Nice-Matin (Cannes)

Galli-Marié : le misérable destin d’une cantatrice à Vence ET UN JOUR...

- ANDRÉ PEYREGNE GÉRARD ROCCHIA

Le 22 septembre 1905, Célestine est morte dans l’anonymat, sans famille, inconnue de tous, à l’hospice des Dominicain­es à Vence. Durant quatre ans, elle avait vécu la vie solitaire des personnes âgées, qui n’ont rien à partager avec autrui, et dont seuls les souvenirs continuent à éclairer l’existence. L’établissem­ent se trouvait au début de l’actuelle rue Saint-Michel. Reste une vieille porte en pierre donnant sur la rue du colonel Meyere. Qui était Célestine ? Personne ne le savait au juste dans son entourage, parmi les pensionnai­res et les religieuse­s. Elle avait 65 ans. Elle avait été recueillie à l’hospice sous le nom de Madame Delaur au moment où elle n’avait plus d’argent. Elle avait toujours gardé le secret sur sa vie passée. Qui, autour d’elle, aurait imaginé que vingt ans plus tôt elle avait été une chanteuse internatio­nalement connue et qu’elle avait créé le célèbre opéra « Carmen » ? Comme pour beaucoup d’artistes, le destin qui l’avait portée au zénith l’avait ensuite précipitée dans le gouffre. À l’époque de sa gloire, elle s’appelait Célestine Galli-Marié. Comme le raconte l’historien Raymond Ardisson dans sa revue Vence et ses environs durant les siècles, son second mari, un certain Delaur, épousé vers la fin des années 1880, l’avait amenée vivre dans sa villa à Vence, avait perdu son argent au jeu et l’avait laissée ruinée lorsqu’il était mort en 1901. « Il va falloir retrouver les membres de la famille, déclara la supérieure des Soeurs de la Charité de Nevers. » Tel était le nom exact de la congrégati­on des religieuse­s installées à Vence.

Le rôle de Carmen fait sa célébrité

Au bout d’un mois, on finit par retrouver à Versailles une descendant­e de la famille de son premier mari. Célestine, dont le nom de naissance était Mariéde l’Isle, avait épousé en 1860, en premières noces, le sculpteur Galli, mort un an plus tard, dont elle avait gardé le nom sur scène. Sa carrière avait explosé lorsqu’elle avait été la première à chanter « Carmen ». Elle avait En  s’opère en France un grand changement administra­tif : le pays jusqu’ici réparti en provinces est maintenant partagé en départemen­ts, districts, cantons et communes. Le fleuve le Var, qui jusqu’à présent marquait la limite entre la France et le royaume de Piémont-Sardaigne, devient le fleuve frontière du nouveau départemen­t, auquel il a donné son nom(). Les districts sont établis et Grimaud dépendra de celui de Fréjus. Le village devient chef-lieu de canton dont dépendront La Garde-Freinet, Cogolin, Sainte-Maxime et le Plan-de-la-Tour, devenu commune depuis peu. Grimaud, blotti depuis des siècles sous la protection d’un château seigneuria­l, veut tourner la page d’une autorité féodale qui semble l’avoir étouffé. C’est peut-être la raison qui explique qu’il fut le premier lieu de la région à vouloir changer de nom. Il prend celui d’Athénople. Mais pourquoi ?

La légende de Phryné, chassée d’Athènes

Aucun vestige archéologi­que ne permet de répondre à cette question. Il reste juste une légende qui prétend qu’environ  avant notre ère vivait dans Athènes la belle Phryné. Accusée d’impiété, elle fut condamnée à l’exil. Conduite par ses navires chargés de ses été la vedette de la création mondiale de cet opéra, en 1875. C’est elle qui avait incarné pour la première fois le personnage richesses et de ses esclaves, elle aborda un jour l’actuel golfe de Saint-Tropez. Nul ne sait comment. Séduite par les lieux, elle y éleva une petite cité qu’elle baptisa du nom d’Athénopoli­s, la petite Athènes, qui deviendra Grimaud. Cette légende fut en tout cas suffisamme­nt tenace pour que nos révolution­naires retrouvent-là leur origine. Une révolution ne se fait pas qu’en changeant de nom? Le nouveau comité de surveillan­ce révolution­naire baptisé « société des sans culottes » veut marquer les esprits et surtout faire face aux énormes charges qu’impose la nouvelle république pour l’intendance de son armée. Le  décembre  est mise aux enchères la démolition des tours du château. Cet imposant bâtiment avait été délaissé depuis plusieurs années déjà par Jean-Baptiste de Castellane, dit « le boiteux » depuis une vilaine blessure de guerre. Ce marquis de Grimaud et parent du Bailly de Suffren, préféra habiter une maison plus moderne au coeur de village. La vente des pierres permettra de faire rentrer un peu d’argent dans les caisses de la communauté. Depuis, le château ne s’est jamais remis de ses ruines. En septembre , pour parfaire le tout, est décidé le changement des noms des rues et places. La place des Mûriers devient la place de l’Égalité - actuelle place de gitane fatale. L’ouvrage avait fait scandale. Le public parisien avait été choqué par l’immoralité du personnage et de l’histoire. Mais, peu à peu la musique de Georges Bizet, avait fini par séduire le public. Les représenta­tions de « Carmen » s’étaient poursuivie­s à Paris jusqu’à la vingt-etunième. Lors de cette représenta­tion, Célestine Galli-Marié eut soudain un malaise en scène. On dut baisser le rideau. Au même moment, Georges Bizet mourait subitement à l’âge de 36 ans à son domicile à Bougival, près de Paris. On n’a jamais élucidé le mystère de cette mort. Célestine Galli-Marié poursuivit sa carrière. Le 8 février 1879, c’est à elle qu’on fit appel pour être la vedette du premier spectacle lyrique donné dans le nouvel Opéra de Monte-Carlo, le « Chevalier Gaston » de Robert Planquette. L’opéra avait été inauguré quinze jours plus tôt lors d’une cérémonie où avait brillé l’actrice Sarah Bernhardt Célestine Galli-Marié chanta une dernière fois « Carmen » en 1890, ayant à ses côtés, dans le second Neuve-, celle de l’Église devient la place de l’Unité, - c’est à nouveau la place de l’Église aujourd’hui - et la Placette s’appellera désormais place de la Fraternité et de la Liberté – elle est redevenue la Placette à présent. Après la chute de Robespierr­e et la fin de la terreur, souffle un vent nouveau. Quand décide-t-on d’oublier cette période sombre pour rebaptiser le village de son ancien nom ? Eric Vieux, directeur du service patrimoine de la mairie de Grimaud, a trouvé la réponse dans les archives communales. En effet, on retrouve pour la dernière fois dans les délibérati­ons du conseil, le nom d’Athénople le  germinal de l’an V ou  mars , car dès la délibérati­on suivante, le  messidor rôle féminin, l’illustre soprano Nelly Melba - la chanteuse pour laquelle le cuisinier de Villeneuve-Loubet Auguste Escoffier créa sa « pêche ». Lorsque sa voix commença à faiblir, Célestine décida de quitter définitive­ment la scène. Elle se laissa aller à cette vie de retraitée qu’elle espérait douce auprès de son second mari à Vence. Une vie sans public, sans tapage, vouée au charme des promenades dans l’arrière-pays. Le chant appartenai­t au passé. Lors d’un séjour à Saint-MartinVésu­bie, lorsqu’on lui demanda de chanter, elle répondit : « GalliMarié n’existe plus et madame Delaur ne chante pas ! » À la demande de la famille retrouvée, son corps fut ramené à

Paris, enterré au cimetière des célébrités, le Père-Lachaise. L’inconnue madame Delaur était enfin redevenue la grande Célestine Galli-Marié. de l’an V, soit le  juillet , réapparaît le nom de Grimaud, qui ne va plus jamais disparaîtr­e. La belle Phryné a-t-elle apprécié pareille trahison, la légende ne le dit pas, mais quel que soit le nom, Athénople ou Grimaud, le lieu n’a rien perdu de son charme.

 ?? Célestine Galli-Marié dans le rôle de Carmen. (Photo DR) ?? Les révolution­naires puisent dans la légende de Phyrné, une courtisane grecque, en exil qui aurait édifié le village d’Athénopole, le futur Grimaud (à gauche). Grimaud, des centaines d’années plus tard, au début du XXè siècle (à droite). © Photo DR
Célestine Galli-Marié dans le rôle de Carmen. (Photo DR) Les révolution­naires puisent dans la légende de Phyrné, une courtisane grecque, en exil qui aurait édifié le village d’Athénopole, le futur Grimaud (à gauche). Grimaud, des centaines d’années plus tard, au début du XXè siècle (à droite). © Photo DR
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