Nice-Matin (Cannes)

Asloum et sa team à la Palestre ce soir

Manager des Roosters Fighters pour la rencontre France-Italie de boxe ce soir à La Palestre, l’ancien champion du monde et olympique nous parle de sa vie d’après…

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr

Ses cheveux n’ont plus la teinte peroxydée, couleur or qu’il avait brillammen­t conquis aux JO de Sydney en 2000. Brahim Asloum porte plutôt une barbichett­e et des lunettes, preuve que le «Petit prince» du ring a grandi avec son temps. À son poignet droit, les anneaux Olympiques à jamais tatoués dans sa chair. Sa «plus belle victoire » éternellem­ent gravée dans sa mémoire. Silhouette à peine épaissie, depuis qu’il est passé de l’autre côté des cordes, à la fin de sa carrière sportive en 2009, à seulement 28 ans. Manager des Roosters Fighters (Coqs combatifs) pour la rencontre France-Italie de ce soir, le gamin de Bourgoin revient à la Palestre, où il connut le sacre (2007, champion du monde pro WBO) après la défaite, quelques mois plus tôt. Acteur, consultant télé et radio, porte-parole d’une certaine idée du noble art et de ses valeurs, ce « poids lourd » médiatique qui combattait jadis en poids mouche nous a accordé une interview, lors du déjeuner Cannes Radio. Courtois, bien élevé. Mais avec son franc parler. Sans forcément mettre de gants. Mais toujours OK, plutôt que KO.

La Palestre, une salle où vous êtes passé par toutes les émotions en  ?

Ah… je me souviens d’être devenu enfin champion du monde contre l’Argentin Reveco, mais j’avais complèteme­nt oublié ma défaite ici quelques mois plus tôt. En réalité, je n’en garde que les bons souvenirs, car au Cannet, c’est mon plus beau public. La salle était toujours remplie, avec de vrais connaisseu­rs. Et puis sur la Côte d’Azur, les conditions étaient idéales pour préparer un combat. La Palestre, c’est une salle mythique, et j’y reviens toujours avec grand plaisir.

Champion Olympique puis champion du monde pro, avec le recul, vous le voyez comment ?

Ca a été très dur, mais c’est une vraie fierté d’y être arrivé. J’aurais pu prolonger ma carrière encore quelques années sans une brouille avec mon diffuseur (NDLR : Canal +, qui voulait réduire son cachet par combat, malgré son titre). Mes titres, c’est acquis. Mais je suis superconte­nt d’être en bonne santé, pas abîmé. Et ce que je suis, c’est ma plus belle victoire.

Vous êtes né dans une cité près de Bourgoin-Jallieu. Pourquoi la boxe plutôt que le rugby ?

Un jour, j’ai assisté à un gala, et j’ai vu un petit de  ans qui boxait avec un style merveilleu­x, un vrai artiste du ring. Ce fut une révélation. J’avais  ans, j’ai dit à mon frère : demain, je m’inscris à la boxe ! Il a rigolé, mais au bout d’un an, j’étais champion de France scolaire. Très tôt, je me suis imposé un double objectif : achever ma carrière en bonne santé ; et finir en champion, sans le combat de trop.

Au-delà de votre palmarès, qu’est ce que la boxe a apporté à l’homme que vous êtes ?

La boxe m’a fait grandir. Petit, j’étais très timide et

complexé. À  ans, je mesurais , m pour  kg ! Personne n’imaginait que je puisse faire de la boxe ! J’ai passé un deal avec ma mère : j’en faisais, à condition de bien travailler à l’école, et de ne pas m’esquinter le visage. D’où ma technique, pour esquiver les coups. Les valeurs de la boxe m’accompagne­nt toujours : persévéran­ce, fierté, confiance en soi, et un respect qui découle aussi de l’éducation parentale.

À cet égard, vous n’aimez pas trop qu’on vous considère comme un « symbole » d’intégratio­n réussie ?

À un moment, un symbole, on l’abîme, ou il se casse la gueule. Mais quand on est exposé, on a tous un rôle à jouer pour inspirer le meilleur plutôt que le pire. Bien sûr, je suis très inquiet de la situation actuelle, mais je ne veux pas tomber dans la récupérati­on politique. J’en fais d’une certaine manière, mais c’est de la politique sportive. Droite ou gauche, je vise à procurer les mêmes émotions. Le but est d’éviter les extrêmes. Et la boxe est un outil que l’État devrait davantage promouvoir, afin d’offrir des passerelle­s à ces jeunes de quartier qui vivent avec peu de moyens, même s’ils ne seront pas tous champions.

Au cinéma, vous avez incarné Victor Young Perez, boxeur juif tunisien mort à Auchswitz, ce n’est quand même pas anodin ? Tout le monde sait que je suis un Français musulman donc avec ce rôle, le message passe, sans avoir besoin de le dire. Hier, la communauté juive était discriminé­e, aujourd’hui, tout est encore en place pour que de tels faits se reproduise­nt, avec la communauté musulmane en première ligne…

Le e art, un autre noble art ? Ah, j’ai kiffé ! J’y ai retrouvé les

mêmes sensations que dans la boxe, et j’allais sur le tournage comme un gosse à l’entraîneme­nt ! Après ce film, j’ai pris des cours de théâtre à l’école « Les enfants terribles », c’était génial. Ensuite, j’ai préféré attendre la bonne propositio­n, mais j’ai déjà eu la chance d’avoir un premier rôle.

Un autre rôle en perspectiv­e ?

Des discussion­s sont en cours pour un scénario, encore inspiré d’une histoire vraie : celle d’Alain Mimoun (NDLR : champion olympique du marathon en ). Lui était né en Algérie, mais je représente sans doute la relève de ce qu’il a entrepris. La France est mon pays que j’aime, mais quelque part, je suis aussi son héritier. Il me l’avait fait comprendre avant de mourir.

Vous êtes aujourd’hui en paix avec votre image médiatique, parfois chahutée lorsque vous étiez boxeur ?

Depuis que j’ai arrêté la boxe, je vis ce qu’il y a de meilleur dans la notoriété. Je n’ai que des sourires et des bonjours, on vient me serrer la main, ce n’est que du positif. C’est sans doute le fruit de mon comporteme­nt exemplaire sur le ring, même si j’ai été critiqué, ce qui est normal. Certains n’ont pas apprécié que lors de mes premiers combats, je monte sur le ring en dansant. Ce n’était pas pour me la raconter, mais à  ans, après tous les efforts consentis à l’entraîneme­nt, je voulais que ce soit une fête aussi ! Louis Acariès m’a fait comprendre qu’il valait mieux gommer certaines attitudes. Dans ce métier, j’ai aussi eu la chance d’avoir rencontré le bon mentor.

Vous combattiez en poids mouche. Au regard de votre influence, vous êtes désormais un poids lourd ?

(Presque gêné). Je ne saurais pas le dire. Je suis un enfant de la cité, et un fils de la République. À la limite, je veux bien qu’on m’utilise, mais uniquement pour l’intérêt général.

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 ?? (Photos A.C./P. Lapoirie/DR) ?? Retraité des rings, Brahim Asloum prend la pose du « chef » au Bistrot des Anges de Bruno Oger au Cannet.
(Photos A.C./P. Lapoirie/DR) Retraité des rings, Brahim Asloum prend la pose du « chef » au Bistrot des Anges de Bruno Oger au Cannet.
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