Et l’économie solidaire ?
D’autres associations militent pour un modèle basé sur l’économie sociale et solidaire. C’est le cas du collectif Cannabis sans frontières. Lequel propose d’organiser le marché autour d’associations à but non lucratif, afin de permettre à ceux qui en ont besoin de s’emparer du marché. « La légalisation permettrait de créer des centaines d’emplois autour de cette industrie, comme la formation, la transformation des produits, la culture, ou la vente », avance Michel Sibon, président d’honneur du collectif. Ce système permettrait aussi, selon lui, de « financer la recherche sur le cannabis thérapeutique ». Une vision que partage le Collectif d’information et de recherche cannabique. Le Circ propose par ailleurs « d’autoriser tout le monde à cultiver du cannabis dans des quantités raisonnables», comme le suggère Bruno Rossignol, membre du collectif. Habituée à voir défiler quotidiennement des dizaines de consommateurs aux profils « divers et très variés », l’addictologue toulonnaise Marie-Hélène Marchioni propose « plus de prévention » en la matière. Telle est, selon, elle, la « meilleure manière » pour faire diminuer un jour le nombre de dealers, mais aussi celui des consommateurs. Comme de nombreux médecins favorables à une révision de la loi sur le cannabis, Marie-Hélène Marchioni dit défendre une approche « pragmatique » de la chose : « Il faut que ça soit bien fait, dans les règles de l’art, avec un message préventif lisible compris par tous et un bon système curatif. »
Christian Ben Lakhdar insiste lui aussi sur l’importance « d’améliorer la prévention ». « Le problème, illustre-t-il, c’est que personne n’ose en parler, ce qui montre bien le malaise. On sait très bien par exemple que le cannabis tue sur les routes de France entre et personnes par an. Mais il n’existe peu ou pas de campagne de prévention à ce niveau. Pourtant, les risques mortels au volant sont plus faibles avec le cannabis qu’avec l’alcool. » À travers cet éventuel changement de loi, Christian Ben Lakhdar propose au passage de « réinsérer tous ceux qui prennent part au trafic » en leur trouvant une place « dans le champ d’une économie légale ». Et de prendre en exemple la Californie, qui vient de légaliser le cannabis à usage récréatif. « Là-bas, explique l’économiste, ils proposent une amnistie à ceux qui sont derrière les barreaux en leur proposant un emploi dans l’industrie du cannabis ». Il s’agit, pour lui, d’un « exemple de discrimination positive qu’on pourrait étudier ici. On doit penser à l’innovation sociale qui permettrait d’accompagner les jeunes vers l’éducation ».
Dans le Colorado (États-Unis), par exemple, on ne sait plus quoi faire des recettes générées par l’industrie de la « beuh », estimées à quelque millions de dollars, un an après la légalisation. « En revanche, tempère Christian Ben Lakhdar, c’est un peu too much, dans le sens où ils commercialisent plein de produits dérivés : boissons, thés, sucettes, produits de beauté… Ils ont même des tour-opérateurs. Le problème, c’est que les accidents de la route ont augmenté, parce que les gens prennent le volant complètement défoncés après avoir mangé des space cakes [gâteaux au cannabis, Ndlr]. » D’où l’intérêt, peut-être, de proposer « un cadre un peu plus strict » ? « Évidemment qu’il faut l’interdire aux mineurs et se doter de tous les outils de prévention qu’on utilise déjà dans la lutte anti-tabac, pense l’économiste de Terra Nova, qui précise n’avoir « aucun intérêt dans l’industrie du cannabis ». Enfin, avant de convaincre les Français, les candidats à la présidentielle favorables à une évolution de la loi sur la consommation de cannabis devront peut-être commencer par convaincre les lobbies de l’alcool. « Pas sûr qu’ils en aient envie », glisse Christian Ben Lakhdar. Patrick Mennucci, pour qui « un verre de gnôle, c’est comme une cigarette de cannabis », préfère quant à lui retourner le problème dans l’autre sens : « Imaginez un peu que la gnôle soit interdite en France ? »