Picon-citron
Une base de socialisme orthodoxe, c’est-à-dire de redistribution, une bonne dose de Montebourg (priorité au « made in France », nationalisations temporaires), une grosse mesure de Jadot, une rasade de Peillon, quelques gouttes de Pinel, et beaucoup d’eau pour diluer le tout : la recette du socialisme façon Hamon ressemble assez à celle du Picon-citron vue par Raimu, dans Marius. Pas sûr que ça rentre dans le verre. Mais il fallait bien tout ça pour relancer une candidature qui peine à rassembler et, si l’on en croit les sondages, qui le mène tout droit vers une élimination au premier tour. Sommé par Hollande et Cazeneuve d’assumer le bilan, lâché par Valls, accusé d’irréalisme et de dérive gauchisante par l’aile social-libérale qui louche du coté de Macron, Benoit Hamon s’emploie à « enrichir » son programme. Oubliant certaines déclarations par trop décoiffantes, il tente sinon de ressouder la famille socialiste, du moins de stopper l’hémorragie. Peut-il encore retourner la situation et (r) amener à lui ces cinq à six millions d’électeurs de gauche indécis qui se baladent entre Mélenchon, Macron et lui ? Difficile. Mais cette campagne folle interdit les pronostics péremptoires.
Ce qu’on peut dire « Il tente sinon de
en tout cas, c’est ressouder la famille qu’il lui était difficile d’aller plus socialiste, du moins de
loin sans donner le stopper l’hémorragie. » sentiment qu’il se déjuge ou se renie. Ainsi du revenu dit « universel », qui est le marqueur de sa campagne, et qui n’a d’ailleurs plus d’universel que le nom. Dans la nouvelle mouture, passablement absconse, il s’agit en fait d’un reformatage de la prime d’activité et du RSA, étendu aux - ans. Avec un gros coup de pouce au pouvoir d’achat, d’un coût estimé à milliards, et financé par une taxe sur les profits des banques et par le rabotage du CICE. Là est la rupture avec la politique de Hollande : revanche de la politique de la demande sur la politique de l’offre. Priorité à la « feuille de paie » plutôt qu’à la compétitivité des entreprises. Reste qu’on est loin de la version initiale, parfaitement utopique. Ce compromis forcé résume le dilemme de Hamon. En gagnant la primaire, il a remporté sur le social-libéralisme hollando-vallsiste une victoire politique et idéologique… dont il ne cesse depuis de payer le prix. La primaire de la Belle Alliance Populaire n’était pas seulement une bataille d’hommes, ou d’égos. Elle mettait aux prises deux lignes politiques dont l’affrontement a miné le quinquennat. Le crash test de la primaire a creusé les fractures que la synthèse hollandaise tentait vaille que vaille de colmater. Loin de permettre au PS d’afficher un front uni, elle a accéléré sa fragmentation. Alors que la logique des primaires voudrait que les électeurs agissent en stratèges et choisissent le candidat le mieux placé pour l’emporter, cette fois, comme l’a noté Gilles Finchelstein, c’est une logique identitaire qui a prévalu : «A droite parce que ses électeurs étaient sûrs de gagner ; à gauche parce qu’ils étaient sûrs de perdre. » En votant Hamon, ils ont censuré le bilan du quinquennat. Et validé du même coup une ligne nettement décalée par rapport au centre de gravité de la gauche. De sorte que le candidat s’est trouvé en concurrence directe avec Jean-Luc Mélenchon à la gauche de la gauche, tandis qu’au centre s’ouvrait un boulevard où Macron s’est s’engouffré. Aujourd’hui, pour accéder au second tour, il faudrait à Hamon progresser sur deux fronts à la fois. Attirer à lui les électeurs effarouchés par sa radicalité qui ont filé chez Macron ; et séduire ceux qui, le jugeant encore trop socialiste, pas assez radical, ont rejoint les rangs de la « France insoumise ». Une telle opération relève quasiment de l’alchimie. Il y faudrait un art de la synthèse dont seul Hollande, peut-être, en d’autres temps, aurait été capable…