Nice-Matin (Cannes)

La leçon de ciné de Sandrine Kiberlain

La comédienne donne une leçon de cinéma demain au Palais, avant la projection de 9 mois ferme, le film d’Albert Dupontel pour lequel elle a reçu le César de la meilleure actrice

- ALEXANDRE CARINI acarini@nicematin.fr Sur invitation réservée aux Cannois.

Allô ? On entend la belle voix de Sandrine Kiberlain. Douce, mais non effacée. Légèrement essoufflée. Pas de course à travers Paris. Elle s’excuse pour notre rendezvous téléphoniq­ue, décalé puis retardé. Dans son propre rôle, l’actrice à succès n’oublie jamais la simple humanité. Une bienveilla­nce tranquille émane d’elle, comme un parfum fragile. Écoute sensible. Silhouette gracile de Vénus florentine. On lui donnerait le bon Dieu... Mais Eric Rochant l’a révélée en call-girl terribleme­nt sexy pour les Patriotes. Première nomination aux Césars. Dix ans plus tard, elle remporte le trophée (meilleure actrice) pour son rôle déjanté de juge engrossée par un malfrat dans 9 mois ferme, diffusé demain soir au Palais. Mademoisel­le Chambon (autre César), y révèle tout son potentiel comique. Talent éclectique. Contrairem­ent à sa chanson, Sandrine Kiberlain n’a vraiment rien de La godiche.

De retour à Cannes «hors saison » festivaliè­re ?

Oui, je ne connais pas, ce sera une grande première. On associe toujours Cannes au cinéma, et l’on sait que son Festival du film est le plus prestigieu­x mais aussi le plus passionné du monde. On y vit toujours des moments très forts, de joie ou d’euphorie. Venir faire une masterclas­s m’amuse, même si c’est plus tranquille.

Vous étiez juré du Festival en . Un instantané ?

Ah, je me souviens du jour où Gilles Jacob m’a appelée pour me le proposer. J’étais une jeune actrice, j’ai cru à une blague, alors je lui ai raccroché au nez ! Et puis sur place, j’ai failli monter sur les tables pour défendre La Chambre du fils, de Nanni Moretti. Tous les jurés trouvaient que c’était un grand film, mais Terry Gilliam estimait que c’était trop facile de faire pleurer avec un film. Ça prouve la passion et les enjeux qui animent ce Festival.

Palme d’or préférée ?

Bizarremen­t, pas une Palme d’or, mais In the Mood for love, pour un peu tout, y compris la B.O. C’est comme quand je suis amoureuse, je ne sais plus trop pourquoi, mais je suis bouleversé­e, et ça change ma vie. Et puis il y a aussi Sailor et Lula, un vrai choc de cinéma.

Le cinéma, selon Sandrine Kiberlain ?

Une partie de ma vie déjà, très nettement. Et puis partir ailleurs pendant deux heures dans une salle obscure… une magie. S’échapper du quotidien pour s’enfuir dans une histoire…

Vous êtes devenue actrice,

« sans doute en raison d’un manque de quelque chose dans la vie, et une envie trop démesurée d’être vue », dites -vous ? Oui. Je voulais être vue sur un écran aussi grand, avec à la fois l’envie d’être aimée, mais aussi la politesse de me cacher derrière un personnage, une espèce d’hypocrisie : c’est moi, mais pas moi. Et puis il y a le plaisir du jeu, la volonté de rester dans l’enfance. Et le plaisir d’être filmée comme une héroïne, alors que je n’avais pas forcément ce sentiment en tant qu’adolescent­e.

Beauté florentine et folie douce, c’est vous ?

(Un temps. Flattée et gênée à la fois) Merci pour la beauté florentine… Il faut une certaine folie, plus ou moins douce, pour être actrice. Chez moi, c’est aussi une histoire de fantaisie, un peu décalée. Ne jamais se prendre trop au sérieux, pour rendre plus crédible un personnage, car nous sommes tous un peu comme ça dans la vie.

Le César que vous avez reçu pour  mois ferme et ce rôle déjanté, ça a changé votre statut ?

Le fait d’avoir eu raison d’avoir choisi ce film, qui est aussi un grand succès public, a fait de moi une espèce de caution pour les producteur­s. Mais objectivem­ent et sans fausse modestie, le film d’Albert est très original, et super bien écrit. Aujourd’hui, j’ai le luxe du choix, et c’est toujours plaisant d’inspirer différents réalisateu­rs, c’est le rêve que l’on a lorsqu’on débute ce métier.

La bonne nouvelle, c’est vous avez repris les tournages ?

J’ai fait une petite pause de six mois, mais je serai bientôt à l’affiche de deux films. Fleuve noir, un thriller d’Erick Zonca, avec Vincent Cassel et Romain Duris, où j’ai un rôle très noir justement ; et La belle et la belle, une comédie sentimenta­le de Sophie Fillères, avec Melvil Poupaud et Agathe Bonitzer, où j’ai le rôle d’une femme de mon âge qui se rencontre à vingt ans!

Deux rôles à l’opposé, qui symbolisen­t bien votre carrière ?

Oui. J’ai cette chance qu’on pense à moi pour des choses très variées, et de rencontrer des cinéastes avec leurs univers. J’ai toujours envie de surprendre et de me surprendre.

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(Photo Patrice Lapoirie) Sandrine Kiberlain, de retour à Cannes demain… hors saison festivaliè­re !

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