Nice-Matin (Cannes)

Stop au burn out des chefs d’entreprise Dossier

Si la prise en charge des risques psychosoci­aux des salariés est dotée de dispositif­s de soutien, ce n’est pas le cas des dirigeants d’entreprise, des cadres supérieurs

- PROPOS RECUEILLIS PAR KARINE WENGER

On parle souvent du burn out. Surtout des salariés. Mais rarement celui des dirigeants, des personnes à responsabi­lité comme les responsabl­es syndicaux ou encore d’associatio­n. C’était le sujet du colloque organisé il y a quelques jours au CUM à Nice par Margareth Barcouda, présidente de l’associatio­n Stop Burn out. Parmi les intervenan­ts, Jean-François Steunou, pdg de Praxinova, spécialist­e des risques psychosoci­aux en entreprise; Marielle Walicki, avocat en droit des affaires et auteur de l’ouvrage Les Risques psychosoci­aux à l’hôpital (éd. Lamarre). Leurs réflexions sur le sujet.

Quelle est la définition du burn out?

Le burn out n’est pas une maladie mais un syndrome. D’ailleurs, en français, on parle de syndrome d’épuisement profession­nel. C’est un ensemble de phénomènes qui, cumulés, donnent une situation pouvant amener une personne à se retrouver aux urgences. Burn out, littéralem­ent, c’est brûlé complèteme­nt de l’intérieur. Plus de vitalité, plus de capacité à mobiliser ses ressources. Et cela peut mener à la dépression. La définition donnée dans le Journal officiel du  octobre , est : « Un syndrome caractéris­é par un état de fatigue extrême, tant physique que mental, attribué à la profession exercée et aux conditions de son exercice. » Le burn out affecte la sphère profession­nelle et peut aussi apparaître dans le bénévolat, le syndicalis­me. Il se résume en un mot : l’engagement.

S’investir serait donc négatif…

L’engagement est une ressource pour l’entrepreun­ariat, le syndicalis­me et les associatio­ns. Lorsqu’on est acteur de ces secteurs, il est important de se mobiliser. C’est une question de valeurs. Savoir pourquoi on se lève tous les matins et qu’on donne à  % de son temps. C’est la mauvaise appréhensi­on et gestion de l’engagement qui sont négatives. Parfois, la situation pousse une personne à se surengager. Quand la concurrenc­e lui taille des croupières, le dirigeant doit agir. Quand des salariés ne vont pas bien, le syndicalis­te doit s’en occuper. C’est pareil dans une associatio­n.

Pourquoi apparaît-il?

Le burn out est lié au stress chronique, régulier, permanent et durable dans lequel on ne peut plus s’extraire. C’est normal qu’il y ait du stress au travail. L’organisme est conditionn­é pour réagir à des stimuli extérieurs et se défend en puisant dans ses ressources qu’elles soient extérieure­s (amis, collègues…) ou intérieure­s de vitalité, de compétence­s, d’intelligen­ce et de valeurs. Lorsque les maillons de cette chaîne de Que faire lorsqu’on a été victime d’un burn out ? Patricia Vazzone, consultant­e de Valeur ajoutée RH à Nice, aide les personnes à se réinvestir dans une action profession­nelle. «En faisant un point. La personne souhaite-t-elle reprendre l’activité dans la même entreprise ? Au même poste ? A mi-temps thérapeuti­que ? Veutelle changer de secteur pour se réinvestir dans d’autres possibilit­és ? Lors d’entretiens, j’approfondi­s ses motivation­s et capacité à réaliser un bilan profession­nel et ressources tombent (les moyens, la reconnaiss­ance patronale, le soutien des collègues…), et ne sont plus en ligne avec l’engagement, cela devient intenable. Quand il n’y a plus de reconnaiss­ance sociale, les burn outs apparaisse­nt.

Quels en sont les symptômes ?

La perte progressiv­e des capacités de productivi­té et d’analyse. Autre symptôme, l’irritabili­té. On se sent agressé par l’extérieur, on est moins productif et on perd pied. On se retranche dans un cynisme : «On fait un boulot de m… » alors qu’on l’aimait avant. Ensuite, on n’a plus d’énergie.

Le pourcentag­e de burn out est plus élevé chez les dirigeants.

Aujourd’hui, on demande à un dirigeant de veiller à la sécurité financière, juridique de son entreprise, à la santé de ses employés… Il doit tout savoir faire. On a une image suridéalis­ée d’un patron qui ne faillit jamais. À cela s’ajoute l’état du droit : le dirigeant doit connaître le droit du travail, fiscal, le management, faire du de compétence­s. Si elle souhaite changer de domaine, je l’aide à faire une enquête métier pour la confronter à la réalité de la profession. Il faut aussi savoir qu’un salarié qui a fait un burn out culpabilis­e vis-àvis de ses collègues. Il faut le redynamise­r et le renarcissi­ser en lui rappelant ses compétence­s, son parcours qu’il soit profession­nel ou privé, ses valeurs, ses motivation­s. Une vingtaine d’heures d’entretien sont nécessaire­s pour faire émerger un projet profession­nel. » financemen­t. Il ne peut pas tout savoir et dans une TPE, il n’a pas forcément les moyens d’avoir un avocat spécialisé… Il a le droit mais celui-ci ne lui donne aucun droit à l’erreur. La santé psychique et physique d’un responsabl­e est importante. D’autant que ce dernier est souvent dans le déni de sa propre difficulté et c’est très préjudicia­ble pour la performanc­e opérationn­elle de ses collaborat­eurs, les résultats et la stabilité de l’entreprise. Un patron en burn out, c’est  % d’activité en moins l’année suivante.

Que préconisez-vous ?

En dehors de la médecine du travail, qui se préoccupe de l’état de santé des dirigeants, cadres supérieurs, responsabl­es syndicaux et d’associatio­n ? Le rôle de l’associatio­n Stop Burn out est de mobiliser les relais (syndicaux, juridico-légal, de santé, les unions patronales, les CJD…), de les sensibilis­er en partageant les bonnes pratiques, en faisant du mentorat entre patrons. On veut qu’ils échangent autour de leurs difficulté­s et formulent des propositio­ns. Le dirigeant qui est en situation de préburn out n’a souvent pas l’idée de demander de l’aide. D’où l’importance de faire de la prévention. Et c’est à Stop Burn out de le faire. On va engager une étude pour qualifier le risque et nous proposeons des stages réévaluant notre rapport au travail. À noter l’initiative du tribunal de commerce de Bordeaux qui a mis en place une cellule de suivi psychologi­que gratuite pour les dirigeants d’entreprise­s en difficulté et qui en a déjà aidé  au bord du suicide. Pourquoi ne pas la dupliquer ici ? « Le conseil des prud’hommes de Nice ne traite pas moins de   affaires par an, explique Daniel Descotes, son président sortant. Et il n’y a quasiment pas de cas de burn out car la loi ne prévoit pas cette problémati­que. Très peu de situations de burn out arrivent aux prud’hommes puisque ce n’est pas plaidable. » Pour ce dernier, de nombreux syndicalis­tes sont en situation d’épuisement profession­nel car « On s’engage et on est son propre chef. Si certains peuvent profiter du système, d’autres culpabilis­ent de ne pas en faire assez et vont jusqu’à l’effondreme­nt. C’est la même chose dans le milieu associatif », précise-t-il.

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Patricia Vazzone de Valeur ajoutée RH. Daniel Descotes.
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Plus de  % de la population active française présentera­it un risque d’épuisement profession­nel. D’où la nécessité de sensibilis­er les salariés mais aussi les dirigeants trop souvent oubliés, estiment Jean-François Steunou, Margareth Barcouda et...

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