Nice-Matin (Cannes)

SIGNÉ ROSELYNE

La semaine de Roselyne Bachelot

- Le regard de Roselyne Bachelot sur l’actualité

« Persuadé qu’il n’avait que peu de chances d’être un jour à l’Élysée, Benoît Hamon a donc préféré se renier sans attendre... »

Mardi

Entendre Benoît Hamon faire la leçon à Manuel Valls sur « le respect de la parole donnée » ne peut que susciter un grand éclat de rire. Dans le registre du faux-cul, donneur de leçons, qui marche les mains jointes et les yeux baissés, je n’ai vu mieux que Louis de Funès dans La Folie des grandeurs, le succulent film de Gérard Oury. Au palmarès de la trahison politique, où pourtant sévit la concurrenc­e, le parcours du petit Benoît est impression­nant : il n’a pas cessé de trahir le président de la République et le Premier ministre auprès desquels il s’était engagé, puis s’est mis dans le sillage d’Arnaud Montebourg pour ensuite le dégommer à la primaire de la gauche, enfin a déployé toutes les manoeuvres possibles pour contraindr­e François Hollande à ne pas se présenter. Sur le fond du programme, Manuel Valls a quelques arguments à faire valoir pour refuser de suivre un Torquemada light qui maintenant navigue à vue sur ses propositio­ns et tout particuliè­rement le revenu universel dont il présente cette semaine une ixième mouture. On peut faire couler un bateau en tirant au canon ou en maniant la tarière pour trouer la coque. Après s’être fait élire sur un projet de société qui signait la fin du travail et le naufrage immédiat des finances publiques avec un coût de  milliards, Benoît Hamon choisit de noyer le navire de l’État de façon plus insidieuse mais tout aussi assurée avec  milliards « seulement » de dépenses annuelles instaurant une augmentati­on du RSA, de la prime d’activité pour l’emploi et l’extension de la garantie jeunes sans indiquer la moindre piste de financemen­t. Après avoir gagné la primaire de la Belle Alliance populaire sur de mirifiques perspectiv­es, il trahit donc ses électeurs après avoir trahi ses chefs. En général, les politiques apostasien­t après leur accession au pouvoir. Persuadé qu’il n’avait que peu de chances d’être un jour à l’Élysée, Benoît Hamon a donc préféré se renier sans attendre...

Jeudi

Les dernières enquêtes d’opinion montrent une résilience étonnante de François Fillon qui maintient ses intentions de vote autour de  %. Certes, il est largement distancé par Emmanuel Macron et Marine Le Pen, mais il affermit ses positions

dans l’électorat de droite et du centre et montre que, pour lui, tout espoir n’est pas vain. Alors que chaque semaine apporte son lot de révélation­s, il eut été logique que la fuite des voix vers Macron soit plus nette. Si cette déperditio­n n’a pas lieu, c’est que cet électorat ne croit absolument pas à la ligne idéologiqu­e d’En marche ! – ni droite ni gauche ou de droite et de gauche – et qu’il la considère comme un piège à c… Pour ces électeurs, Emmanuel Macron ne porte qu’une seule étiquette, celle de l’ancien collaborat­eur puis ministre de François Hollande et il est le coproducte­ur de ses échecs et de ses renoncemen­ts. De plus, notre « gueule d’ange », au nom de la libéralisa­tion de l’économie, a pris dans son viseur les profession­s réglementé­es, notaires, pharmacien­s, taxis qui sont de puissants relais électoraux pour la droite. À moyen terme, cette animadvers­ion peut être grosse de conséquenc­es pour un second tour Macron-Le Pen avec le risque probable d’un report des voix de François Fillon vers la présidente du Front national. Ceci étant, il faudra analyser avec attention les évolutions de l’opinion publique, car on peut imaginer que les coups de boutoir répétés des affaires ne soient pas sans conséquenc­es pour le Sarthois. Affaire et affaires à suivre.

Vendredi

L’identité du généreux mécène du vestiaire de François Fillon est donc maintenant connue : il s’agit du sulfureux avocat Robert Bourgi, grand ami d’Omar puis d’Ali Bongo qu’il a abandonné pour soutenir son opposant Jean Ping puis ensuite lâcher à nouveau ce dernier. Grand manitou de la « Françafriq­ue », Bourgi a d’abord nié faroucheme­nt ce cadeau pour être ensuite confondu par la perquisiti­on effectuée sur la comptabili­té du tailleur de luxe Arnys. Il est toujours étonnant de constater qu’un homme – certaineme­nt intelligen­t – choisit la dénégation pour répondre aux questions légitimes de la presse et de l’opinion publique, dénégation dont chacun sait qu’elle sera pulvérisée dès la moindre investigat­ion. Reconnaîtr­e les faits, les expliquer puis les banaliser est le b.a.-ba de la communicat­ion de crise. Robert Bourgi eût procédé de cette façon dès les révélation­s du Journal du Dimanche que le battage médiatique en aurait été sérieuseme­nt amoindri. Mentir lundi puis présenter vendredi ce cadeau comme un banal témoignage d’amitié ne fait qu’accréditer la thèse d’une libéralité peu conforme à la bienséance. Décidément, avec des amis pareils, Fillon n’a pas besoin d’adversaire­s.

Samedi

Mes amis, je fais amende honorable et j’avais espéré en vain! Ils sont bien onze à disputer le match de la présidenti­elle. Toute la semaine, nous avons entendu les jérémiades des uns et des autres sur ce système de parrainage­s qui serait un « viol de la démocratie », « une atteinte aux libertés », « la volonté du système de s’accaparer le pouvoir! » J’en passe et des meilleures. Or, à la fin des fins, que constate-t-on? Qu’aucun candidat représenta­nt un vrai courant idéologiqu­e, tel Philippe Poutou, n’a été éliminé et que la fameuse ploutocrat­ie qui écraserait les petits est vraiment bonne fille. Elle a permis de se présenter à François Asselineau, un énarque ancien directeur de cabinet de Charles Pasqua qui verse dans de fumeuses théories conspirati­onnistes – il voit dans le logo des Verts « le retour de la souveraine­té céleste » –, à Jacques Cheminade qui se présente pour la troisième fois, a culminé à , % des électeurs en  et propose aujourd’hui un programme spatial mondial à  milliards d’euros – ben voyons – ou encore à Jean Lassalle, le sympathiqu­e et rocailleux berger pyrénéen dont les propositio­ns enfilent les lieux communs et qui a pris pour slogan « je veux retaper la France » sans bien réaliser que cette affirmatio­n pouvait avoir un double sens du plus haut comique. Paraphrasa­nt Madame Roland, qui, montant à l’échafaud, avait lancé : « Liberté, que de crimes on connaît en ton nom, nous pourrions proclamer aujourd’hui Démocratie, que d’enfantilla­ges on commet en ton nom… »

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