« Ce n’est plus un sujet de conversation »
À Cap-d’Ail, Jean Botticini et sa soeur Jeanine accueillent les clients dans la brasserie familiale – Chez Edmond’s. Un repaire où l’on parle de tout… Mais surtout plus d’élections !
Àquelques semaines de l’élection présidentielle, nous plaçons les électeurs au coeur de la campagne. Chaque jour, un lecteur nous sert de guide dans son environnement (quartier, immeuble, association, club, entreprise, commerce) à la rencontre de ceux qui en sont acteurs. Ils commentent la campagne présidentielle, l’attitude des candidats, évoquent leurs convictions, leurs doutes, leurs attentes. Leurs coups de gueule aussi. Aujourd’hui, tour d’opinions à la brasserie Edmond’s de Cap-d’Ail, avec Jean Botticini.
C’est le lieu où se retrouvent tous les Cap-d’Aillois depuis des décennies, où tout le monde boit, mange, parle. Discute oui, de tout, sauf d’une chose: les élections! Parce que voilà, chez Edmond’s, la campagne présidentielle française, plus personne ne veut en parler ; plus personne ne veut en entendre parler. À la tête de la brasserie, Jean Botticini, en a assez, comme les clients. « Ils sont saturés, explique le patron. Avant, nous mettions BFM TV. Depuis un mois et demi, c’est fini ! Une chaîne de loisirs, de musique, ça détend. » Mais la présidentielle quand même ?... « Ce n’est plus le sujet de conversation. C’est tellement abracadabrantesque. Je comprends les clients. Pour des gens qui sont supposés donner l’exemple, les politiques nous offrent tout le contraire. Ce ne sont plus des référents. » Dans une ville où la droite a frôlé les 70 % avec Nicolas Sarkozy en 2012, bien malin celui qui pourrait faire de justes pronostics aujourd’hui. Jean Botticini pense qu’il y aura « sûrement davantage d’abstentionnisme. » En 2012 toujours, ils étaient 18,93 % au second tour à ne pas s’être rendu aux urnes (21,15 % au premier tour). Mais ce climat délétère ne réjouit personne. « C’est malsain. Les gens risquent de voter pour des candidats malgré eux et le regretter. Nous accueillons beaucoup d’étrangers chez Edmond’s. Beaucoup d’Anglo-Saxons, de Hollandais, de Germaniques… Leurs médias nous ridiculisent. » Alors, c’est le trop-plein. Jeanine confirme : « Les gens disent “Oh ne m’en parlez pas !” Ils se sont énervés. Maintenant, ils sont dégoûtés. Alors ils préfèrent devenir indifférents. C’est un phénomène nouveau. Il n’y a plus de discussion politique. Avant on parlait, on débattait des idées… Quant aux étrangers, ils se moquent de nous. Aujourd’hui personne ne veut plus être français. » Mais qu’est-ce qui pourrait bien faire renaître la flamme ou au moins le goût de la politique ? Parmi les clients, Guillaume Barclay, le fils d’Eddie, espère « de nouvelles têtes ». Aujourd’hui photographe, il voulait faire Sciences Po quand il était étudiant. « Je voulais m’engager. J’ai bien fait d’orienter ma vie différemment. Il y a un abaissement de la vie politique. C’est la première fois que le résultat est si incertain. Aujourd’hui, la campagne est polluée par des choses tristes et c’est bien dommage. Les pratiques ont changé. Il faut payer ses PV, ses costumes. C’est tout ! » Alors dans cette défiance généralisée, Jean n’a qu’un repère: «Jesuis bien avec mon maire. Je suis régionaliste. » Et sa soeur de l’exprimer autrement: « Je continue à être impliquée parce que j’aime Cap-d’Ail. » Vivement que l’été revienne à l’ombre des villas Belle Epoque !
‘‘ Les politiques ne sont plus des référents.”