«Ristourne» au Sénat: de nouveaux éléments
Cinq ans après avoir été lancée, l’enquête sur de possibles détournements de fonds publics au sein du groupe UMP (renommé depuis Les Républicains) au Sénat n’en finit pas d’explorer la complexité de ce qui apparaît de plus en plus comme un véritable système de financement occulte. Ces investigations, déclenchées à la suite d’un signalement de la cellule anticorruption Tracfin en juin 2012, et menées sous l’égide du juge d’instruction René Cros, du parquet de Paris, avaient été révélées le 20 mai 2014 par Le Parisien/Aujourd’hui en France. Elles ne portaient à l’origine « que » sur 400000 euros en l’espace de deux ans, rétrocédés par le groupe UMP à une trentaine de sénateurs de la même famille politique, par le biais de deux associations, l’Union républicaine du Sénat (URS) et le Cercle de réflexion et d’études sur les problèmes internationaux (Crespi). Parmi les élus concernés auraient
(1) figuré notamment le sénateur-maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, et celui de Toulon, Hubert Falco.
(2) Mais au fur et à mesure, l’étendue de ces possibles malversations était apparue beaucoup plus vaste : elles auraient concerné jusqu’à une soixantaine de locataires du palais du Luxembourg sur douze ans, de 2003 à 2014, et pourraient atteindre pas moins de 10 millions d’euros. Le 29 janvier dernier, Mediapart et Le Journal du dimanche avaient d’ailleurs affirmé que François Fillon aurait lui-même touché sept chèques trimestriels entre septembre 2005 et juin 2007, pour un montant total avoisinant les 21000 euros – le candidat de la droite et du centre à la présidentielle n’est toutefois pas concerné actuellement par cette enquête, qui ne vise que les faits postérieurs à 2009. Six personnes, dont le sénateur Les Républicains, et exprésident du groupe UMP au Sénat, Henri de Raincourt, ont déjà été mis en examen, notamment pour « recel de détournements de fonds publics ».
Des emplois fictifs d’assistants parlementaires ?
Nouveau rebondissement, donc, hier: selon Le Journal du dimanche, outre cette première pratique frauduleuse, le groupe UMP du Sénat avait aussi mis en place un système d’emplois fictifs d’assistants parlementaires. Une «comptabilité clandestine» aurait été découverte lors d’une perquisition au palais du Luxembourg. Une dizaine de sénateurs auraient rémunéré des collaborateurs… qu’ils auraient ensuite mis à disposition de leur groupe parlementaire; «puis l’UMP reversait en sous-main à ces sénateurs une partie des salaires de leurs collaborateurs détachés», affirme l’hebdomadaire, qui évoque le cas de la sénatrice des Hauts-de-Seine Isabelle Debré et, encore une fois, celui d’Hubert Falco (ce dernier aurait «délégué deux postes à son groupe, qui le créditait ensuite de 8 200 euros », selon un document de juillet 2013). «Selon plusieurs sources, [le juge René Cros] s’apprête à convoquer une série de nouveaux sénateurs», indiquent nos confrères, qui citent Henri de Raincourt : « Cela va faire du monde. Toute une armée mexicaine. » 1. L’astuce aurait consisté à reverser à leur groupe parlementaire, au lieu de le redonner au Sénat lui-même, une partie des 9 000 euros alloués à chacun pour rémunérer leurs assistants, et dont ils n’avaient pas forcément l’usage en intégralité. Ce qui est légal. Mais en contrepartie, ledit groupe leur aurait reversé à titre personnel, via ces associations, environ un tiers des sommes concernées. 2. Le 13 janvier 2016, celui-ci s’était exprimé sur le sujet dans nos colonnes : « Il n’y a rien de nouveau depuis 2012. Je me suis déjà expliqué. Quand je suis arrivé au Sénat, j’ai suivi la règle en vigueur dans mon groupe. Comme je l’ai déjà dit, entre 2009 et 2012, le groupe UMP m’a versé la somme de 12401 euros [soit environ 3100 euros par an, Ndlr]. Ces virements, je les ai bien sûr déclarés à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Par ailleurs, mon groupe me prélevait chaque mois, jusqu’en 2014, 740 euros par mois. »