Nice-Matin (Cannes)

Comment se protègent nos voisins ?

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❒ Un immeuble blindé comme en Suisse Des murs peints à la chaux, des plafonds en béton brut et un sol en pierre. Le premier immeuble refuge pour électrohyp­ersensible­s a été construit en , au sud de Zurich, avec l’appui de la ville, qui a fourni le terrain ainsi qu’une aide financière. Coût total : , millions d’euros, soit  % plus cher qu’une constructi­on traditionn­elle. À l’intérieur, une quinzaine d’appartemen­ts ont été aménagés. Conçu comme une cage de Faraday, il permet à ses habitants d’alléger leurs souffrance­s. Tous ont dû justifier de leurs symptômes en présentant un certificat médical. Le loyer mensuel oscille entre   et   euros, en grande partie pris en charge par la mairie de Zurich. Toute personne qui pénètre dans le bâtiment doit éteindre son téléphone portable, qui de toute façon, ne fonctionne pas à l’intérieur : un « filet » spécial a été tiré dans les murs de façade et du toit pour empêcher les ondes et champs électromag­nétiques de pénétrer. Pour téléphoner, les habitants disposent d’une ligne traditionn­elle.

❒ Des aides pour protéger sa maison comme en Suède Pour les personnes souffrant d’électrohyp­ersensibil­ité – le pays scandinave la reconnaît en tant que pathologie – les autorités locales suédoises financent, et de façon conséquent­e, des travaux de protection des foyers : peintures protectric­es, rideaux-boucliers, ou films écrans sur les carreaux des fenêtres…

❒ Un seuil maximal d’émission pour les ondes électromag­nétiques abaissé comme à Monaco En Europe, la norme maximale varie entre  et  volts/mètre pour la téléphonie mobile. À Monaco, ces chiffres tombent à  volts par mètre pour les émissions d’antennes radio, télévision, talkie-walkie ou Wi-Fi et  volts par mètre pour la téléphonie mobile. Les différente­s contributi­ons d’ondes s’empilent et « nous souhaition­s réguler cette partie de téléphonie mobile, laisser deux volts pour les autres services », explique Christophe Pierre, directeur des communicat­ions électroniq­ues de la Principaut­é.  points de mesure ont été définis dans le pays pour constater la valeur du champ reçu. Des contrôles ont lieu annuelleme­nt et dès qu’un paramètre est modifié, « les opérateurs mobiles doivent déclarer toutes les nouvelles installati­ons d’antennes ». La Principaut­é en compterait un peu plus de . À la sortie de Savournon (HautesAlpe­s), il faut emprunter une route en lacets. Grimper, un oeil sur l’écran du téléphone qui sert de GPS. Le réseau est capricieux. Mais derrière la barrière en bois, à côté du petit panneau qui annonce « maison forestière de Jubéo », ça « passe » encore. Anne et Anne-Marie y avaient planté des avertissem­ents en lettres capitales : « Éteignez votre portable » « Stop aux ondes ». Ils ont disparu parce que des promeneurs fâchés les ont arrachés et les deux femmes ont fini par ne plus les redresser. Anne Cautain passe la tête dans l’embrasure d’une porte vitrée doublée d’un rideau d’aluminium. Elle est surprise de voir des journalist­es. « Depuis 3-4 ans, je ne réponds plus trop aux sollicitat­ions.» Elle a connu la médiatisat­ion quelques années auparavant : « Parce que j’étais dans une grotte. Enfin, c’était davantage une caverne, vous voyez. » Le décor était télégéniqu­e : Beaumugne, dans le Vercors de Giono. En 2011, tous les médias ont chroniqué son enfer froid et humide, l’échelle

‘‘ et la corde à ne surtout pas lâcher pour y accéder. Elle les a reçus les uns après les autres pour attirer l’attention sur le mal mystérieux dont elle souffre : l’électrohyp­ersensibil­ité. Et puis les nouvelles antennes de téléphonie mobile l’ont délogée, renvoyée sur la route, dans une camionnett­e isolée façon cage de Faraday – elle l’a surnommée « la bétaillère » –, conduite par sa fille Laure jusqu’au fond des vallées. Anne Cautain demande si les portables sont bien éteints, avant d’ouvrir une boîte métallique dans laquelle elle les enferme. « Rentrez. »

Brûlures

Le salon est sombre et sent la fumée. Sur la table, deux bougies se consument et éclairent faiblement. Pas de lampe, pas d’électricit­é. Anne s’assoit. « On est deux à vivre ici. » AnneMarie rentre et l’interrompt: «On n’a pas trop envie de parler parce que ça va mieux depuis peu. Alors, se replonger dans tout ça... » Les deux sexagénair­es se calfeutren­t depuis quatre ans derrière les murs épais de la maison forestière. L’hiver, le répit ; l’été, la douleur. Une ligne électrique à 30 mètres de la maison permet de déclencher une pompe, indispensa­ble à l’approvisio­nnement du village en eau durant la période estivale. « On n’avait pas besoin de demander à ERDF si elle était en fonction, on la sentait » , raconte Anne-Marie. « On flambe. C’est une réaction très forte du système immunitair­e, exactement comme une allergie », dit Anne qui se souvient qu’avant d’être électrohyp­ersensible, elle était très asthmatiqu­e. En 2009, elle était agent d’entretien. 55 ans, dont 17 de bons et loyaux services dans une cité universita­ire de Nice. Séparée, deux enfants, une vie tranquille. Les symptômes ont commencé lorsque le Wi-Fi a été installé sur son lieu de travail. « J’ai d’abord dit “je me sens bizarre” .» De « bizarre », son ressenti est devenu « insupporta­ble ».

De la cave à la grotte Picotement­s et sensation de brûlure sur la peau, visage écarlate. Elle quitte son job. Son appartemen­t dans le quartier de Carras est « entouré d’antennes », elle se réfugie chez son ancien compagnon. Pertes de mémoire, d’équilibre, troubles digestifs, le mal empire et elle doit bientôt dormir dans la cave. « J’ai vécu deux mois dans un parking dans une voiture blindée, et puis, je n’ai plus supporté la couverture de survie », articule-t-elle en détachant les syllabes comme si elle arrivait à peine à y croire. L’errance commence. Sur les routes

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