Nice-Matin (Cannes)

« Ce ne sont pas les parents de Marwa qui gagnent »

Jean Leonetti, rapporteur de la loi sur la fin de vie

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURE BRUYAS lbruyas@nicematin.fr

Le Conseil d’État a ordonné la poursuite des soins de Marwa...

Le Conseil d’État est juge en droit. On peut rapprocher ce cas de l’affaire Vincent Lambert [cet infirmier dans un état végétatif dont la famille se déchire, N.D.L.R.]. Mais dans ces deux dossiers, le Conseil d’État dit des choses différente­s.

Pourtant, il n’y a qu’une seule loi...

La loi de  a défini l’acharnemen­t thérapeuti­que : on peut arrêter un traitement seulement lorsqu’il n’a pas d’autre but que le maintien artificiel de la vie. Le Conseil d’État pouvait suspendre le traitement de Vincent Lambert pour deux raisons. D’abord, il n’y avait, chez lui, aucune conscience et aucune capacité de relation à l’autre. Ensuite, sa volonté pouvait être présumée puisque, dans son entourage, un certain nombre de personnes disaient qu’il avait émis le souhait de ne pas continuer à vivre en état végétatif si jamais cela lui arrivait.

Marwa, elle, est trop petite pour donner son avis…

On ne peut pas imaginer l’opinion de l’enfant en si bas âge. La seule référence, c’est l’autorité parentale. L’avis des parents revêt une importance particuliè­re. Deuxième élément : il y a une évolution de la conscience de l’enfant. Pour Vincent Lambert, on a  ans de recul : on sait que cela n’évoluera pas. Pour Marwa, il y a une incertitud­e. Enfin, on est là sur une procédure de référé, c’est-à-dire dans une décision d’urgence. On comprend que le juge ne prenne pas dans l’urgence une décision qui arrête toute poursuite de l’évolution juridique. Le juge s’appuie sur un droit fondamenta­l : la vie .

La loi dit pourtant que l’avis des médecins prime ?

Dans la loi, la décision de l’obstinatio­n déraisonna­ble est médicale. On ne peut pas faire porter la responsabi­lité d’arrêt de traitement de survie à des parents. Dans la réalité, tout est fait pour arriver à un consensus. Aujourd’hui, ce n’est pas les parents de Marwa qui gagnent contre les médecins. Dans cette situation tragique, personne ne gagne. Je ne connais pas le dossier médical, je ne sais pas qui a raison. Mais on peut comprendre des parents qui voient un regard qui s’accroche à leurs regards. Et, en même temps, on peut comprendre des médecins qui constatent des lésions catastroph­iques et irréversib­les pour cet enfant. La prudence du juge, c’est de se dire donnons-nous du temps, dialoguons. Si on refait l’IRM dans six mois, que les lésions de Marwa se sont aggravées, peutêtre que les parents, dans le calme et la sérénité, pourront prendre la moins mauvaise décision.

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