sa cible primaire. Il est étonnant de voir Benoît Hamon perdre trois semaines de campagne à jouer de la mandoline sous le balcon d’un Jadot dont le parti doit compter à peine cinquante militants par département et dont plus de la moitié rêve de voter Mélenchon. Le seul réservoir de voix du candidat socialiste se situe bien dans l’héritage de François Hollande. Personne n’en veut, c’est compréhensible mais ne pas l’accepter va lui coûter cher.
Vendredi
Raymond Kopa est mort. Nous perdons une des plus belles figures du football français, acteur d’un temps bien lointain où ce sport n’était pas synonyme de salaires indécents et de comportements inconvenants. Il avait commencé sa carrière professionnelle au SCO d’Angers et avait choisi de s’installer dans cet Anjou si cher à son coeur. Il eut toute sa vie un comportement citoyen irréprochable, se dévouant ainsi pour la recherche contre le cancer. Militant gaulliste convaincu, avec sa femme Christiane qui fut conseillère municipale, il était pour moi un ami et un compagnon de tous les combats. Me vient le souvenir d’un déjeuner à La Turballe où nous profitions du soleil breton pour déguster un plateau de fruits de mer. À peine assis dans le restaurant, Raymond fut repéré par le personnel et les clients. Des gamins l’aperçurent à travers la vitre et nous entendions : « Viens voir, c’est Kopa! ». Au dessert, le cuisinier apporta un gâteau confectionné en urgence et orné d’un ballon en chocolat. Tout le monde voulait une photo et un autographe. Sa carrière footballistique était pourtant terminée depuis presque quarante ans et il était resté pour tous ces gens – dont la plupart ne l’avaient jamais vu jouer – le symbole de la classe morale et sportive. Oui, Raymond Kopa, c’était vraiment un homme bien.
Samedi
La semaine politique se termine sur le drame personnel de François Fillon et politique de la droite française. Dans cet invraisemblable imbroglio médiatico-judiciaire, je me garderai bien de toute condamnation ou absolution puisque les éléments d’enquête qui ont conduit le Parquet national financier à passer la main au trio de magistrats conduit par le juge Tournaire sont inconnus de tous. Quand nous aurons connaissance de ces pièces, nous pourrons alors déterminer si le complot dénoncé par beaucoup est constitué ou si l’ancien Premier ministre, Marc Joulaud son suppléant et le patron de La Revue des deux mondes ont bien rémunéré son épouse sans la contrepartie d’un travail effectif. Quel que soit la réalité des incriminations, il faut avouer que le spectacle donné par le sauve-qui-peut général des ténors de la droite n’a rien de très reluisant. La présomption d’innocence aurait pourtant dû conduire à un peu plus de retenue et l’image des rats qui quittent le navire est plus que jamais d’actualité. Par ailleurs, rien n’empêche François Fillon de demander aux juges d’avancer son audition pour présenter les preuves qu’il dit détenir de l’effectivité des tâches accomplies par son épouse. Il peut également, accompagné de Marc Joulaud, les présenter à la presse et à l’opinion publique et éteindre ainsi en quelques heures l’incendie qui est en train de ravager la campagne présidentielle, de carboniser la droite française et de nous ridiculiser aux yeux du monde entier.