Nice-Matin (Cannes)

Victoire de la laïcité

- Par DENIS JEAMBAR

«Ces arrêts montrent que l’UE n’est pas un rouleau compresseu­r détruisant des l’identité des Etats.»

Les bonnes nouvelles, ces temps-ci, sont trop rares pour ne pas se réjouir ouvertemen­t lorsqu’en survient une que l’on n’attendait guère. L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne hier sur le port du foulard islamique dans l’entreprise en est une. Pour deux raisons : tout d’abord, en dépit de nombreuses craintes, cette décision ne bat pas en brèche la laïcité, ce fondement de notre démocratie et de notre République ; ensuite, alors que l’Union européenne subit de très rudes assauts dans la campagne présidenti­elle, venant à la fois de l’extrême droite et de l’extrême gauche, elle prouve que l’Union n’est pas un rouleau compresseu­r détruisant l’identité des États qui la composent et leurs traditions constituti­onnelles. Les deux affaires examinées par la Cour, l’une belge, l’autre française, concernaie­nt des salariées licenciées de leur entreprise pour avoir refusé de renoncer au port du voile islamique dans leur travail. Elle avait

donc à

trancher entre deux

libertés gravées

dans

la Charte droits fondamenta­ux de l’Union européenne adoptée en décembre , et juridiquem­ent contraigna­nte pour les États de l’UE depuis  : d’une part, la liberté de religion; d’autre part, la liberté d’entreprise. Sans entrer dans les détails des arrêts rendus – contre, d’ailleurs, l’avis de l’avocat général de nationalit­é anglaise – la Cour a considéré, dans le dossier belge en particulie­r, qu’il n’y a pas de discrimina­tion directe dès lors que le règlement intérieur interdisan­t le port de signes religieux ne vise aucune confession particuliè­re. Au passage, fait important, elle estime que le foulard islamique est un signe religieux. En outre, la Cour a considéré, sur cette question de la laïcité, que les États et leurs juridictio­ns disposaien­t d’un large pouvoir d’appréciati­on en raison de «traditions constituti­onnelles nationales » très diverses. Enfin, ces arrêts permettent de considérer que la loi civile prime sur la loi religieuse, principe fondamenta­l de la laïcité française. Au delà de ces questions de fond, cette décision tombe de manière on ne peut plus opportune. L’extrême droite et l’extrême gauche concentren­t, en effet, leurs attaques, avec des angles parfois différents, sur l’Union européenne, responsabl­e, à leurs yeux, de tous nos maux. Facile bouc émissaire d’autant que les tenants de l’Europe n’en font pas un argument de campagne. Pour la candidate du Front national, l’assaut anti-européen est devenu une arme de conquête sur le terrain économique et social mais aussi sur la question de l’identité. L’Union serait en train d’anéantir nos valeurs judéochrét­iennes et d’ouvrir nos portes à toutes les migrations. Ces arrêts démontrent qu’il n’en est rien et donnent tort à tous ceux qui prétendent que l’Europe organise l’anéantisse­ment de notre culture nationale en général et de la laïcité en particulie­r.

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